Tom Waits
Paris [Le Grand Rex] - jeudi 24 juillet 2008 |
Monsieur le Président,
Je me permets de vous adresser ce petit mot pour dire à quel point je soutiens votre politique sur le pouvoir d'achat. Et par ces quelques lignes, je me permets d'apporter modestement ma pierre à l'édifice. Le 24 juillet 2008, une espèce de vagabon américain (je sais combien vous appréciez ce pays) s'est permis de donner un concert en plein Paris avec des prix dont seuls les violonistes hollandais, brailleuses canadiennes ou rouquines libertines avaient le secret. Certes, c'était au Grand Rex et non Bercy ou le Stade de France, mais tout de même. D'autant que non seulement, le bonhomme se fait rare en France (son précédent passage remontant à 2000), si en plus, il nous ruine...
Déjà, si vous aviez vu la scène avant même que le concert commence... des espèces de hauts parleurs à l'ancienne au fond, dont sortaient de vieux blues américains. Toute une ambiance.
Le bonhomme donc, Mr Tom Waits, pour ne pas le citer, arrive dans le noir, après ses musiciens, puis un projecteur se braque sur lui. Il commence alors à agiter ses bras, ses mains vers le public, comme un marionnettiste, genre "je fais ce que je veux de vous". Et vous savez quoi ? Le pire, c'est que ça marche. Notre homme se permet d'emblée un mélange entre deux chansons, ce qui nous donne un morceau avec "Lucinda" en couplet et "Ain't Goin' Down To The Well" en refrain, le tout entrecoupé de "Ouh", "Ah" caractéristiques du monsieur, tandis qu'il tape du pied par terre soulevant un peu de poussière, comme pour rappeler le côté rustique de ses chansons. Bien évidemment, il essaie de nous amadouer avec un premier classique, "Rain Dogs", puis "Falling Down" où dans les deux cas, son côté théâtral fera merveille. A ce moment, où l'on pense que son cabaret bancal sera de mise pour la soirée, monsieur se la joue crooner avec "All The World Is Green" et surtout un "I'll Shoot The Moon" à tomber. Et le plus intolérable dans tout ça, c'est de se rendre compte que sa voix supporte l'exercice à merveille. Si maintenant, on a ce genre de surprise, je vous jure, où va le monde ? Pire encore, un "Cemetary Polka" et (un magnifique) "Cold Cold Ground", Mr Waits nous rappelle qu'en plus, il sait ne pas se prendre au sérieux, sur le bien nommé "Eyeball Kid" où il se mimera en train d'enlever un œil et jouer avec, tandis que son groupe jouera le bruit des rebonds. On est venu pour de la musique, et la musique c'est sérieux ! Et ça continue avec un chapeau à facettes, où la lumière projetée dessus transforme la Grand Rex en boite de nuits années 80.
Bien évidemment, je dénonce cet homme, mais je dénonce aussi tout le public, aux anges. On souffle le temps d'une chanson, enfin, façon de parler, vu l'endiablé "Way Down In The Hole", on a plutôt tendance à vouloir bouger dans tous les sens.
Le groupe quitte la scène, à l'exception du contrebassiste qui vient se mettre à côté du piano, où Mr Waits s'est assis. Quelques anecdotes sur le mâle de la mante religieuse qui se fait manger lors de l'accouplement, une vieille histoire où il nous raconte qu'on lui aurait dit que le citron dissolvait les arrêtes de poisson. Il se peut, je dis bien il se peut, que dit par lui, c'était nettement plus drôle. De toutes façons, on ne va pas y aller pas quatre chemins, si certains chanteurs français à cuissardes vous disent un jour "putain, ce Tom Traubert's Blues, que je n'attendais pas, putain, je l'ai vu, j'y étais !!! Waltzing matilda, waltzing matilda, you'll go waltzing matilda with me", il ne faudra pas les écouter, parce que bon, certes, il y a eu cet accident où même votre serviteur était pas loin de la larmichette, mais bon, il y a eu "The Briar And te Rose" (à tomber, mais bon, on en est déjà plus à notre premier gadin, ni au dernier), "You Can Never Hold Back Spring" avant, donc de quoi s'y préparer, et une version écourtée suite à un plantage de "Lucky Day", que Mr Waits trouvera bon de rattraper en disant, avec humour, qu'en fait, c'était prévu, c'était un medley. De plus, il ne faut pas oublier le "Innocent When You Dream" qui a suivi. Avouez quand même que faire chanter le public sur le refrain sa plus belle chanson, c'est le comble de la démagogie !
