Sonic Youth
St Malo [Route Du Rock] - vendredi 17 août 2007 |
Un simple rideau où figure une bougie, LA bougie, des amplis et une batterie colorés façon flower-power et pas moins de six guitares par personne ; c'est tout le matériel dont disposa Sonic Youth pour interpréter leur œuvre culte. Pour le reste l'énergie suffit.
Daydream Nation a beau avoir plus de vingt ans déjà, c'est comme s'il avait été enregistré la veille et que les New-Yorkais souhaitaient le faire découvrir à un public pourtant entièrement acquis à sa cause. Ces quinquagénaires ignorent ce que c'est que la vieillesse.
Peu de communications, très peu de paroles échangées avec la foule, massés comme des sardines contre les barrières de sécurités (note de l'auteur : ne pas se mettre au premier rang) mais un entrain sans faille et une fureur inégalée. Lorsque furent prononcés par Kim Gordon les mots magiques : 'Spirit desire', les gens rassemblés dans la fosse crurent s'évanouir. Puis ça démarra au quart de tour avec un "Teenage Riot" aussi virulent qu'au premier jour.
Sous les projecteurs éblouissants, les membres de Sonic Youth ne s'accordèrent aucun répit, alternant moments tempétueux et moments intenses, suspendus aux larsens interminables, presque extatiques, sorte de montagnes russes musicales, passages riches, pleins, tendus. La frénésie fut le mot d'ordre et de mise quasiment du début à la fin. Des chansons de la trempe de "Silver Rocket" ou "Cross The Breeze", longues en bouche mais jouées à cent à l'heure et dans le rouge, firent chavirer de bonheur, de par leur structure mélodique en tourbillon. On sait que chaque instant de silence, de retenue, est automatiquement suivi d'un déluge de riffs dingues. Il faut alors retenir sa respiration car Daydream Nation est un recueil de chansons tellement speed qu'on le traverse en apnée. Thurston Moore, quand bien même ce grand dadet resta bien discret, comme à son habitude, coupé des autres, il n'exprima pas moins une vivacité incroyable, maltraitant le manche de sa guitare ou éructant au micro comme le plus vulgaire des punks. Lorsqu'il s'emmêle les pinceaux avec sa prise jack et que, exaspéré, il la jette sur les photographes, c'est le délire complet dans le public. C'est lui qui donne la charge et se jette sur les amplis pour écrabouiller le son de sa guitare en de longues distorsions et en tirer ainsi de savoureux crissements qui donneront toute leur magie à des titres comme "The Sprawl".
Mélange sublime de nœuds mélodiques et de cordes de bruits, le concert de Sonic Youth fut une démonstration implacable de ce que le rock peut offrir de mieux en matière de musique décoiffante et remuante. Les têtes sont secouées, l'ambiance est survoltée, le délire s'immisce partout. Tout le monde connaît pourtant l'album, un des sommets de l'histoire du rock indépendant, jusque dans ses moindres recoins, mais c'est pourtant une véritable découverte que de le voir interprété en intégralité et en direct. Quand bien même on a été prévenu que "Eric's Trip" ou "Total Crash" sont de vraies bombes soniques, on reste pantois devant les acharnements de Steve Shelley ou les mimiques de Kim Gordon, grattant sa basse avec un affront sans comparaison. Et il suffit que Lee Ranaldo lance 'Hey Toni ! Put it all behind you' pour que les têtes tournent et qu'on soit prêt à se laisser emporter par cette déferlante.
Les quelques minutes de repos accordées lors de "Providence" furent bien peu suffisantes au regard de l'énergie déployée pour cette prestation. Le public était exténué mais en redemandait encore. Les musiciens, eux, se dépensaient sans compter, suant à grosses gouttes et continuaient encore et encore à s'exciter sur leurs instruments, leurs chemises complètement trempées. Pourtant ils ne firent pas traîner les choses et enchaînèrent les chansons, à la mitraillette. Le temps n'a aucune prise sur eux. Il suffisait de voir Kim Gordon dans sa robe blanche, adorable, irrésistible et pas mal barrée aussi, chanter sur "Kissability", c'est comme si elle avait vingt ans à nouveau.
