Lou Reed
Berlin |
Label :
RCA |
||||
"Berlin" commence confusément dans le brouhaha d'une fête d'anniversaire, puis le piano se fraye une place, gagne quelques notes. On entend à peine la voix de Lou Reed. Il chuchote son poème sordide sur la mélodie jazz. "Berlin" ne parle pas du mur ni de l'Allemagne écartelée. Les chansons s'aventurent vers le poisseux, le moisi. Lou Reed était camé jusqu'à l'os lors de l'enregistrement, raconte-t-on. Il peint de sa voix si particulière, tremblante et légèrement nasillarde, des morceaux de vies engluées. " The Kids " : les enfants enfermés pleurent et crient " Mommy " à la fin du morceau - Reed les avait laissés seuls, abandonnés dans le studio, pour enregistrer les pleurs. " The Bed " : le lit, qui à la manière du " meuble à tiroirs " de Baudelaire, détient mille souvenirs, l'amour et le chagrin, le sang et les larmes. Caroline passe deux fois, superbe d'arrogance et de froideur. Elle jette Lou Reed. Et Lou Reed narre pathétiquement sa dépendance au speed, ses amours clandestines, les quartiers mal famés (" How do you think it feels ? "). Egalement présent un certain " Jim " - miroir de Lou Reed ? -, que ses amis bourrent de Purple Hearts et autres pilules, pantelant sur scène, juste bon à faire rire. Un rire un peu jaune, sûrement. Un autre garçon déchiqueté.
"Berlin" est un " bourbier ", Lester Bangs l'a tout de suite su. On glisse, sans pouvoir se raccrocher à rien. Les mélodies en lambeaux se nouent les unes aux autres, "Berlin" serait presque un haillon, qui voile à peine l'épave, Lou Reed. Ce dernier chante sans se forcer, presque contraint, sûrement pour retourner renifler ses drogues le plus vite possible.
"Berlin" est moins accessible que "Transformer". Moins accrocheur, plus tortueux. Plus impossible.
Des notes de piano mêlées à des soli de guitare qui décollent sans logique, un chant fatigué qui persiste... Malgré tout des pépites : " Lady Day " ou " Caroline Says " (I et II) - les nénuphars fleurissent à la surface du marécage.
"Berlin" est un " bourbier ", Lester Bangs l'a tout de suite su. On glisse, sans pouvoir se raccrocher à rien. Les mélodies en lambeaux se nouent les unes aux autres, "Berlin" serait presque un haillon, qui voile à peine l'épave, Lou Reed. Ce dernier chante sans se forcer, presque contraint, sûrement pour retourner renifler ses drogues le plus vite possible.
"Berlin" est moins accessible que "Transformer". Moins accrocheur, plus tortueux. Plus impossible.
Des notes de piano mêlées à des soli de guitare qui décollent sans logique, un chant fatigué qui persiste... Malgré tout des pépites : " Lady Day " ou " Caroline Says " (I et II) - les nénuphars fleurissent à la surface du marécage.
Très bon 16/20 | par Pixy |
Posté le 07 novembre 2004 à 21 h 40 |
Je ne supporte pas chroniquer un album déjà critiqué mais là passage obligatoire... Et si Berlin faisait partie de ces chefs-d'oeuvres maudits ? Ceux qui normalement devraient marquer chaque être humain de sa violence et de sa crasse ?
Berlin où l'histoire de la déchéance. Après Transformer, où la vie semblait aussi facile qu'un rail de coke, on redescend, on se casse la gueule et l'on s'écrase de pitons en pitons sur la falaise de cet album... Lou Reed a décidé de nous très mal,et il s'y prend de manière magistrale. Ses armes ? Un cynisme capable de réduire le vitriol à l'état de soft drink, et entourage de foux furieux (dont un certain... Bob Ezrin, The Wall c'est lui par exemple). Pourquoi un tel album ? Pas de raisons particulières. Comment un tel album ? se mettre dans des états extrêmes... "How Do You Think It Feels ?" manuel d'auto destruction, "The Kids", grimoire de cynisme vraiment crado, "The bed", guide vers un au-dela du désespoir.
RCA a tout fait pour empêcher la publication de ce bijou. Amputé, déformé il vit quand même le jour (on se sait par quel miracle), un preque flop, et Lou Reed s'en fout et s'arme de ses co-conspirateurs, de sa guitare, et d'une bouteille de whisky (pour mieux arrêter, en vain, la came) et défendre sa poupée Chucky auprès du public.
