Placebo

Lille [Zenith Arena] - vendredi 18 novembre 2016

On peut penser ce que l'on veut de Placebo, mais en tout état de cause, le groupe de Brian Molko a toujours eu le mérite de ne pas se reposer sur ses acquis. Il ne fait pas partie de ces formations qui ont un ou deux bons disques et dont les successeurs ne sont que prétexte à faire des tournées, durant lesquelles ils ne jouent quasiment aucun nouveau morceau.
Le combo britannique s'est d'ailleurs vu parfois reprocher de ne pas assez revisiter leur ancien répertoire durant les dernières tournées. Un signe néanmoins que le groupe va toujours de l'avant.

Dès lors, l'annonce d'une tournée, sans nouvel album, et ayant pour "prétexte" de fêter les 20 ans du groupe (si on considère que le début de son existence correspond à la sortie du premier disque) était une petite surprise. En effet, Placebo n'avait jusqu'ici jamais fait dans le "commémoratif".
Alors besoin de remplir les caisses ou réelle envie de regarder dans le rétroviseur et de fêter une étape symbolique de leur carrière ? Peut-être un peu des deux. En tout cas, le public ne s'est pas fait prier pour répondre présent, à l'image de la date lilloise, pour laquelle il était compliqué de se procurer des places depuis un bon moment déjà.

Ce sont les gallois de The Joy Formidable qui assurent la première partie, eux qui ont sorti récemment leur troisième album. Malgré un début encourageant et un public compréhensif, le trio ne convaincra guère, la faute à un son approximatif, des compos parfois brouillonnes et un batteur pas toujours inspiré. Si bien qu'on entendra toutes les 10 secondes environ, quelqu'un glisser à son voisin "c'est pas formidable The Joy Formidable !".

Vingt minutes s'écoulent puis les lumières s'éteignent à nouveau. Mais Placebo n'apparaitra pas immédiatement. En effet, le groupe a d'abord souhaité rendre hommage à Leonard Cohen, récemment décédé, en diffusant "Who By Fire" pendant que les écrans géants latéraux figent deux photos en noir et blanc du chanteur. A la fin de la chanson apparaissent ses dates de naissance et de mort.
Alors que la foule applaudit, les lumières restent éteintes et la fameuse intro du titre "Every You Every Me" retentit pendant que les écrans diffusent parallèlement le clip. Datant de 1998, la vidéo n'a été révélée que très récemment par le groupe.
Diffuser sa propre musique en introduction est une pratique peu courante mais certainement une manière pour le groupe de ne pas avoir à jouer le morceau pour de vrai -ce qui sera effectivement le cas- sans en priver totalement le public.
A la fin de la vidéo résonne immédiatement après l'introduction du titre "Pure Morning" qui signe enfin l'entrée en scène du groupe. Un des rares titres du pourtant adulé Without You I'm Nothing qui sera joué ce soir, mais en tout état de cause une entrée en matière délectable.
Mais alors que les anglais enchaînent sur le plus récent "Loud Like Love", Brian Molko fait signe au reste du groupe d'arrêter de jouer. Le chanteur semble soucieux d'un événement se déroulant dans les premiers rangs. Après quelques instants de flottement, il annonce au micro que "quelqu'un est sérieusement blessé". Le reste de la salle s'interroge, impossible de voir quoique ce soit. Dans le silence qui règne, quelques commentaires plus ou moins avisés fusent. L'un d'entre eux agacera manifestement Brian Molko qui se fendra d'un "Oh, la ferme !" en direction du plaisantin.
Les anglais finissent par quitter la scène pour "laisser la Croix Rouge faire son boulot", avant de revenir quelques instants plus tard. Molko nous dit que la jeune fille évacuée "est consciente et ok" mais qu'ils sont "choqués" et nous demande "de prendre soin l'un de l'autre".
Après une telle interruption, on craint alors que le groupe ne soit coupé dans son élan et qu'il ait des difficultés à se remobiliser. Ce ne sera pas le cas. Les britanniques, professionnels et ayant certainement déjà connu pareille situation, reprennent "Loud Like Love" puis continueront leur concert normalement, laissant rapidement cet incident derrière eux.

Le début du concert est notamment marqué par l'interprétation du titre "Jesus' Son", inédit figurant sur la compil' A Place for Us to Dream, au demeurant sympathique, ainsi que par la très bonne b-side "Lazarus", qui apparait sur le single "Meds".
On notera également l'interprétation de "Twenty Years", qu'on attendait symboliquement en ouverture et/ou en clôture du set, mais qui sera finalement joué dans le premier tiers du concert.
Molko profitera également d'une pause pour présenter ses musiciens, dont seul le bassiste Stefan Olsdal (qui arborait une affreuse "coupe banane" ce soir) est membre fondateur. Ceux qui suivent le groupe ont tout de même reconnu la violoniste, présente depuis plusieurs années sur les tournées. Derrière les fûts, c'est Matt Lunn, ancien batteur de Colour of Fire, qui officie, en remplacement de Steve Forrest, qui a quitté le navire en 2015. Il sera auteur d'une belle prestation et force est de reconnaitre que son jeu sied bien au son de Placebo, ce qui n'était pas forcément le cas de Steve Forrest.