A ce moment-là, le cœur battait la chamade et on se demandait à plusieurs reprises si on allait pas mourir là, surchargé d'émotions fortes : c'est que l'on savait pertinemment que l'album allait finir sur la trilogie et ses quatorze minutes non-stop de folie pure. On crut partir ailleurs lorsque ces climats, agités, intellectualisés, séminaux, impulsifs, créatifs, nerveux, empressés, s'enchaînèrent les uns aux autres, se chevauchèrent même, entre "The Wonder", ultra virulent, et "Hyperstation", plus relâché mais saisissant. Puis lorsque Kim Gordon changea de guitare, on se doutait bien qu'on allait en prendre plein la vue avec l'explosion noisy qu'est "Eliminator Jr". Le set se termina alors sur une bouillie inaudible, véritable crachat sonore et cathartique, qui acheva l'auditeur, tourneboulé par cette expérience unique. La performance, qui aurait pu sombrer dans la caricature nombriliste, fut en réalité une occasion de redonner une nouvelle jeunesse, un second souffle à une œuvre, qui née sous Reagan, renaît à nouveau sous Bush. Sommet de la Route du Rock, raison même de la venue de milliers de festivaliers, ce soir-là ne devait être manqué sous aucun prétexte.
Mais ça ne s'arrêta pas là, cela aurait été trop simple.
Les New-Yorkais, accompagnés d'un ex-membre de Pavement (autre groupe culte s'il en est) remirent le couvert lors d'un rappel long et plus tranquille. Au grand dam des responsables dont la programmation fut chamboulée, le groupe joua plus que de raison, pour nous gratifier des chansons des derniers albums, longuets, délicates et tortueuses, au cours desquelles Kim Gordon se lança dans quelques tours de toupie.
Une fois fini, les applaudissements explosèrent. Et la question revenait sans cesse : furent-ils ovationnés comme il se doit ? Car à la hauteur de leur prestation, mais aussi de leur statut, immense et inégalable, une nuit entière à les remercier ne suffirait pas.
Daydream Nation a beau avoir plus de vingt ans déjà, c'est comme s'il avait été enregistré la veille et que les New-Yorkais souhaitaient le faire découvrir à un public pourtant entièrement acquis à sa cause. Ces quinquagénaires ignorent ce que c'est que la vieillesse.
Peu de communications, très peu de paroles échangées avec la foule, massés comme des sardines contre les barrières de sécurités (note de l'auteur : ne pas se mettre au premier rang) mais un entrain sans faille et une fureur inégalée. Lorsque furent prononcés par Kim Gordon les mots magiques : 'Spirit desire', les gens rassemblés dans la fosse crurent s'évanouir. Puis ça démarra au quart de tour avec un "Teenage Riot" aussi virulent qu'au premier jour.
Sous les projecteurs éblouissants, les membres de Sonic Youth ne s'accordèrent aucun répit, alternant moments tempétueux et moments intenses, suspendus aux larsens interminables, presque extatiques, sorte de montagnes russes musicales, passages riches, pleins, tendus. La frénésie fut le mot d'ordre et de mise quasiment du début à la fin. Des chansons de la trempe de "Silver Rocket" ou "Cross The Breeze", longues en bouche mais jouées à cent à l'heure et dans le rouge, firent chavirer de bonheur, de par leur structure mélodique en tourbillon. On sait que chaque instant de silence, de retenue, est automatiquement suivi d'un déluge de riffs dingues. Il faut alors retenir sa respiration car Daydream Nation est un recueil de chansons tellement speed qu'on le traverse en apnée. Thurston Moore, quand bien même ce grand dadet resta bien discret, comme à son habitude, coupé des autres, il n'exprima pas moins une vivacité incroyable, maltraitant le manche de sa guitare ou éructant au micro comme le plus vulgaire des punks. Lorsqu'il s'emmêle les pinceaux avec sa prise jack et que, exaspéré, il la jette sur les photographes, c'est le délire complet dans le public. C'est lui qui donne la charge et se jette sur les amplis pour écrabouiller le son de sa guitare en de longues distorsions et en tirer ainsi de savoureux crissements qui donneront toute leur magie à des titres comme "The Sprawl".