Un monument du rock, tout simplement.
Berlin où l'histoire de la déchéance. Après Transformer, où la vie semblait aussi facile qu'un rail de coke, on redescend, on se casse la gueule et l'on s'écrase de pitons en pitons sur la falaise de cet album... Lou Reed a décidé de nous très mal,et il s'y prend de manière magistrale. Ses armes ? Un cynisme capable de réduire le vitriol à l'état de soft drink, et entourage de foux furieux (dont un certain... Bob Ezrin, The Wall c'est lui par exemple). Pourquoi un tel album ? Pas de raisons particulières. Comment un tel album ? se mettre dans des états extrêmes... "How Do You Think It Feels ?" manuel d'auto destruction, "The Kids", grimoire de cynisme vraiment crado, "The bed", guide vers un au-dela du désespoir.
RCA a tout fait pour empêcher la publication de ce bijou. Amputé, déformé il vit quand même le jour (on se sait par quel miracle), un preque flop, et Lou Reed s'en fout et s'arme de ses co-conspirateurs, de sa guitare, et d'une bouteille de whisky (pour mieux arrêter, en vain, la came) et défendre sa poupée Chucky auprès du public.
Un monument du rock, tout simplement.
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 11 novembre 2004 à 13 h 23 |
"Berlin" est beaucoup plus qu'un disque, "Berlin" est une oeuvre déterminante de la culture en général.
Je ne pense pas qu'en enregistrant cette noire pépite intemporelle, le Lou avait réellemment conscience de son importance future dans le monde du rock.
Beau et sublime comme seuls peuvent l'être certains disques touchés par la grâce absolue,"Berlin" n'est pas accessible immédiatement ; mais une fois les clés d'accés décryptées, on entre dans un univers à la fois vénéneux et magique, où le génie total de Lou Reed crache son mal de vivre, ses angoisses et ses psychoses.
Alors "Berlin" nous laisse le souffle coupé devant tant de beauté glacée et de frissons confondus.
Je ne pense pas qu'en enregistrant cette noire pépite intemporelle, le Lou avait réellemment conscience de son importance future dans le monde du rock.
Beau et sublime comme seuls peuvent l'être certains disques touchés par la grâce absolue,"Berlin" n'est pas accessible immédiatement ; mais une fois les clés d'accés décryptées, on entre dans un univers à la fois vénéneux et magique, où le génie total de Lou Reed crache son mal de vivre, ses angoisses et ses psychoses.
Alors "Berlin" nous laisse le souffle coupé devant tant de beauté glacée et de frissons confondus.
Exceptionnel ! ! 19/20
Posté le 02 octobre 2006 à 14 h 40 |
Il y a vraiment quelque chose avec cette ville...
Berlin déchiré, temple païen dédié au Dieu Vice... Quelque chose pue, suinte...
Lou Reed en est là, cherchant sa voie à travers les rues encombrées de bordels de la cité... Il tombe sur une fille, LA fille. Désespérée évidemment, trop torturée pour être honnête. S'aiment, se mentent, se détestent. Comme dans une bonne vieille chanson réaliste, sauf qu'à la fin la pute se tue après s'être fait voler ses gosses...
Notre prince nonchalant regarde la scène d'un oeil amusé: "I Just Don't Care". L'amour, la mort, les causes sociales, à quoi bon? Lou est au dessus de tout ça, il en a trop dans le nez, trop dans les veines pour ne pas être cynique ('Come down here Mama/ Hunting around always/ Cause you're afraid of sleeping').
Les terribles pleurs des gamins n'y changeront rien. Il s'en va après avoir émis un dernier constat désabusé: 'I'm gonna stop wasting my time/ Somebody else would have broke all of her arms'.
Terrible et cruel, ce cabaret Dantesque (comme l'Enfer') hisse Lou Reed au sommet de son art.
Berlin déchiré, temple païen dédié au Dieu Vice... Quelque chose pue, suinte...
Lou Reed en est là, cherchant sa voie à travers les rues encombrées de bordels de la cité... Il tombe sur une fille, LA fille. Désespérée évidemment, trop torturée pour être honnête. S'aiment, se mentent, se détestent. Comme dans une bonne vieille chanson réaliste, sauf qu'à la fin la pute se tue après s'être fait voler ses gosses...
