Nick Cave And The Bad Seeds
From Her To Eternity |
Label :
Mute |
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Il est assez rare que l'on conseille ce premier album de Nick Cave et de ses Bad Seeds à quiconque souhaiterait se familiariser avec la discographie passionnante du crooner australien: trop sombre, trop désespéré. On peut penser qu'une oreille non avertie qui se poserait sur ce disque risquerait d'être traumatisée et ne voudrait, afin de préserver sa santé mentale, ne pas continuer plus loin l'exploration de son univers. Pourtant, les thèmes récurrents qui vont émailler son œuvre passionnante dans les albums qui vont suivre sont ici abordés pour la première fois: péché, rédemption, vengeance, souffrance, un programme à ne pas mettre entre toutes les oreilles de peur de ne pas s'en remettre. Si certains artistes chantent en espérant sauver leur âme, on ne peut s'empêcher de penser que pour Nick Cave, le point de non-retour est déjà atteint avec ce premier album.
En 1983 lorsque sort le disque, The Birthday Party, son groupe précédent s'est désintégré suite aux désillusions face au mépris de la presse anglaise à leur égard (pas facile de débarquer de son Australie natale en pleine période post-punk avec un groupe d'une sauvagerie inouïe quand la période est plus propice au développement des formations plus calmes, moins arty et surtout moins électriques), du fossé grandissant entre Rowland H. Howard le génial guitariste et Nick le chanteur qui ne se reconnaît plus dans les dernières compositions du guitariste, et enfin, les excès en tout genre, alcool et héroïne qui malheureusement feront partie du quotidien pendant encore de nombreuses années. Après s'être exilé à Berlin qu'il trouve plus propice à sa remise en question artistique que Londres, Nick Cave décide tout d'abord de poser en studio les jalons de ce qui sera son premier album avec ses Bad Seeds avec une formation des plus éclectique. Outre le fidèle Mick Harvey (qui tient ici la batterie), le groupe comprends le bassiste Barry Adamson, échappé de Magazine, dont le style de basse à la fois très new-wave et jazzy tranchera nettement avec la lourdeur menaçante de Tracy Pew. Les guitares sont tenus par Hugo Race, compatriote australien et passionné de delta blues et par Blixa Bargeld dont le jeu peu conventionnel (sa guitare est accordée en open de Do, la clé de la victoire) apportera cette touche no-wave si personnelle.
L'album s'ouvre sur une reprise de Leonard Cohen comme si le roi des corbeaux voulait définitivement renier son passé d'icône gothique. Malheureusement il faut bien avouer que cette version d' "Avalanche" à glacer le sang mets tout de suite les choses au point: en se livrant de la sorte à l'exercice périlleux de la reprise, il a perdu son âme mais ça ne semble pas le déranger. L'autre reprise du disque, le "In the Ghetto" d'Elvis Presley sonne pour sa part beaucoup plus fidèle à l'original. Nick n'a jamais caché son admiration pour le King et particulièrement la période tant décriée de Las Vegas ou selon lui, même bouffi et n'étant plus que l'ombre de ce qu'il avait été, le petit chauffeur routier de Tupelo surpassait tout le monde.
