Johnny Cash

Sings Ballads Of The True West

Sings Ballads Of The True West

 Label :     Columbia 
 Sortie :    septembre 1965 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Régulièrement, le fantôme de Johnny Cash me rend visite pour que l'on revisite ensemble son impressionnante discographie.

Dylanesque : Après celui sur les trains et celui sur les indiens, voici un nouveau concept-album. Une leçon d'histoire en chansons qui raconte la Conquête de l'Ouest.

Johnny Cash : Comme pour le gospel, je rêvais de faire ça depuis longtemps mais Sam Phillips ne voulait rien entendre, il disait que ça se vendrait pas. Que les gens voulait de la musique bête et méchante pour danser, pas pour apprendre. Moi, en bon américain, j'ai grandi avec ces histoires et ces figures. L'histoire de mon pays et ses légendes, c'est presque une deuxième bible et ça méritait au moins un double album, quelque chose d'épique.

Dylanesque : On est de nouveau dans un pur anachronisme puisque ça sort mi 65 et autant vous dire que la concurrence n'a jamais été aussi rude. La british invasion bat son plein et tandis qu'on commande des "Rubber Soul" pour les mettre sous le sapin, vos héritiers à domicile sont en train de bien secouer vos mythes américains. Même que le petit Dylan a carrément réécrit la légende en revisitant l'Autoroute 61 et en se baladant sur l'Allée de la Désolation.

Johnny Cash : Beaucoup de bruit pour rien. Moi aussi j'aurais pu enfiler des mots bizarres avec une voix nasillarde pour faire mon malin. Ce que je propose aux jeunes a tout de même plus de valeur que toutes ces élucubrations de païens. J'ai le sens de la morale et quand je chante sur des hors-la-lois comme John Wesley Hardin, c'est quand même autre chose que "Queen Jane" ou "Mr. Jones".

Dylanesque : Et Dylan retiendra la leçon puisqu'il chantera lui aussi sur le bandit deux ans plus tard et finira par se déguiser en cowboy et s'amuser à son tour avec les légendes de l'Ouest en compagnie de Sam Peckinpah.

Johnny Cash : Sauf que moi, je ne m'amuse pas. C'est du sérieux.

Dylanesque : Difficile de vous prendre au sérieux quand on voit votre accoutrement sur la pochette. Vous faisiez un cowboy bien plus crédible sur celle d'Orange Blossom Special, le disque précédent.

Johnny Cash : Je suis l'Homme en Noir, point barre. Et on est là pour parler musique. Ici, j'ai pioché dans un catalogue de chansons magnifiques sur l'Amérique, de la "Ballad of Boot Hill" du camarade Carl Perkins au "Stampede" de Peter La Farge, autre cowboy incompris. Ici, je reviens sur des types comme "Mr Garfield", un président qui avait quand même plus d'allure que Lyndon Johnson.

Dylanesque : En effet, les chansons sont belles et, comme d'habitude, les arrangements et votre voix élèvent le matériel. En dehors du concept général, on se retrouve donc avec des classiques comme la ballade d'immigré "Sam Hall" ou le bouleversant "Bury Me Not", des années avant que Rick Rubin ne le rende encore plus bouleversant. Et ce que j'aime particulièrement, c'est la narration. Vous nous prenez par la main du début à la fin et déroulez votre récit avec un mélange d'autorité et de malice qui fait penser au meilleur de Lee Hazlewood.

Johnny Cash : Faut aussi mentionner des trésors oubliés comme le "25 Minutes to Go" de Shel Silverstein ou le "Johnny Reb" de Merle Kilgore (le manager d'Hank Williams Jr.). La plus chère dans mon cœur, c'est "The Road to Kaintuck", co-écrite avec June, ma future femme.

Dylanesque : D'ailleurs, la famille Carter est de nouveau au rendez-vous et on mentionnera aussi Ramblin' Jack Elliott, encore un vrai cowboy qui copine également avec Dylan. Moi, ma chanson favorite, c'est "Reflections", le monologue final, sorte de morale qui résume plutôt bien le bordel américain et annonce soit un renouveau, soit des heures encore plus sombres. C'est à la limite du révisionnisme mais vous êtes tellement sincère que ça en devient émouvant. La beauté de votre musique dépasse le simple patriotisme et tant pis si ce gentil pamphlet sort alors que la guerre du Vietnam s'accélère et a encore de belles années devant elle...

Johnny Cash : Je fais pas de la politique moi. Je raconte juste des histoires. Celle de mon pays est passionnante, non ?

Dylanesque : C'est des gens comme vous qui l'avez rendu passionnante.

Johnny Cash : N'en rajoutes pas non plus. Et passe-moi un morceau de dinde. Joyeux Thanksgiving petit con !

Dylanesque : Le petit con, il va tout de même donner raison à Sam Phillips puisque ce 22ème album s'est pas vraiment vendu et que son seul single n'a même pas atteint les sommets des charts country. Columbia ressortira donc une version light l'année suivante avec une pochette qui a un peu plus de gueule et un nouveau titre bien vendeur : "Mean as Hell". On attend toujours une réédition.

Johnny Cash : Et moi j'attends toujours mon morceau de dinde.


Très bon   16/20
par Dylanesque


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