Notre prince nonchalant regarde la scène d'un oeil amusé: "I Just Don't Care". L'amour, la mort, les causes sociales, à quoi bon? Lou est au dessus de tout ça, il en a trop dans le nez, trop dans les veines pour ne pas être cynique ('Come down here Mama/ Hunting around always/ Cause you're afraid of sleeping').
Les terribles pleurs des gamins n'y changeront rien. Il s'en va après avoir émis un dernier constat désabusé: 'I'm gonna stop wasting my time/ Somebody else would have broke all of her arms'.
Terrible et cruel, ce cabaret Dantesque (comme l'Enfer') hisse Lou Reed au sommet de son art.
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 12 juillet 2008 à 01 h 26 |
Après le délire tantouse chic en serpent plumes et autres grâces de garces un peu poilues sur les bords, Lou Reed prend un virage dont il a le secret, sans prière aucune. Pour lui, rien de tel qu'une bonne cure et s'enfoncer à nouveau dans la base qui fouette, la merde et tout ça. Car après avoir jouer les midinettes il est travaillé le Lou. Le Lou enfle, grossis, puis Lou s'assèche puis s'enrobe, et ainsi de suite au rythme des injections de speed dosé avec soin, comme un petit chimiste trop glauque pour faire partie d'un cartoon.
Mais parlons d'un autre chimiste pour les lier ensuite afin d'y voir plus clair.
Il est surprenant de ne déceler aucune vulgarité dans les histoires de boules de Bukowsky. Ses poivrots au nez piqué, ses losers sur le déclin, ses meufs plus fraiches depuis des lustres, tous réunis dans des quartiers minables, délavés... Ca pourrait donner envie de gerber comme un Houellebecq. Mais non parce que Charles, lui, est bon. Et sa provocation n'est pas un jeu mais une réelle tendresse pour ces personnages usés. Le talent foudroyant de Bukowsky tient en ça, dévoiler la grâce là où elle est censée s'enfuir à toute jambe. Les nouvelles qu'il écrit en une nuit en se travaillant à la bière tiède sont touchantes parce que le rebut a droit à la lumière en un baiser généreux et sensible. La douceur se méle au dur constat qui fait mal, un mélange qui tire des larmes. Ca colle au doigt. Tout un poème.
Le Berlin de Lou Reed est de cette tranche.
Lou Reed a pigé ce travers de la vie moche plus belle que le désinfecté de mise. Berlin est empreint d'une poésie noire, celle de cette chute inexorable, cet autoportrait aussi cynique que désespéré, qui se transforme magnifiquement en une image, celle d'une chanson triste, celle qui clôt le disque: "Sad song". Lou y chante "but I just don't care", car il se fout que Caroline soit morte les veines ouvertes, un soir, seule. Quel salopard pourrait-on se dire, propres que nous sommes. Mais comme il l'avait chanté dans "Heroin", Lou décrit et vit ce détachement romantique entrainé par la dope et le désespoir. Ce détachement presque dandy qui fait que l'on cotoîe le moche sans s'en soucier puisqu'on a la tête dans les doux nuages tièdes de la torpeur propre à la poudre. C'est pour cette inconséquence que les toxicos choquent. Ils sont gracieux alors qu'ils sont dégoutants, sans morale si ce n'est celle de la piquouse, poisseux qu'ils sont d'un désespoir bien à eux, collés à jamais, et qu'ils s'attachent à mettre en scène, encore et toujours dans le même enchainement des jours.
C'est cette quête sale que Lou raconte dans ce disque. Un vrai truc d'ordure, une sale ordure, mais qui fait pleurer alors qu'on ne le voudrait pas, mais... comment résister? On en sort sali et beau nous aussi.
Mais parlons d'un autre chimiste pour les lier ensuite afin d'y voir plus clair.
Il est surprenant de ne déceler aucune vulgarité dans les histoires de boules de Bukowsky. Ses poivrots au nez piqué, ses losers sur le déclin, ses meufs plus fraiches depuis des lustres, tous réunis dans des quartiers minables, délavés... Ca pourrait donner envie de gerber comme un Houellebecq. Mais non parce que Charles, lui, est bon. Et sa provocation n'est pas un jeu mais une réelle tendresse pour ces personnages usés. Le talent foudroyant de Bukowsky tient en ça, dévoiler la grâce là où elle est censée s'enfuir à toute jambe. Les nouvelles qu'il écrit en une nuit en se travaillant à la bière tiède sont touchantes parce que le rebut a droit à la lumière en un baiser généreux et sensible. La douceur se méle au dur constat qui fait mal, un mélange qui tire des larmes. Ca colle au doigt. Tout un poème.