La tension malsaine du studio Hansa est palpable jusque dans les crissements de guitare de Bargeld, le voyage vers le fond du gouffre ne fait malheureusement que commencer puisque dans "Cabin Fever", Nick se voit en capitaine Achab, vieux loup de mer à bord d'un bateau fou luttant contre la tempête, difficile de ne pas faire le parallèle avec son quotidien perturbé de l'époque par ses excès en tout genre. "Well Of Misery", que l'on déconseillera fortement d'écouter un jour de déprime est le premier hommage de l'Australien au blues rural du delta du Mississippi. Sa voix grave reprise en chœur par le groupe évoque tour à tour les work songs des esclaves et des prisonniers vers un enfer qu'ils creusent eux même... une basse poisseuse, une guitare déglinguée et des chœurs sinistres, ce morceau sera pendant très longtemps représentatif des ambitions du chanteur, tout comme le suivant qui donne son nom à l'album. Quiconque a vu "Der Himmel Uber Berlin" de Wim Wenders ne peut qu'avoir été frappé par l'intrusion de ce morceau dans la bande son du film, très certainement l'un des meilleurs morceaux jamais écrit sur la frustration, la folie mais aussi l'amour. A noter d'ailleurs que ce morceau a été co-écrit avec sa compagne de l'époque Anita Lane qui l'avait déjà épaulé à l'époque de Birthday Party et qui continuera sur les albums suivants. Véritable "hit" de l'album, "From Her To Eternity" avec son obsédante ligne de piano et son "solo" (hum) de guitare restera pendant de nombreuses années un morceau de bravoure pendant les concerts.
"Saint Huck" fut le premier morceau enregistré par les Bad Seeds ils s'approprient ici une des icônes de la littératures américaine. Le Huck Finn de Mark Twain est cependant mis ici en parallèle avec Elvis dans un morceau aux ambitions quasi littéraire dénonçant la corruption tentatrice du milieu urbain sur les âmes pures. Que dire alors du reste de ce disque fondamental pour qui souhaite un jour comprendre comment ce chanteur atypique à mi chemin entre Tom Waits et Leonard Cohen ? Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il ne faut pas chercher de quoi égayer son samedi soir à moins que l'on pense avoir touché le fond. "The Moon Is In The Gutter" évoque l'errance nocturne et urbaine d'un déraciné, "A Box For Black Paul" inaugure la série de ses morceaux narratifs, véritables nouvelles mis en musique ("John Finn's Wife" et "Murder Ballads" semblent commencer ici). Bien que moins accessible que les disques qui vont suivre From Her To Eternity représente la quintessence de l'art de Nick Cave. Avec cet album son chemin de croix vient juste de commencer ainsi que celui de tous ceux qui s'engouffreront avec lui dans ce périple fascinant.
En 1983 lorsque sort le disque, The Birthday Party, son groupe précédent s'est désintégré suite aux désillusions face au mépris de la presse anglaise à leur égard (pas facile de débarquer de son Australie natale en pleine période post-punk avec un groupe d'une sauvagerie inouïe quand la période est plus propice au développement des formations plus calmes, moins arty et surtout moins électriques), du fossé grandissant entre Rowland H. Howard le génial guitariste et Nick le chanteur qui ne se reconnaît plus dans les dernières compositions du guitariste, et enfin, les excès en tout genre, alcool et héroïne qui malheureusement feront partie du quotidien pendant encore de nombreuses années. Après s'être exilé à Berlin qu'il trouve plus propice à sa remise en question artistique que Londres, Nick Cave décide tout d'abord de poser en studio les jalons de ce qui sera son premier album avec ses Bad Seeds avec une formation des plus éclectique. Outre le fidèle Mick Harvey (qui tient ici la batterie), le groupe comprends le bassiste Barry Adamson, échappé de Magazine, dont le style de basse à la fois très new-wave et jazzy tranchera nettement avec la lourdeur menaçante de Tracy Pew. Les guitares sont tenus par Hugo Race, compatriote australien et passionné de delta blues et par Blixa Bargeld dont le jeu peu conventionnel (sa guitare est accordée en open de Do, la clé de la victoire) apportera cette touche no-wave si personnelle.
L'album s'ouvre sur une reprise de Leonard Cohen comme si le roi des corbeaux voulait définitivement renier son passé d'icône gothique. Malheureusement il faut bien avouer que cette version d' "Avalanche" à glacer le sang mets tout de suite les choses au point: en se livrant de la sorte à l'exercice périlleux de la reprise, il a perdu son âme mais ça ne semble pas le déranger. L'autre reprise du disque, le "In the Ghetto" d'Elvis Presley sonne pour sa part beaucoup plus fidèle à l'original. Nick n'a jamais caché son admiration pour le King et particulièrement la période tant décriée de Las Vegas ou selon lui, même bouffi et n'étant plus que l'ombre de ce qu'il avait été, le petit chauffeur routier de Tupelo surpassait tout le monde.
