John Zorn
Astronome |
Label :
Tzadik |
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Avec Astronome, deuxième volet du projet Moonchild, Zorn reprend les mêmes ingrédients que pour Songs Without Words mais en incorporant la durée à l'effort. En effet, là où le premier proposait des jets incandescents dont la composition évoquait davantage le jeu de l'écriture automatique et de l'improvisation totale (un peu à la manière de son projet "Cobra"), on est ici face à trois actes avoisinant tous le quart d'heure et au sein desquels Zorn va pousser ses musiciens encore une fois dans leurs derniers retranchements.
L'effet de surprise est émoussé, c'est un fait... le trio Dunn, Baron, Patton est une valeur sûre, on les connaît, ils sont capables de tout, et surtout de donner vie aux penchants les plus dingues du saxophoniste. Pas de surprises donc... Et pourtant, encore une fois, on ne peut que rester sans voix face à de telles déconstructions musicales. Sur une base free jazz core parfaitement maîtrisée, Zorn se donne le temps de placer et développer des ambiances qui n'étaient qu'effleurées sur l'album précédent. Au milieu des riffs d'une basse saturée aux harmoniques intraduisibles, des martèlements et roulements incessants d'une batterie devenue folle et des cris primaires du grand maître de l'onomatopée, les structures s'étirent en d'étranges espaces sonores arythmiques et atones.
Parfois stylistiquement proche de Fantômas mais sans le parodier (l'introduction de l'acte 2 n'est pas sans rappeler l'album Delirium Cordia), Astronome sonne néanmoins de façon moins métallique que le précédent opus. L'aspect expérimental est davantage mis en exergue du fait d'une architecture globale plus travaillée et de ce fait moins accessible, les partitions et les rythmes développés n'étant pas de ceux qui se suivent en tapotant des mains sur ses cuisses. On écoute, on s'interroge, on savoure si l'on est amateur, on fuit sinon.
Il reste que l'on est là devant une des productions les plus dures de Zorn, plutôt à placer du côté des Painkiler et Naked City que de The Dreamers, et qu'aimer le jazzman n'est en rien un passeport pour apprécier Moonchild. Le délire dadaïste permanent et les agressions brutales (la performance de Patton est encore une fois monumentale, même si ce n'est plus une découverte et qu'on le connaît déjà parfaitement dans ce registre) secouent et transgressent toutes les lois établies pour penser la musique autrement et utiliser des instruments "traditionnels" pour en faire des machines de l'étrange.
Il n'est pas non plus question d'une démonstration vaine comme le rock progressif a su parfois si bien le faire. La technique n'est pas une fin en soi, elle est le canal indispensable à une réflexion poussée sur de nouvelles perceptions sensorielles, un vecteur de connaissance nécessaire qui n'a rien d'un artifice de carnaval. La fureur introductive de l'acte 3 ne saurait être autre que dans une technicité dévoyée, dévouée à détruire la notion factice de beauté dans un désir de créer un nouveau visage simiesque, fou et arrogant via un regressus volontaire et assumé.
Musique d'enfant roi capricieux ne s'exprimant que par cris et chuchotements (le final dantesque de l'acte 3 par exemple), chaque note est une claque sur un visage, un geste brusque qui détruit et salit, un barbouillage d'excrément sur un mur fraîchement repeint.
Encore une fois, un telle approche schizophrène peut laisser sceptique, le fait de rester bloquer au stade anal ayant de quoi rebuter les auditeurs gratifiant habituellement la musique de vertus mélodiques. Pour tous les autres, ignorer cet album reviendrait à se priver d'un plaisir rare. Élitiste certes, et alors ?
L'effet de surprise est émoussé, c'est un fait... le trio Dunn, Baron, Patton est une valeur sûre, on les connaît, ils sont capables de tout, et surtout de donner vie aux penchants les plus dingues du saxophoniste. Pas de surprises donc... Et pourtant, encore une fois, on ne peut que rester sans voix face à de telles déconstructions musicales. Sur une base free jazz core parfaitement maîtrisée, Zorn se donne le temps de placer et développer des ambiances qui n'étaient qu'effleurées sur l'album précédent. Au milieu des riffs d'une basse saturée aux harmoniques intraduisibles, des martèlements et roulements incessants d'une batterie devenue folle et des cris primaires du grand maître de l'onomatopée, les structures s'étirent en d'étranges espaces sonores arythmiques et atones.
Parfois stylistiquement proche de Fantômas mais sans le parodier (l'introduction de l'acte 2 n'est pas sans rappeler l'album Delirium Cordia), Astronome sonne néanmoins de façon moins métallique que le précédent opus. L'aspect expérimental est davantage mis en exergue du fait d'une architecture globale plus travaillée et de ce fait moins accessible, les partitions et les rythmes développés n'étant pas de ceux qui se suivent en tapotant des mains sur ses cuisses. On écoute, on s'interroge, on savoure si l'on est amateur, on fuit sinon.
Il reste que l'on est là devant une des productions les plus dures de Zorn, plutôt à placer du côté des Painkiler et Naked City que de The Dreamers, et qu'aimer le jazzman n'est en rien un passeport pour apprécier Moonchild. Le délire dadaïste permanent et les agressions brutales (la performance de Patton est encore une fois monumentale, même si ce n'est plus une découverte et qu'on le connaît déjà parfaitement dans ce registre) secouent et transgressent toutes les lois établies pour penser la musique autrement et utiliser des instruments "traditionnels" pour en faire des machines de l'étrange.
Il n'est pas non plus question d'une démonstration vaine comme le rock progressif a su parfois si bien le faire. La technique n'est pas une fin en soi, elle est le canal indispensable à une réflexion poussée sur de nouvelles perceptions sensorielles, un vecteur de connaissance nécessaire qui n'a rien d'un artifice de carnaval. La fureur introductive de l'acte 3 ne saurait être autre que dans une technicité dévoyée, dévouée à détruire la notion factice de beauté dans un désir de créer un nouveau visage simiesque, fou et arrogant via un regressus volontaire et assumé.
Musique d'enfant roi capricieux ne s'exprimant que par cris et chuchotements (le final dantesque de l'acte 3 par exemple), chaque note est une claque sur un visage, un geste brusque qui détruit et salit, un barbouillage d'excrément sur un mur fraîchement repeint.
Encore une fois, un telle approche schizophrène peut laisser sceptique, le fait de rester bloquer au stade anal ayant de quoi rebuter les auditeurs gratifiant habituellement la musique de vertus mélodiques. Pour tous les autres, ignorer cet album reviendrait à se priver d'un plaisir rare. Élitiste certes, et alors ?
Très bon 16/20 | par Arno Vice |
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