Herman Düne

Rencontre à Paris avec Herman Düne [avril 2005]

Les Herman Düne, groupe atypique qui écume les salles de concert depuis près de 10 ans, sortent leur nouvel album Not On Top, le 18 avril 2005 chez Pias. Habituellement assez ignorés des médias, je retrouve les trois membres du groupe au début d’une journée promo qui s’annonce longue pour eux, pas vraiment coutumiers du fait.
(Interview réalisée par Maxence pour XSilence)




XSilence : Vous êtes habitué à ce genre de promo intensive ?
Néman : On n’a jamais vraiment fait de promo à la chaîne comme ça c’est vrai, habituellement c’est une par ci, une par là… Mais là on part en tournée pour pas mal de temps, alors c’était plus simple de faire comme ça.
David-Ivar : Là c’était assez urgent, on part ce mardi 30 avril.

Et vous partez où ?
DI : On commence par l’Allemagne, ensuite en République Tchèque, en Suède en Norvège, en Hollande, Belgique France et Angleterre.

Et quelles sont les dates de prévues pour la France ?
DI : Il y a Le Printemps de Bourges, le Point Ephèmere à Paris, Lyon, Tours, Nantes, Lille.

J’ai l’impression que vous êtes des boulimiques du travail, toujours en tournée, en studio, on ne vous voit jamais en vacances…
André : Ca fait 10 ans qu’on est en vacances…

Non mais, vous sortez 2 albums en 2003, il y a en outre beaucoup de collaborations, vos projets solos. C’est un besoin pour vous d’être en permanence occupé comme ça ?
DI : Oui, on joue tout le temps. Mais nous, voilà c’est ce qu’on aime, dès qu’on peut enregistrer, on se pose pas de questions, on enregistre.

Vous passez beaucoup de temps à New York, et on vous sait très attachés à cette ville, et plus généralement à la culture musicale américaine. D’où vient cette passion, cette admiration, pas forcément évidente quand on vient de Suède et de Suisse et qu’on habite en France ?
N : C’est essentiellement lié à la musique. On écoutait ça quand on était petit, et quand on a pu partir là-bas on s’est rendu compte à quel point c’était génial. Il y a pleins de musiciens, pas forcément connus, il se passe beaucoup plus de choses qu’ici, et on peut jour plus facilement.

Mais vous habitez toujours à Paris ?
DI : André habite à Berlin maintenant et Néman et moi on habite à Paris, mais par intermittence à New York. Mais ouais c’est vrai, la culture américaine, rien que la langue déjà, je la trouve magnifique, et la musique, j’écoute ça depuis toujours. Et c’est agréable comme pays. Tu changes d’état, tu changes de culture. J’étais en tournée, et Néman a fait la fin de la tournée avec moi, dans tout le sud et même là-bas, c’était génial.

Et vous arrivez toujours à trouver du public à votre écoute ?
A : Pas tellement non… On n’a pas de disques là-bas.
N : Enfin deux disques sur Shrimper, un petit label californien, mais c’est très mal distribué. Quand on est partie avec Kimya (Dawson), on a fait une tournée des maisons, on allait jouer chez des gens.
DI : Je trouve que c’est pas mal comme public.

Oui en général, les gens ne vous connaissent pas ?
N : Sur la dernière tournée, on était avec Kimya, on ouvrait et puis on faisait son backing band, les gens venaient plutôt pour elle.
DI : Enfin ceci dit vous dites ça, mais il y avait des gens qui connaissaient, moi j’étais content quand même.
A : Quand même il y avait très peu de gens qui avaient entendu les disques quand on a tournée en tête d’affiche, mais ça n’empêche pas que ça se passe très bien, il y avait du monde au concert.

Et au niveau de l’écriture et des compositions, est ce que le fait que vous restiez plusieurs mois aux Etats-Unis joue ? ... Et de même quand vous rentrez en Suède ?
A : Au niveau des thèmes essentiellement oui, ils changent en fonction des pays où l’on reste, mais la musique change pas.

Donc il n’y a pas eu d’albums entiers qui ont été composés aux Etats-Unis par exemple, et qui aurait donné une toute autre atmosphère à l’album ?
DI : Si, sur They Go To The Woods, je trouve que ça se voit quand même qu’on l’a écrit en Suède. Et sinon Mas Cambios, au niveau de mes textes en tout cas, ils étaient quand même très imprégnés de New York.
Et puis là celui-là, le nouveau, Not On Top, les chansons je les ai écrites un peu partout.