Le Berlin de Lou Reed est de cette tranche.
Lou Reed a pigé ce travers de la vie moche plus belle que le désinfecté de mise. Berlin est empreint d'une poésie noire, celle de cette chute inexorable, cet autoportrait aussi cynique que désespéré, qui se transforme magnifiquement en une image, celle d'une chanson triste, celle qui clôt le disque: "Sad song". Lou y chante "but I just don't care", car il se fout que Caroline soit morte les veines ouvertes, un soir, seule. Quel salopard pourrait-on se dire, propres que nous sommes. Mais comme il l'avait chanté dans "Heroin", Lou décrit et vit ce détachement romantique entrainé par la dope et le désespoir. Ce détachement presque dandy qui fait que l'on cotoîe le moche sans s'en soucier puisqu'on a la tête dans les doux nuages tièdes de la torpeur propre à la poudre. C'est pour cette inconséquence que les toxicos choquent. Ils sont gracieux alors qu'ils sont dégoutants, sans morale si ce n'est celle de la piquouse, poisseux qu'ils sont d'un désespoir bien à eux, collés à jamais, et qu'ils s'attachent à mettre en scène, encore et toujours dans le même enchainement des jours.
C'est cette quête sale que Lou raconte dans ce disque. Un vrai truc d'ordure, une sale ordure, mais qui fait pleurer alors qu'on ne le voudrait pas, mais... comment résister? On en sort sali et beau nous aussi.
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 13 octobre 2008 à 22 h 03 |
On m'avait prévenu, Berlin est un album salement déprimant. J'étais donc plutôt impatient de découvrir une nouvelle facette d'un univers que je chéris amoureusement, à savoir le désespoir, la folie, les ténèbres, l'horreur.
Pourtant, et principalement en termes de sonorités, Berlin n'est vraiment pas aussi sombre qu'on le dit. Il n'y a bien que lors des trois derniers titres, allez, les quatre derniers, que l'album prend une tournure réellement flippante. La voix nonchalante et désintéressée de Lou Reed n'est pas là pour arranger les choses.
Mais auparavant, Berlin est presque lumineux et enjoué, fortement mélancolique, et avec cette ombre qui plane au dessus, mais tout de même. Cela ne fait, après tout, que rendre la dernière partie plus difficile - sans toutefois atteindre des sommets de noirceur.
Dans tous les cas, de bout en bout, Berlin est un excellent album, sans faux pas et à l'ambiance incroyablement facile à s'installer. Bordel, on se croirait vraiment dans les années 70 !
Le disque s'achève sur ses plus beaux morceaux, je pense notamment à "The Bed", bien que "Caroline Says" soit déjà très bon. Mais "The Bed"... Rarement le désespoir et la résignation n'auront aussi bien été exprimés en musique.
Pourtant, et principalement en termes de sonorités, Berlin n'est vraiment pas aussi sombre qu'on le dit. Il n'y a bien que lors des trois derniers titres, allez, les quatre derniers, que l'album prend une tournure réellement flippante. La voix nonchalante et désintéressée de Lou Reed n'est pas là pour arranger les choses.
Mais auparavant, Berlin est presque lumineux et enjoué, fortement mélancolique, et avec cette ombre qui plane au dessus, mais tout de même. Cela ne fait, après tout, que rendre la dernière partie plus difficile - sans toutefois atteindre des sommets de noirceur.
Dans tous les cas, de bout en bout, Berlin est un excellent album, sans faux pas et à l'ambiance incroyablement facile à s'installer. Bordel, on se croirait vraiment dans les années 70 !
Le disque s'achève sur ses plus beaux morceaux, je pense notamment à "The Bed", bien que "Caroline Says" soit déjà très bon. Mais "The Bed"... Rarement le désespoir et la résignation n'auront aussi bien été exprimés en musique.
Très bon 16/20
Posté le 08 septembre 2012 à 13 h 12 |
Berlin, ô Berlin,
Feu Lou Reed est ton écrivain,
Mais si en 1973, jamais le succès ne vînt,
A ta sortie, l'achat du LP n'eût été vain,
car, jamais, non jamais, l'oubli ne sera ton destin...