La tension malsaine du studio Hansa est palpable jusque dans les crissements de guitare de Bargeld, le voyage vers le fond du gouffre ne fait malheureusement que commencer puisque dans "Cabin Fever", Nick se voit en capitaine Achab, vieux loup de mer à bord d'un bateau fou luttant contre la tempête, difficile de ne pas faire le parallèle avec son quotidien perturbé de l'époque par ses excès en tout genre. "Well Of Misery", que l'on déconseillera fortement d'écouter un jour de déprime est le premier hommage de l'Australien au blues rural du delta du Mississippi. Sa voix grave reprise en chœur par le groupe évoque tour à tour les work songs des esclaves et des prisonniers vers un enfer qu'ils creusent eux même... une basse poisseuse, une guitare déglinguée et des chœurs sinistres, ce morceau sera pendant très longtemps représentatif des ambitions du chanteur, tout comme le suivant qui donne son nom à l'album. Quiconque a vu "Der Himmel Uber Berlin" de Wim Wenders ne peut qu'avoir été frappé par l'intrusion de ce morceau dans la bande son du film, très certainement l'un des meilleurs morceaux jamais écrit sur la frustration, la folie mais aussi l'amour. A noter d'ailleurs que ce morceau a été co-écrit avec sa compagne de l'époque Anita Lane qui l'avait déjà épaulé à l'époque de Birthday Party et qui continuera sur les albums suivants. Véritable "hit" de l'album, "From Her To Eternity" avec son obsédante ligne de piano et son "solo" (hum) de guitare restera pendant de nombreuses années un morceau de bravoure pendant les concerts.
"Saint Huck" fut le premier morceau enregistré par les Bad Seeds ils s'approprient ici une des icônes de la littératures américaine. Le Huck Finn de Mark Twain est cependant mis ici en parallèle avec Elvis dans un morceau aux ambitions quasi littéraire dénonçant la corruption tentatrice du milieu urbain sur les âmes pures. Que dire alors du reste de ce disque fondamental pour qui souhaite un jour comprendre comment ce chanteur atypique à mi chemin entre Tom Waits et Leonard Cohen ? Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il ne faut pas chercher de quoi égayer son samedi soir à moins que l'on pense avoir touché le fond. "The Moon Is In The Gutter" évoque l'errance nocturne et urbaine d'un déraciné, "A Box For Black Paul" inaugure la série de ses morceaux narratifs, véritables nouvelles mis en musique ("John Finn's Wife" et "Murder Ballads" semblent commencer ici). Bien que moins accessible que les disques qui vont suivre From Her To Eternity représente la quintessence de l'art de Nick Cave. Avec cet album son chemin de croix vient juste de commencer ainsi que celui de tous ceux qui s'engouffreront avec lui dans ce périple fascinant.
Bon 15/20 | par Fistsoflove |
Posté le 22 mars 2007 à 17 h 05 |
Nick Cave et ses Bad Seeds s'inscrivent dans la lignée de groupes, qui comme Joy Division ou Suicide, ont décidé de considérer la musique comme un art, un moyen d'extérioriser des souffrances, et des émotions fortes. Ce premier album sorti en 1984, possède un certain nombre de qualités qui le rendre incontournable pour les amoureux de musique malsaine et dérangeante.