Je demandais ça parce que pour le premier album par exemple, je trouvais qu’il y avait une ambiance vraiment différente des autres, plus sombre, moins innocent.
DI : Turn Off The Light, a un peu été fait à l’arrache en fait, même les choix des morceaux, ça a été fait vite fait, donc forcément il doit être un peu différent des autres. Et puis dans le premier, il y avait beaucoup plus de chansons à moi. Alors que maintenant, on partage un peu plus.

Et à chaque fois, vous écrivez chacun de votre côté, jamais vous ne mettez les textes de l’autre en musique ou composez ensemble ?
DI : Non, il y a juste dans They Go To The Woods où on a écrit deux morceaux ensemble, mais sinon c’est toujours séparé. C’est normal, on est deux personnes différentes, on n’écrit pas de la même façon. Moi j’écris un peu n’importe comment, enfin j’aime bien ce que j’écris, mais disons qu’ André connaît mieux que moi les règles d’écriture. Mais il est en train de m’apprendre.

Et donc le nouvel album, dans quel style il se situe, vu que je n’ai pas pu l’écouter ?
DI : Dans le nouveau justement par rapport à ce que tu disais, nos chansons à André et moi sont toujours différentes, mais là on l’a vraiment enregistré comme on joue. Et donc il fait plus « groupe » cet album, ça ne fait vraiment pas séparé.

Donc qu’est ce qui a changé par rapport aux enregistrements précédents ?
DI : Le confort d’enregistrement qu’on a eu là, on ne l’avait jamais eu. On était dans une très grande pièce, avec du bon matériel.

Et le son s’en ressent ?
DI : Forcément, là la batterie sonne comme une batterie ; sur Mas Cambios Néman, le pauvre, jouait sur la batterie d’un groupe de funk oubliée dans la cave, nous on avait pas nos amplis ni nos guitares, on jouait sur n’importe quoi. Enfin c’est plus comme nous on joue en concert quoi.

Vous gardez ce coté « à l’arrache » quand même ?
N : Bah malheureusement -ou heureusement-, malgré les moyens qu’on avait à notre disposition, ça sonne quand même comme d’habitude, c’est pas devenu tout à coup hi-fi, super produit.
DI : Disons que ça aurait pu, on avait du super matériel, mais après ce n’est pas à notre goût. Nous on était super contents du résultat, on avait fini en disant à tout le monde que c’était génial et puis on l’a fait écouter à des copains qui nous ont dit « Oh c’est cheap là c’est du 4 pistes ? », alors que nous on avait mis tout notre argent pour aller dans un studio, on était trop content, tout jouasse de ce son. Enfin moi j’adore le son, mais c’est vrai que pour quelqu’un qui habitué à écouter des trucs super propres genre Alanis Morissette, il entend ça, il dit : « Mais c’est une repet’ dans la cave ? ».
N : Et puis ce qui change aussi, c’est que c’est notre amie Julie Doiron qui fait la basse et le chant, donc ça fait quand même un changement.

En parlant de Julie Doiron, est ce que vous pouvez nous parler de ces deux semaines passées à Colmar avec vos amis ? Vous avez enregistré quelque chose ?
N : En fait on était invité là bas, pendant quinze jours, avec la possibilité d’inviter des gens qu’on aimait, avec un peu de moyens, donc on est parti là-bas enregistrer.

Et il y a quelque chose qui va sortir bientôt ?
DI : Bientôt, je sais pas. En fait au début, c’est des gens qui ont un truc à Colmar, et ils voulaient monter une sorte de résidence Herman Düne, sans trop avoir d’idée, mais ils voulaient qu’on aille là bas, et nous ce qu’on prefere faire, c’est inviter nos copains, parce que ça leur donne l’occasion de jouer devant des gens, et d’enregistrer avec eux.
A : Et puis ça nous donne l’occasion de trainer deux semaines avec eux.
DI : C’était vraiment cool, il y avait Turner Cody, Jack Lewis, et on a pu s’enregistré ensemble pendant deux semaines.

