Bob Dylan

Shadows In The Night

Shadows In The Night

 Label :     Columbia 
 Sortie :    mardi 03 février 2015 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Rédaction de X-Silence, lieu gardé secret.
Dans son gigantesque bureau, X_Lok corrige une chronique bourrée de fautes rédigé par l'incorrigible Wazoo quand on frappe à la porte.
X_Lok : Oui ?
Dylanesque : Oui.
X_Lok : Oui ?
Dylanesque : Je sais pas, c'est vous qui avez demandé à me voir boss.
X_Lok : Ah, oui ! Asseyez-vous mon cher Dylanesque, c'est au sujet de votre dernière proposition.
Dylanesque : Simon Joyner ?
X_Lok : Non, lui, pas de soucis. Personne ne lira mais c'est pile poil notre ligne éditoriale.
Dylanesque : Turner Cody ?
X_Lok : Non, lui, pas de soucis. Personne ne lira mais c'est pile poil notre ligne éditoriale.
Dylanesque : Alors c'est quoi le problème ?
X_Lok : Dylan.
Dylanesque : Bob ?
X_Lok : Bob Dylan. Robert Zimmerman. Le Zim. Prix Nobel de littérature 2016. Depuis le temps, tout le monde ici a appris à subir... à accepter votre passion. Tout le monde reconnaît le rôle d'influence majeur qu'il a joué pour nombre de groupes indés. Le message est passé.
Dylanesque : Mais ?
X_Lok : Mais... comment vous dire ça sereinement... en fait, j'ai eu quelques retours d'autres membres de la rédac et...
Dylanesque : Et ?
X_Lok : Et Dylan, on en a plein les couilles !
Dylanesque : Ah ouais mais ça, je vous avais prévenu quand j'ai démarré. Ma mission a toujours été claire : je ne me reposerais pas tant que chaque publication officielle de Dylan n'aura pas été chroniqué sur X-Silence. Tout ce que je peux écrire d'autre, c'est un prétexte. Je suis un apôtre et j'ai une Bible à finir.
X_Lok : Je comprends. Être complétiste, c'est une qualité que l'on admire ici, suffit d'aller faire un tour sur la fiche artiste de Zappa. Je n'ai rien dit quand tu as voulu chroniquer chaque Bootleg Series ou réhabiliter des bouses telles que Knocked Out Loaded. Mais là, navré, Frank Sinatra sur un webzine indé, ça va pas être possible.
Dylanesque : Deux poids, deux mesures. Si Wilco ou Pavement sortait un album de reprises de Sinatra, personne ne s'en plaindrait. Je savais bien que ça allait faire scandale de toute façon. Dylan n'est jamais là où on l'attend. 1965-2015, même combat.
X_Lok : Ouais enfin là, il réinvente pas l'eau chaude. Il se la joue pépère au coin de la cheminée. Comme mon grand-père qui chante Charles Trenet à la chorale de la maison de retraite. Shadows In The Night, c'est de la gériatrie, pas un coup de génie.
Dylanesque : Qui a dit ça ? Sa seule prétention ici, c'est de rendre hommage à des titres qui ont bercés son enfance au Minnesota, à l'époque où, enfant, il collait son oreille contre le transistor radio. Il a toujours adoré les grandes voix et la simplicité des ballades d'après-guerre, suffit de réécouter les 100 numéros de son podcast Theme Time Radio Hour ou l'album Christmas In The Heart.
X_Lok : Non pitié.
Dylanesque : De la pochette aux arrangements, Shadows In The Night est un projet old-fashionned où notre bon vieux bougre s'applique et livre l'une de ses plus belles performances vocales sur des morceaux intemporels. La bande-son idéale pour...
X_Lok : Je t'ai déjà dit : "la bande-son idéale", c'est une phrase cliché que je ne veux plus jamais relire.
Dylanesque : Euh. Le compagnon sonore idéale pour une nuit blanche où l'on erre seul dans des rues sombres en ressassant de vieux amours maudits. De préférence à l'automne pour coller avec l'ambiance feuilles mortes.
X_Lok : Putain, Sinatra ET Yves Montand sur X-Silence, tu abuses.
Dylanesque : Mais écoutes-là sa version d'"Autumn Leaves", la précision d'un groupe rodé aussi bien pour la scène que pour le studio, où la basse du fidèle Tony Garnier est plus que jamais l'élément clé. Dylan a embauché les mecs pour jouer tout le spectre de la musique américaine, du bluegrass à la country en passant par les standards. Ca a fait des merveilles sur "Love & Theft", ça peut faire des étincelles sur scène et ça nous donne un tribute à l'ambiance feutrée, très touchante.
X_Lok : Je ne suis pas touché.
Dylanesque : Tu sais aussi bien que moi que c'est une question de contexte. C'est sûr que là, dans ton bureau, la magie ne va pas opérer. Mais fais le test : sors ce soir et écoute moi ça en te perdant dans de sombres ruelles, clope au bec.
X_Lok : Je ne fume pas et, franchement, c'est un coup à se faire racketter ça. M'enfin ouais, je vois le délire rétro, le côté révérencieux et bien produit. C'est du boulot propre, je dirais pas le contraire.
Dylanesque : Ouais, avec une voix claire au service de textes beaux à pleurer. "Why Try To Change Me Now?", c'est presque une question que pose Bob à son public. À quoi bon le changer désormais ?
X_Lok : Ouais et toi, c'est pareil, on ne te changera pas.
Dylanesque : C'est pas la première fois que Dylan enregistre des reprises et qu'on l'accuse d'avoir perdu son inspiration. Certes, Selfportait en 70 et Down In The Groove en 86, c'est loin d'être ce qu'il a fait de mieux. Mais repenses au diptyque Good As I Been To You/World Gone Wrong et sa collection de vieux morceaux du répertoire folk/blues. Juste après, le mec nous a sorti l'un de ses plus grand chef d'oeuvre, Time Out Of Mind.
X_Lok : Donc l'année prochaine, on aura le droit à un chef d'oeuvre ?
Dylanesque : Euh, non, l'année prochaine, il sortira Fallen Angels, une nouvelle collection de reprises.
X_Lok : Et tu comptes en parler ?
Dylanesque : Pourquoi essayé de me changer ?
X_Lok : Sors immédiatement de mon bureau.
Une fois seul, X_Lok s'apprête à supprimer pour de bon la chronique de "Shadows In The Night". Sa conscience professionnelle l'incite tout de même à une dernière écoute de l'album. Au moment où résonne "What'll I Do" dans son bureau vide, le rédacteur a une boule au ventre, une larme à l'oeil. Il repense à toutes ses histoires d'amours terminées depuis longtemps, tous les sentiments qui s'effacent progressivement. Aux feuilles mortes.


Bon   15/20
par Dylanesque


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