Charles Baudelaire, 2007, Dans les rêveries du cadavre loquace.
Mais je coupe ici la parole à notre chère poète, car je pense qu'il n'est pas très utile de partir dans des détails historiques et autobiographiques, sur le très bon Berlin et son génial auteur Lou Reed : bien qu'il soit fortement marqué de l'emprunte de la période glam rock, Berlin est un chef-d'oeuvre intemporel! Un concept album qui raconte la triste histoire de Jim et Caroline, un jeune couple attendu au tournant par de bien sombres desseins.
Le ton est donné par cette étrange fête d'anniversaire, qui présage déjà la fin malheureuse. Puis la première face du vinyle, s'écoule, toute de haine et de passions, mêlant rock et musique de cabaret, enchaînant titre percutant sur titre percutant, dont les plus que géniaux "Lady Day" et "Men Of Good Fortune". Mais à l'écoute du chant du Lou, on finit par déchanter ; car la face B arrivée, nos passions se gomment, et nous laissent dans la tristesse et l'angoisse. Tout commence par cette triste ballade qu'est "Caroline Says II", dans laquelle le pauvre Jim se retrouve laissé sur le bas côté par sa belle. Le morceau s'achève alors sur cette phrase : "It's so cold in Alaska" dont la splendeur lyrique ne peut être comprise qu'en écoutant les paroles de cette magnifique chanson, mais qui achève de faire basculer dans les ténèbres, autant nos deux héros que l'auditeur de l'album. Que dire des dernières chansons de l'album, de "The Kids", dont le final mêle d'une manière lugubre flûte traversière et pleures d'enfants, et de "The Bed", qui nous laisse dans la plus grande stupeur? Pas grand chose, il ne faudrait pas écorcher leur beauté par des mots...
Bref il est coolos cet album!!!
Feu Lou Reed est ton écrivain,
Mais si en 1973, jamais le succès ne vînt,
A ta sortie, l'achat du LP n'eût été vain,
car, jamais, non jamais, l'oubli ne sera ton destin...
Charles Baudelaire, 2007, Dans les rêveries du cadavre loquace.
Mais je coupe ici la parole à notre chère poète, car je pense qu'il n'est pas très utile de partir dans des détails historiques et autobiographiques, sur le très bon Berlin et son génial auteur Lou Reed : bien qu'il soit fortement marqué de l'emprunte de la période glam rock, Berlin est un chef-d'oeuvre intemporel! Un concept album qui raconte la triste histoire de Jim et Caroline, un jeune couple attendu au tournant par de bien sombres desseins.
Le ton est donné par cette étrange fête d'anniversaire, qui présage déjà la fin malheureuse. Puis la première face du vinyle, s'écoule, toute de haine et de passions, mêlant rock et musique de cabaret, enchaînant titre percutant sur titre percutant, dont les plus que géniaux "Lady Day" et "Men Of Good Fortune". Mais à l'écoute du chant du Lou, on finit par déchanter ; car la face B arrivée, nos passions se gomment, et nous laissent dans la tristesse et l'angoisse. Tout commence par cette triste ballade qu'est "Caroline Says II", dans laquelle le pauvre Jim se retrouve laissé sur le bas côté par sa belle. Le morceau s'achève alors sur cette phrase : "It's so cold in Alaska" dont la splendeur lyrique ne peut être comprise qu'en écoutant les paroles de cette magnifique chanson, mais qui achève de faire basculer dans les ténèbres, autant nos deux héros que l'auditeur de l'album. Que dire des dernières chansons de l'album, de "The Kids", dont le final mêle d'une manière lugubre flûte traversière et pleures d'enfants, et de "The Bed", qui nous laisse dans la plus grande stupeur? Pas grand chose, il ne faudrait pas écorcher leur beauté par des mots...
Bref il est coolos cet album!!!
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 31 octobre 2012 à 20 h 19 |
Si je devais en choisir un dans l'histoire du rock, ce serait peut-être celui-ci. Un album monumental, Berlin. Un de ces albums dont la puissance et le génie vous foutent une telle claque que vous en serez certainement marqué à vie. On peut adorer, on peut détester mais on ne reste pas indifférent à cette descente infernale dans le gouffre puant de Berlin où s'abîment les deux âmes tourmentées de Caroline et Jim, Roméo et Juliette décadents, rongés par leurs excès en tous genres.