Mélange sublime de nœuds mélodiques et de cordes de bruits, le concert de Sonic Youth fut une démonstration implacable de ce que le rock peut offrir de mieux en matière de musique décoiffante et remuante. Les têtes sont secouées, l'ambiance est survoltée, le délire s'immisce partout. Tout le monde connaît pourtant l'album, un des sommets de l'histoire du rock indépendant, jusque dans ses moindres recoins, mais c'est pourtant une véritable découverte que de le voir interprété en intégralité et en direct. Quand bien même on a été prévenu que "Eric's Trip" ou "Total Crash" sont de vraies bombes soniques, on reste pantois devant les acharnements de Steve Shelley ou les mimiques de Kim Gordon, grattant sa basse avec un affront sans comparaison. Et il suffit que Lee Ranaldo lance 'Hey Toni ! Put it all behind you' pour que les têtes tournent et qu'on soit prêt à se laisser emporter par cette déferlante.
Les quelques minutes de repos accordées lors de "Providence" furent bien peu suffisantes au regard de l'énergie déployée pour cette prestation. Le public était exténué mais en redemandait encore. Les musiciens, eux, se dépensaient sans compter, suant à grosses gouttes et continuaient encore et encore à s'exciter sur leurs instruments, leurs chemises complètement trempées. Pourtant ils ne firent pas traîner les choses et enchaînèrent les chansons, à la mitraillette. Le temps n'a aucune prise sur eux. Il suffisait de voir Kim Gordon dans sa robe blanche, adorable, irrésistible et pas mal barrée aussi, chanter sur "Kissability", c'est comme si elle avait vingt ans à nouveau.
A ce moment-là, le cœur battait la chamade et on se demandait à plusieurs reprises si on allait pas mourir là, surchargé d'émotions fortes : c'est que l'on savait pertinemment que l'album allait finir sur la trilogie et ses quatorze minutes non-stop de folie pure. On crut partir ailleurs lorsque ces climats, agités, intellectualisés, séminaux, impulsifs, créatifs, nerveux, empressés, s'enchaînèrent les uns aux autres, se chevauchèrent même, entre "The Wonder", ultra virulent, et "Hyperstation", plus relâché mais saisissant. Puis lorsque Kim Gordon changea de guitare, on se doutait bien qu'on allait en prendre plein la vue avec l'explosion noisy qu'est "Eliminator Jr". Le set se termina alors sur une bouillie inaudible, véritable crachat sonore et cathartique, qui acheva l'auditeur, tourneboulé par cette expérience unique. La performance, qui aurait pu sombrer dans la caricature nombriliste, fut en réalité une occasion de redonner une nouvelle jeunesse, un second souffle à une œuvre, qui née sous Reagan, renaît à nouveau sous Bush. Sommet de la Route du Rock, raison même de la venue de milliers de festivaliers, ce soir-là ne devait être manqué sous aucun prétexte.
Mais ça ne s'arrêta pas là, cela aurait été trop simple.
Les New-Yorkais, accompagnés d'un ex-membre de Pavement (autre groupe culte s'il en est) remirent le couvert lors d'un rappel long et plus tranquille. Au grand dam des responsables dont la programmation fut chamboulée, le groupe joua plus que de raison, pour nous gratifier des chansons des derniers albums, longuets, délicates et tortueuses, au cours desquelles Kim Gordon se lança dans quelques tours de toupie.
Une fois fini, les applaudissements explosèrent. Et la question revenait sans cesse : furent-ils ovationnés comme il se doit ? Car à la hauteur de leur prestation, mais aussi de leur statut, immense et inégalable, une nuit entière à les remercier ne suffirait pas.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Vic |
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