Le groupe revient. A nouveau, changement de style, via un "Lie To Me", qui ferait encore remuer la tête de votre serviteur, rien qu'en y pensant. Par la suite, on sombre dans la facilité : les ballades ("Bottom Of The World", "November", ce bijou de "Hang Down Your Head", "Dirt In the Ground") où viennent s'intercaler des morceaux plus déjantés ("Hoist That Rag", "Get Behind The Mule", "Make It Rain"). "Make It Rain", donc, où au sens propre, il pleuvra des confetti sur notre crooner. Strasses et paillettes, en plus il fayotte auprès de vous... Il va de soit que Mr Waits continue à jouer avec le public entre les morceaux en réglant par gestes le volume des applaudissements. Ah oui, au fait, je ne vous ai pas dit, mais il fait travailler ses enfants !!! L'ainé est à la batterie et le second (mineur !!!!!) vient jouer des percussions ou de la clarinette sur 2-3 morceaux. Plus généralement, je tiens à dénoncer aussi tous les musiciens présents ce soir là, qu'ils soient mineurs ou majeurs.
Là, on se dit que c'est enfin fini !!!! Pensez-vous ! Trois chansons, et pas n'importe lesquelles : "Chocolate Jesus" pour commencer avec un magnifique blasphème. Bien évidemment, personne ne dit rien... un "Trampled Rose" tout en retenue, et enfin le festif "Come On Up To The House". Je rentre chez moi si je veux d'abord ! Parce que bon je pourrais très bien me dire que j'en reprendrai bien encore le triple, mais que bon, finalement, après deux heures de ce niveau, ça n'arrive pas bien souvent.
Voilà, je crois que j'ai à peu près tout dit, je vous laisse donc pendre les mesures nécessaires pour que la prochaine fois, il soit retenu dans la salle et que ce soient les spectateurs qui disent quand ça doit s'arrêter, quitte à ce qu'il n'en sorte jamais. Même si rien que ces deux heures et quelques survivront à plusieurs années d'Alzheimer. N'y voyez là rien d'égoïste bien au contraire, après tout, je ne connais pas une seule personne n'ayant pas de place pour le lendemain qui n'ait pas regretté de ne pas pouvoir faire le doublé.
Coridalement.
PS : bon, il faut un tout petit peu reconnaître, que si ce type n'améliore pas le pouvoir d'achat, il améliore quand même un peu nos vies.
Je me permets de vous adresser ce petit mot pour dire à quel point je soutiens votre politique sur le pouvoir d'achat. Et par ces quelques lignes, je me permets d'apporter modestement ma pierre à l'édifice. Le 24 juillet 2008, une espèce de vagabon américain (je sais combien vous appréciez ce pays) s'est permis de donner un concert en plein Paris avec des prix dont seuls les violonistes hollandais, brailleuses canadiennes ou rouquines libertines avaient le secret. Certes, c'était au Grand Rex et non Bercy ou le Stade de France, mais tout de même. D'autant que non seulement, le bonhomme se fait rare en France (son précédent passage remontant à 2000), si en plus, il nous ruine...
Déjà, si vous aviez vu la scène avant même que le concert commence... des espèces de hauts parleurs à l'ancienne au fond, dont sortaient de vieux blues américains. Toute une ambiance.
Le bonhomme donc, Mr Tom Waits, pour ne pas le citer, arrive dans le noir, après ses musiciens, puis un projecteur se braque sur lui. Il commence alors à agiter ses bras, ses mains vers le public, comme un marionnettiste, genre "je fais ce que je veux de vous". Et vous savez quoi ? Le pire, c'est que ça marche. Notre homme se permet d'emblée un mélange entre deux chansons, ce qui nous donne un morceau avec "Lucinda" en couplet et "Ain't Goin' Down To The Well" en refrain, le tout entrecoupé de "Ouh", "Ah" caractéristiques du monsieur, tandis qu'il tape du pied par terre soulevant un peu de poussière, comme pour rappeler le côté rustique de ses chansons. Bien évidemment, il essaie de nous amadouer avec un premier classique, "Rain Dogs", puis "Falling Down" où dans les deux cas, son côté théâtral fera merveille. A ce moment, où l'on pense que son cabaret bancal sera de mise pour la soirée, monsieur se la joue crooner avec "All The World Is Green" et surtout un "I'll Shoot The Moon" à tomber. Et le plus intolérable dans tout ça, c'est de se rendre compte que sa voix supporte l'exercice à merveille. Si maintenant, on a ce genre de surprise, je vous jure, où va le monde ? Pire encore, un "Cemetary Polka" et (un magnifique) "Cold Cold Ground", Mr Waits nous rappelle qu'en plus, il sait ne pas se prendre au sérieux, sur le bien nommé "Eyeball Kid" où il se mimera en train d'enlever un œil et jouer avec, tandis que son groupe jouera le bruit des rebonds. On est venu pour de la musique, et la musique c'est sérieux ! Et ça continue avec un chapeau à facettes, où la lumière projetée dessus transforme la Grand Rex en boite de nuits années 80.
Bien évidemment, je dénonce cet homme, mais je dénonce aussi tout le public, aux anges. On souffle le temps d'une chanson, enfin, façon de parler, vu l'endiablé "Way Down In The Hole", on a plutôt tendance à vouloir bouger dans tous les sens.