Le bal s'ouvre sur le morceau titre, reprise de son précédent album, transformé en ballade mélancolique et pour le moins dérangée. Puis c'est "Lady Day" qui fait son entrée. Reed nous dresse le portrait de cette diva de la nuit berlinoise de sa voix froide et suppliante posée sur une partition d'orgue à glacer le sang. Magistral.
Reed nous emmène ensuite dans le surprenant "Men Of Good Fortune", sorte de critique sociale cynique et désabusée, qui semble sortie de nulle part. Suit alors "Caroline Says I" qui nous plonge dans l'amour conflictuel et fil rouge de l'album. On surprend Reed à partir dans des envolées lyriques inhabituelles mais juste parfaitement tenues.
L'artiste nous offre la complainte du jeune drogué désabusé, filée dans "How Do You Think It Feels" avec sa ligne de guitare inoubliable et "Oh, Jim" avec son rythme entêtant. Dans "Caroline Says II", on est rendu témoin d'une scène de violence conjugale au réalisme saisissant. "The Kids" est peut-être le morceau le plus poignant : il introduit la problématique nouvelle du difficile destin de ces enfants de drogués, probablement conçus sur un malentendu. Le passage où l'on entend crier les enfants de Bob Erzin (pour de vrai!!!) est pour le coup vraiment répugnant.
"The Bed" : on atteint des sommets d'indifférence dans ce morceau, dans un style aussi déclaratif que celui d'une annonce nécrologique. Et on finit avec le crépusculaire "Sad Song", tout simplement beau. On se laisse porter par l'harmonium qui nous fait décoller vers de nouveaux univers, beaucoup moins terre à terre que le reste de l'album.
Intemporel.
Le bal s'ouvre sur le morceau titre, reprise de son précédent album, transformé en ballade mélancolique et pour le moins dérangée. Puis c'est "Lady Day" qui fait son entrée. Reed nous dresse le portrait de cette diva de la nuit berlinoise de sa voix froide et suppliante posée sur une partition d'orgue à glacer le sang. Magistral.
Reed nous emmène ensuite dans le surprenant "Men Of Good Fortune", sorte de critique sociale cynique et désabusée, qui semble sortie de nulle part. Suit alors "Caroline Says I" qui nous plonge dans l'amour conflictuel et fil rouge de l'album. On surprend Reed à partir dans des envolées lyriques inhabituelles mais juste parfaitement tenues.
L'artiste nous offre la complainte du jeune drogué désabusé, filée dans "How Do You Think It Feels" avec sa ligne de guitare inoubliable et "Oh, Jim" avec son rythme entêtant. Dans "Caroline Says II", on est rendu témoin d'une scène de violence conjugale au réalisme saisissant. "The Kids" est peut-être le morceau le plus poignant : il introduit la problématique nouvelle du difficile destin de ces enfants de drogués, probablement conçus sur un malentendu. Le passage où l'on entend crier les enfants de Bob Erzin (pour de vrai!!!) est pour le coup vraiment répugnant.
"The Bed" : on atteint des sommets d'indifférence dans ce morceau, dans un style aussi déclaratif que celui d'une annonce nécrologique. Et on finit avec le crépusculaire "Sad Song", tout simplement beau. On se laisse porter par l'harmonium qui nous fait décoller vers de nouveaux univers, beaucoup moins terre à terre que le reste de l'album.
Intemporel.
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 16 août 2013 à 17 h 24 |
Il y a des albums comme ça où la pensée de leur(s) auteur(s) semble avoir complètement dépassée les notes qu'il(s) joue(nt).
Il y a bien sûr Transformer, Coney Island Baby, ou encore le fameux live Rock'n Roll Animal, sans parler de l'épisode Velvet Underground. Mais une fois que l'album Berlin de Lou Reed commence ses ellipses sur le tourne disque, un enivrant et doux sentiment de mélancolie prend aux tripes. C'est évident... Le meilleur du grand Lou Reed. Produit par le grandiloquent Bob Ezrin (également pianiste sur l'album) et réunissant une pléiade de musiciens réputés (les guitaristes Dick Wagner et Steve Hunter, le bassiste Jack Bruce, Steve Winwood à l'orgue et à l'harmonium et Aynsley Dunbar à la batterie), cet album de Lou Reed est un véritable accomplissement artistique. Sorte d'opéra rock tragique, aux ambiances rappelant les lugubres quartiers citadins d'Hubert Selby, et la violence d'un Charles Bukowski, Berlin est une histoire triste, un amour déchiré, entre Jim et Caroline.