Nous aurons ensuite droit à des versions revisitées mais néanmoins convaincantes de "Space Monkey" et de "I Know". Néanmoins, en dépit du fait que la prestation du groupe soit très bonne, on ne peut s'empêcher de repenser aux promesses de Brian Molko, qui évoquait avant la tournée, une setlist comportant des titres qu'ils ne jouaient plus. Or jusqu'ici, la setlist s'est montrée relativement proche de celle de la tournée précédente. L'apparition du titre "Protège-moi", matraqué sur les radios françaises en 2004, mais plus joué depuis par le groupe, marque le début d'un dépoussiérage en règle et d'un set plus nostalgique.
"Without You I'm Nothing" constituera à ce titre, le "highlight" du concert. Morceau magnifique, subjugué par des images diffusées sur les écrans où l'on voit apparaitre David Bowie, tout sourire, aux côtés du groupe, pendant l'enregistrement dudit morceau.
A la fin de "Lady of the Flowers" - une des deux/trois vraies surprises de la setlist- Molko nous annonce qu'ils en ont fini avec "la partie mélancolique du spectacle", et nous demande si pour la fête d'anniversaire du groupe, on est prêt à danser.
"For What It's Worth" marque le début d'un passage plus punchy du set et s'avère être le morceau idéal pour réveiller un public jusqu'ici assez léthargique. "Special K" tourne également à plein régime avec ses spirales rouges apparaissant sur les écrans au moment du refrain. Même constat pour "The Bitter End", qui reste un des morceaux les plus populaires du groupe et qui vient idéalement clôturer la partie principale du concert.

Sans surprise, le groupe revient ensuite sur scène et remercie le public, avant de démarrer une version lente de "Teenage Angst". Le morceau, qui est un des rares titres du premier album à avoir toujours eu les faveurs du groupe, est cette fois joué à la guitare, alors qu'une version piano était privilégiée par le (désormais) duo depuis de nombreuses années.
Stefan Olsdal brandit ensuite une basse aux couleurs arc-en-ciel annonçant évidemment l'arrivée du titre "Nancy Boy". Ce morceau emblématique de Placebo fut un temps renié par Molko, avant d'être à nouveau joué ponctuellement au gré des tournées. Pour les 20 ans, le chanteur avait en tout cas promis qu'elle serait à nouveau de la partie.
L'excellent single "Infra-Red", extrait de l'album Meds, vient clôturer le rappel, comme très souvent ces dernières années.
Néanmoins, la troupe effectue un ultime retour en interprétant "Running Up That Ill". Reprise d'un morceau de Kate Bush datant des années 80 et que le groupe joue depuis longtemps en concert.
Un choix plutôt étonnant pour terminer le concert, et pas forcément très fédérateur. Quitte à revenir une dernière fois, on aurait préféré entendre "Taste in Men", "This Picture" ou "Days Before You Came" par exemple...
A la fin du morceau, Molko et Olsdal descendent au niveau des grilles taper dans les mains des premiers rangs, alors que les lumières restent éteintes, laissant encore espérer une ultime chanson qui ne viendra finalement pas.
Les caméras continuent en revanche de filmer et suivent un Brian Molko manifestement heureux mais dont les traits marqués du visage trahissent à la fois la fatigue et les années qui passent.

Si les tournées "commémoratives" sont surtout l'occasion pour les groupes en perte d'inspiration (et/ou de popularité) de remplir les caisses facilement, il faut reconnaitre que ce qu'a montré Placebo ce soir semblait loin de ce type de calcul. On a vu, au contraire, un groupe en forme, convaincant dans l'interprétation de ses morceaux et généreux, avec un set de 2h20 et pas moins de 25 titres joués.
La setlist aura globalement fait honneur à la discographie du groupe, sans pour autant verser dans le "fan service", avec l'interprétation symbolique de 5 morceaux du premier album.
Au final, Brian Molko et les siens auront montré qu'ils en avaient encore sous la semelle. Reste à voir quel avenir peut s'offrir au duo une fois cette tournée achevée.
En attendant, cette date lilloise nous aura rappelé, si besoin était, que Placebo est un des groupes majeurs de la scène rock de ces deux dernières décennies.


Très bon   16/20
par Billyjoe


  Setlist
(Intro : Who By Fire – Léonard Cohen Tribute)
(Every You Every Me video)
Pure Morning
Loud Like Love (interrompue puis rejouée)
Jesus' Son
Soulmates
Special Needs
Lazarus
Too Many Friends
Twenty Years
I Know
Devil in the Details
Space Monkey
Exit Wounds
Protège-moi
Without You I'm Nothing
36 Degrees [slow version]
Lady of the Flowers
For What It's Worth
Slave to the Wage
Special K
Song to Say Goodbye
The Bitter End
>>>
Teenage Angst [slow version]
Nancy Boy
Infra-Red
>>>
Running Up That Hill


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