Et le résultat ... c’est un gros melting-pot de tous vos styles, ou est-ce majoritairement influencé par Herman Düne ?
DI : Non ça dépend, déjà il y a que deux chansons à nous, mais il y a pas mal de chansons où on est le groupe d’une personne. Jack il joue avec nous comme groupe, Turner avec nous comme groupe, Red aussi.

Et justement dans cet esprit, à vos soirées Open-Mic au Pop-In vous jouiez un peu le rôle de grands frères pour des petits artistes.
DI : Bah c’est ma soirée, je fais le DJ, et puis je trouve ça cool, ça existait pas quand on l’a crée. Il y a pleins de gens, même si je suis pas fan de leur musique, ils sont à fond dedans, ils viennent depuis quatre ans.
N : C’est le genre de soirées qui se font tout le temps à New York et quand on est rentré, on s’est dit : « Bah tiens, on devrait faire ça ici », et ça permet à des gens qui en ont pas trop les moyens de faire écouter leur musique.
DI : Et puis c’est génial, des fois il y a quelqu’un de connu qui vient comme ça et qui fait deux morceaux et juste après, une petite fille que j’adore, elle doit avoir 15 ans, qui fait ses deux morceaux aussi. Enfin tout le monde, connu ou pas, est sur le même plan, la dernière fois un ami vient faire un duo de saxo free, c’était génial.

Mais il n’y a pas que vos amis qui viennent jouer, alors ?
DI : Ah non maintenant je connais plus personne. Tu viens avant 21h30 il y a une liste, que j’ai limitée maintenant à 15 personnes (des fois on finissait à 25, c’était infernal), et puis tu joues dans l’ordre dans lequel tu t’es inscrit, enfin ça peut vraiment être n’importe qui. Là il y a un groupe qui vient, qui fait de l’indus, le mec branche sa basse sur une espèce de machine, et ça fait un boucan pas possible et là-dessus un chanteur avec des dreads énormes prend le micro et il gueule : « Les babouins ont des ampoules au cul » pendant 10 minutes.
Et puis il y a un mec que j’adore, il est mannequin je crois et il joue avec un groupe, et alors lui, il prend ça trop au sérieux, la plupart des gens ils viennent juste avec une guitare, et non lui il vient avec tout son groupe, il se branche, je suis obligé de passer 10 disques c’est une catastrophe, mais après il se donne tellement, genre pour lui c’est son heure, c’est 10 minutes de gloire, enfin j’adore quoi !

Enfin je demandais ça, pensant que il y avait une volonté de recréer un peu l’ambiance de ce club qu’on avait appelé « antifolk » ?
N : Non, disons que là c’était des amis, et il y a eu plein de gens qui se sont rajoutés et il y a eu cette compile appelée Antifolk, sortie sur Rough Trade qui a donné ce nom au mouvement ... c’est pas vraiment comparable.

A ce propos je pense au succès d’Adam Green, c’est assez hallucinant ; comment vous expliquez ça, sachant que vous venez tous un peu de la même scène ?
DI : Ouais c’est vraiment hallucinant !! Mais là vraiment Adam, je ne comprends pas vraiment quoi. Je trouve ça génial, j’adore ce qu’il fait, mais je n’arrive pas à expliquer.
L’autre jour, mon colocataire autrichien me racontait que Adam était sur le générique d’un jeu télévisé genre La Roue de la fortune. « Mais attend, ça passe à la télé, mais il dit que des gros mots comment c’est possible.
- Mais t’inquiètes, là bas personne parle anglais, même le présentateur n’a aucune idée de la musique de son générique ». Je trouve ça énorme !
A : Kimya aurait pu connaître le même succès.
N : Après c’est vrai, qu’il y a eu ce choix de faire un disque très produit, d’être signé sur Rough Trade. Adam a toujours voulu être un chanteur. Kimya n’a jamais trop eu cet esprit, elle est signée sur Cake.
DI : Adam, je l’ai vu à la Black Session, il a son groupe, c’est super pro ; après même si on vient de la même scène, demande à Turner de faire un show pro, c’est impossible.

Et vous avez encore des collaborations de prévues en ce moment ?
N : Là on part en tournée avec une chanteuse de New York, Diane Cluck, qui est sur Rough Trade, elle va venir avec nous sur toute la tournée en Europe, elle va faire la basse et nos premières parties.