Tout commence par un brouhaha, un tumulte ou se mêle des voix, un "Happy Birtday" un peu désaccordé, et quelques notes de piano. La douceur de la chanson "Berlin" est trompeuse. A la fois délicate, et dramatique, la rencontre entre les deux protagonistes de l'album, couple maudit sous une mauvaise lune, sent par avance le souffre : "We were in a small cafe, you could hear the guitars play, It was very nice, oh honey, it was paradise...".
Hommage non dissimulé à Billy Holyday, avec "Lady Day", dans lequel le maître d'œuvre Reed décrit le lugubre quotidien de Caroline. Musique grinçante, et malodorante, en contraste avec la délicate "Men Of Good Fortune". Plus désabusé tu meurs ? Lou Reed lance ici une petite complainte sur l'avidité des mauvais, et la bonne volonté des gentils (si c'était si simple...) : "Men of good fortune, often wish that they could die, While men of poor beginnings, want what they have and to get it they'll die". Mais le bougre parvient à trouver la meilleure des conclusions : "But me, I just don't care at all". Complainte guillerette avec "Caroline Says". Quand la femme veut un homme, un vrai ! Montée en chaleur, envolée jazzy sur "How Do You Think It Feels". Comme deux animaux qui se cherchent, condamnés à se supporter entre deux parties de "ça va, ça vient", on sent encore les bouteilles volées entres les deux amants...
Autres drogues, mais autres conséquences, les amants passent à autre chose, et cette fois, c'est à coup de haine et de poings que ça se règle sur "Oh Jim" : "And when you're filled up to here with hate, don't you know you gotta get it straight ; Filled up to here with hate, beat her black and blue and get it straight". Magnifique cri d'amour, de désespoir de cœur blessé, Lou Reed bouleverse par ses quelques notes de guitare à la fin de la chanson. Dézinguée par son amour, Caroline se réveille, battue et à nouveau droguée, bientôt prête à partir: "But she's not afraid to die, all her friends call her Alaska ; When she takes speed, they laugh and ask her, What is in her mind ?". Cette version sera la définitive de "Stephanie Says" composée, à l'origine, à l'époque du Velvet Underground. On peut déjà sentir le dénouement... Dans "The Kids", la pauvre Caroline est visitée par l'assistance, et se voit retirer ses enfants: "They're taking her children away, Because they said she was not a good mother". Quelques mots qui suffissent à imaginer des milliers de raisons pour lesquelles les "kids" lui sont enlevés.
Le point final de l'histoire est tout proche. Et on ne veut pas vraiment qu'elle arrive. C'est entre quatre murs, et sur ce "The Bed", que Caroline va entendre les anges : "This is the place where she lay her head, when she went to bed at night ; And this is the place our children were conceived [...] And this is the place where she cut her wrists, that odd and fateful night ; And I said, oh, oh, oh, oh, oh, oh, what a feeling...". L'harmonium nous fait décoller, la guitare nous rassure, mais les paroles, si doucement fredonnées pourtant, restent en travers de la gorge. Et puis ces chœurs arrivent, peut être les anges, et nous emmènent jusqu'au point final. "Sad Song", epilogue de cette tragédie. Flûtes, violons, chœurs christiques, magie du grand orchestre, et puis un petit portrait de la belle Caroline, que contemple Jim : "Staring at my picture book, she looks like Mary, queen of Scots [...] I tried so very hard, shows just how wrong you can be".
Roméo Et Juliette moderne, junkie, et désillusionné, l'album Berlin de Lou Reed fut à l'époque descendu en flèche par la critique, et fit une très timide percée (en Angleterre surtout). C'est près de 30 années plus tard, que le chef d'œuvre trouvera la reconnaissance qu'il mérite. A la différence de l'amour, pour d'autres choses, il n'est jamais trop tard...