Le groupe quitte la scène, à l'exception du contrebassiste qui vient se mettre à côté du piano, où Mr Waits s'est assis. Quelques anecdotes sur le mâle de la mante religieuse qui se fait manger lors de l'accouplement, une vieille histoire où il nous raconte qu'on lui aurait dit que le citron dissolvait les arrêtes de poisson. Il se peut, je dis bien il se peut, que dit par lui, c'était nettement plus drôle. De toutes façons, on ne va pas y aller pas quatre chemins, si certains chanteurs français à cuissardes vous disent un jour "putain, ce Tom Traubert's Blues, que je n'attendais pas, putain, je l'ai vu, j'y étais !!! Waltzing matilda, waltzing matilda, you'll go waltzing matilda with me", il ne faudra pas les écouter, parce que bon, certes, il y a eu cet accident où même votre serviteur était pas loin de la larmichette, mais bon, il y a eu "The Briar And te Rose" (à tomber, mais bon, on en est déjà plus à notre premier gadin, ni au dernier), "You Can Never Hold Back Spring" avant, donc de quoi s'y préparer, et une version écourtée suite à un plantage de "Lucky Day", que Mr Waits trouvera bon de rattraper en disant, avec humour, qu'en fait, c'était prévu, c'était un medley. De plus, il ne faut pas oublier le "Innocent When You Dream" qui a suivi. Avouez quand même que faire chanter le public sur le refrain sa plus belle chanson, c'est le comble de la démagogie !
Le groupe revient. A nouveau, changement de style, via un "Lie To Me", qui ferait encore remuer la tête de votre serviteur, rien qu'en y pensant. Par la suite, on sombre dans la facilité : les ballades ("Bottom Of The World", "November", ce bijou de "Hang Down Your Head", "Dirt In the Ground") où viennent s'intercaler des morceaux plus déjantés ("Hoist That Rag", "Get Behind The Mule", "Make It Rain"). "Make It Rain", donc, où au sens propre, il pleuvra des confetti sur notre crooner. Strasses et paillettes, en plus il fayotte auprès de vous... Il va de soit que Mr Waits continue à jouer avec le public entre les morceaux en réglant par gestes le volume des applaudissements. Ah oui, au fait, je ne vous ai pas dit, mais il fait travailler ses enfants !!! L'ainé est à la batterie et le second (mineur !!!!!) vient jouer des percussions ou de la clarinette sur 2-3 morceaux. Plus généralement, je tiens à dénoncer aussi tous les musiciens présents ce soir là, qu'ils soient mineurs ou majeurs.
Là, on se dit que c'est enfin fini !!!! Pensez-vous ! Trois chansons, et pas n'importe lesquelles : "Chocolate Jesus" pour commencer avec un magnifique blasphème. Bien évidemment, personne ne dit rien... un "Trampled Rose" tout en retenue, et enfin le festif "Come On Up To The House". Je rentre chez moi si je veux d'abord ! Parce que bon je pourrais très bien me dire que j'en reprendrai bien encore le triple, mais que bon, finalement, après deux heures de ce niveau, ça n'arrive pas bien souvent.
Voilà, je crois que j'ai à peu près tout dit, je vous laisse donc pendre les mesures nécessaires pour que la prochaine fois, il soit retenu dans la salle et que ce soient les spectateurs qui disent quand ça doit s'arrêter, quitte à ce qu'il n'en sorte jamais. Même si rien que ces deux heures et quelques survivront à plusieurs années d'Alzheimer. N'y voyez là rien d'égoïste bien au contraire, après tout, je ne connais pas une seule personne n'ayant pas de place pour le lendemain qui n'ait pas regretté de ne pas pouvoir faire le doublé.
Coridalement.
PS : bon, il faut un tout petit peu reconnaître, que si ce type n'améliore pas le pouvoir d'achat, il améliore quand même un peu nos vies.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Francislalanne |
Setlist
Lucinda / Ain't Goin' Down To The Well
Raindogs
Falling Down
All The World Is Green
I'll Shoot The Moon
Cemetery Polka
Cold Cold Ground
Eyeball Kid
Way Down In The Hole
The Briar & The Rose
You Can Never Hold Back Spring
Lucky Day
Tom Trauberts Blues
Innocent When You Dream
Lie To Me
Hoist That Rag
Bottom Of The World
November
Hang Down Your Head
Get Behind The Mule
Dirt In The Ground
Make It Rain
---
Chocolate Jesus
Trampled Rose
Come On Up To The House
Lucinda / Ain't Goin' Down To The Well
Raindogs
Falling Down
All The World Is Green
I'll Shoot The Moon
Cemetery Polka
Cold Cold Ground
Eyeball Kid
Way Down In The Hole
The Briar & The Rose
You Can Never Hold Back Spring
Lucky Day
Tom Trauberts Blues
Innocent When You Dream
Lie To Me
Hoist That Rag
Bottom Of The World
November
Hang Down Your Head
Get Behind The Mule
Dirt In The Ground
Make It Rain
---
Chocolate Jesus
Trampled Rose
Come On Up To The House
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