Abordant divers genre, du blues au rock psychédélique en passant par le punk, cet album ouvre une porte vers l'univers de Nick Cave, même si l'accessibilité de l'ensemble n'est pas mise ici. Il faudra bien plusieurs écoutes pour saisir l'ampleur de l'œuvre qui reste comme un des meilleurs disques indépendants des années 80. Dans ce disque on découvre les références de Cave avec ses excellentes reprises de "Avalanche" (Léonard Cohen) et de "In The Guetto" (Elvis Presley). Ils ont su rendre hommage à ces artistes qu'ils chérissaient tout en y apportant leur touche personnelle, et rien que pour ça on peut leur tirer le chapeau. Mais venons en à leur propre composition ! "Cabin Fever" est malsaine à souhait avec cette voix torturée et cette ambiance digne des pires films d'Hitchcock ! Monumentale et dérangeante, à l'image de l'album ! Le côté blues apparaît avec "Well of Misery" et sera récurrent sur des morceaux comme "Saint Huck" ou encore "The Moon Is The Gutter" mais en moins prononcé tout de même. Cette facette du personnage est une des plus intéressante car elle exhibe son talent d'interprète remarquable mais aussi sa vision moderniste du blues, genre peinant à se renouveler depuis fort longtemps. Et que dire de la magnifique et entêtante "From Her To Eternity" ? Ce morceau est parfait, un chef d'oeuvre. Les instruments rythmiques sont carrément fusionnés, guitare-basse-batterie comme joués par un seul homme, la mélodie de piano et la voix grave de Cave se posant sur l'ensemble. Magnifique ! Enfin, dernière facette... le côté crooner de Nick Cave qui illustre son talent pour l'écriture et qui transpire dans un morceau comme "The Moon Is In The Gutter". Une perle.
Bon si je devais faire un seul reproche à l'album c'est sur la longueur que je me pencherais. Un peu difficile à écouter d'une traite il faut bien l'avouer. Mais quand on aime on ne compte pas n'est-ce pas ? En tout cas accordez un moment d'attention à l'oeuvre de cet artiste barré mais hors norme. Comme on dit c'est la folie qui fait les grands homme !
Abordant divers genre, du blues au rock psychédélique en passant par le punk, cet album ouvre une porte vers l'univers de Nick Cave, même si l'accessibilité de l'ensemble n'est pas mise ici. Il faudra bien plusieurs écoutes pour saisir l'ampleur de l'œuvre qui reste comme un des meilleurs disques indépendants des années 80. Dans ce disque on découvre les références de Cave avec ses excellentes reprises de "Avalanche" (Léonard Cohen) et de "In The Guetto" (Elvis Presley). Ils ont su rendre hommage à ces artistes qu'ils chérissaient tout en y apportant leur touche personnelle, et rien que pour ça on peut leur tirer le chapeau. Mais venons en à leur propre composition ! "Cabin Fever" est malsaine à souhait avec cette voix torturée et cette ambiance digne des pires films d'Hitchcock ! Monumentale et dérangeante, à l'image de l'album ! Le côté blues apparaît avec "Well of Misery" et sera récurrent sur des morceaux comme "Saint Huck" ou encore "The Moon Is The Gutter" mais en moins prononcé tout de même. Cette facette du personnage est une des plus intéressante car elle exhibe son talent d'interprète remarquable mais aussi sa vision moderniste du blues, genre peinant à se renouveler depuis fort longtemps. Et que dire de la magnifique et entêtante "From Her To Eternity" ? Ce morceau est parfait, un chef d'oeuvre. Les instruments rythmiques sont carrément fusionnés, guitare-basse-batterie comme joués par un seul homme, la mélodie de piano et la voix grave de Cave se posant sur l'ensemble. Magnifique ! Enfin, dernière facette... le côté crooner de Nick Cave qui illustre son talent pour l'écriture et qui transpire dans un morceau comme "The Moon Is In The Gutter". Une perle.
Bon si je devais faire un seul reproche à l'album c'est sur la longueur que je me pencherais. Un peu difficile à écouter d'une traite il faut bien l'avouer. Mais quand on aime on ne compte pas n'est-ce pas ? En tout cas accordez un moment d'attention à l'oeuvre de cet artiste barré mais hors norme. Comme on dit c'est la folie qui fait les grands homme !
Excellent ! 18/20
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