Il y a bien sûr Transformer, Coney Island Baby, ou encore le fameux live Rock'n Roll Animal, sans parler de l'épisode Velvet Underground. Mais une fois que l'album Berlin de Lou Reed commence ses ellipses sur le tourne disque, un enivrant et doux sentiment de mélancolie prend aux tripes. C'est évident... Le meilleur du grand Lou Reed. Produit par le grandiloquent Bob Ezrin (également pianiste sur l'album) et réunissant une pléiade de musiciens réputés (les guitaristes Dick Wagner et Steve Hunter, le bassiste Jack Bruce, Steve Winwood à l'orgue et à l'harmonium et Aynsley Dunbar à la batterie), cet album de Lou Reed est un véritable accomplissement artistique. Sorte d'opéra rock tragique, aux ambiances rappelant les lugubres quartiers citadins d'Hubert Selby, et la violence d'un Charles Bukowski, Berlin est une histoire triste, un amour déchiré, entre Jim et Caroline.
Tout commence par un brouhaha, un tumulte ou se mêle des voix, un "Happy Birtday" un peu désaccordé, et quelques notes de piano. La douceur de la chanson "Berlin" est trompeuse. A la fois délicate, et dramatique, la rencontre entre les deux protagonistes de l'album, couple maudit sous une mauvaise lune, sent par avance le souffre : "We were in a small cafe, you could hear the guitars play, It was very nice, oh honey, it was paradise...".
Hommage non dissimulé à Billy Holyday, avec "Lady Day", dans lequel le maître d'œuvre Reed décrit le lugubre quotidien de Caroline. Musique grinçante, et malodorante, en contraste avec la délicate "Men Of Good Fortune". Plus désabusé tu meurs ? Lou Reed lance ici une petite complainte sur l'avidité des mauvais, et la bonne volonté des gentils (si c'était si simple...) : "Men of good fortune, often wish that they could die, While men of poor beginnings, want what they have and to get it they'll die". Mais le bougre parvient à trouver la meilleure des conclusions : "But me, I just don't care at all". Complainte guillerette avec "Caroline Says". Quand la femme veut un homme, un vrai ! Montée en chaleur, envolée jazzy sur "How Do You Think It Feels". Comme deux animaux qui se cherchent, condamnés à se supporter entre deux parties de "ça va, ça vient", on sent encore les bouteilles volées entres les deux amants...
Autres drogues, mais autres conséquences, les amants passent à autre chose, et cette fois, c'est à coup de haine et de poings que ça se règle sur "Oh Jim" : "And when you're filled up to here with hate, don't you know you gotta get it straight ; Filled up to here with hate, beat her black and blue and get it straight". Magnifique cri d'amour, de désespoir de cœur blessé, Lou Reed bouleverse par ses quelques notes de guitare à la fin de la chanson. Dézinguée par son amour, Caroline se réveille, battue et à nouveau droguée, bientôt prête à partir: "But she's not afraid to die, all her friends call her Alaska ; When she takes speed, they laugh and ask her, What is in her mind ?". Cette version sera la définitive de "Stephanie Says" composée, à l'origine, à l'époque du Velvet Underground. On peut déjà sentir le dénouement... Dans "The Kids", la pauvre Caroline est visitée par l'assistance, et se voit retirer ses enfants: "They're taking her children away, Because they said she was not a good mother". Quelques mots qui suffissent à imaginer des milliers de raisons pour lesquelles les "kids" lui sont enlevés.
Le point final de l'histoire est tout proche. Et on ne veut pas vraiment qu'elle arrive. C'est entre quatre murs, et sur ce "The Bed", que Caroline va entendre les anges : "This is the place where she lay her head, when she went to bed at night ; And this is the place our children were conceived [...] And this is the place where she cut her wrists, that odd and fateful night ; And I said, oh, oh, oh, oh, oh, oh, what a feeling...". L'harmonium nous fait décoller, la guitare nous rassure, mais les paroles, si doucement fredonnées pourtant, restent en travers de la gorge. Et puis ces chœurs arrivent, peut être les anges, et nous emmènent jusqu'au point final. "Sad Song", epilogue de cette tragédie. Flûtes, violons, chœurs christiques, magie du grand orchestre, et puis un petit portrait de la belle Caroline, que contemple Jim : "Staring at my picture book, she looks like Mary, queen of Scots [...] I tried so very hard, shows just how wrong you can be".
Roméo Et Juliette moderne, junkie, et désillusionné, l'album Berlin de Lou Reed fut à l'époque descendu en flèche par la critique, et fit une très timide percée (en Angleterre surtout). C'est près de 30 années plus tard, que le chef d'œuvre trouvera la reconnaissance qu'il mérite. A la différence de l'amour, pour d'autres choses, il n'est jamais trop tard...
Intemporel ! ! ! 20/20
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