Et du coté solo ?
DI : Moi j’ai un album qui sort là, je ne sais pas s'il est déjà arrivé en France, il s’appelle Novascotia Runs For Gold, sur un label indé ; et là je vais essayer de faire une bande dessinée d’une chanson de Bob Dylan, Lily, Rosemary And The Jack Of Hearts, pour la sortie en 45 tours.

Pourquoi avoir fait une grosse sortie pour YaYa, et pas forcément pour les autres ?
DI : Ce n’est pas de mon fait. C’est Denis Temper qui m’a appelé : « Ecoute, il me faut un truc cette semaine, j’envoie la commande à l’usine là. J’ai YaYa là, est-ce que tu veux le sortir ? ». Je lui ai dit qu’il pouvait le sortir s'il voulait. Je suis parti à New York, et quand je suis revenu il était sorti, il y en avait partout. Mais je suis content, j’adore cet album.

Et tu n’as rien touché par rapport à la version que tu vendais sur CD-R au concert ?
DI : Ah oui c’est la même. Enfin je crois que Denis l’a masterisé.
A : Enfin masterisé par Denis…
DI : Il doit avoir un pote qui a un ordi. (rires)

Et toi par exemple André, tu n’as jamais sorti un album comme ça ?
A : Oui, moi je fais beaucoup d’album, mais il reste sur CD-R.
DI : Enfin ceci dit, t’en vends plus que si tu le sortais sur un label, t’en vends des milliers !
A : Des milliers je sais pas trop, mais c’est vrai que ça part bien en tournée.

Et Temple Temple, ou en est-ce ? J’avais vraiment été bluffé par votre prestation au Nouveau Casino il y a un peu plus d’un an !
DI : Bah là écoute, GTM de Temple Temple il a un nouveau groupe qui va cartonné apparemment. On m’a dit que c’était un truc ultra commercial et ça va être immense. On a fait un concert aux Transmusicales, on s’était vraiment amusé, mais je préfère jouer avec Herman Düne. Et puis j’aime bien, mais ça prend du temps d’enregistrer ça, et j’ai pas trop le temps.

Vous arrivez à énormément tourner, même avec la débrouille, dormir chez des potes etc.…. comment vous arrivez à financer tout ça ?
DI : Au début c’était dur, oui, mais maintenant on est entièrement financé par les places de concerts et le revenu des ventes. Je suis vraiment très content de ça !

Et la sortie chez PIAS ne va pas changer grand-chose alors ?
DI : On ne peut pas trop dire, il n’est même pas sorti, après on verra ...

Et donc pourquoi avoir changé ?
DI : Avant c’était la catastrophe. Pour Mas Cambios, qui était sorti chez Chronowax, il n’y en avait nulle part : on arrivait dans une ville, personne avait pu acheter l’album avant.

Pour finir, vos coups de cœur du moment ?
DI : L’album de Jack Lewis, qui sort bientôt sur le même label que Novascotia Runs For Gold.

Et un dernier mot à propos de John Peel qui vous a souvent invité à ses sessions.
DI : On a fait neuf sessions. Je suis assez triste, il est mort pendant que j’étais en tournée aux Etats-Unis. Et pendant qu’on enregistrait Not On Top, il nous avait proposé de venir jouer pour son anniversaire chez lui pour faire une session de reprise et on avait pas pu, et ça aurait été notre dernière occasion de le voir.
N : C’est lui qui nous a permis d’être connu en Grande Bretagne ...
DI : Sans lui on ferait plus rien du tout. Parce que quand je te dis qu’on vit de notre musique, on vit surtout grace à l’Angleterre, et sans lui on aurait rien fait là-bas.
A : La seule raison qui nous a fait connaître en Angleterre c’est John Peel.
N : Maintenant on peut beaucoup tourner là bas et il y a du monde aux concerts, des salles de 300 places pendant 3 semaines.


Merci beaucoup à Néman, André et David-Ivar d' Herman Düne. Merci aux gentils gens de chez PIAS aussi.

Herman Düne – Not On Top [PIAS]
David Ivar Herman Düne – Novascotia Runs For Gold [Shrimper]
David Ivar Herman Düne – YaYa [Shrimper]




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