Weezer
The Black Album |
Label :
Crush |
||||
Don't get mad at me...
I'm just being honest.
Sur le morceau le plus Weezerien de ce Black Album - tellement weezerien en fait que, alors que je passais le disque à table avec ma moitié, celle-ci s'est exclamée "Ah ça c'est Weezer !" au début de "I'm Just Being Honest" - Rivers Cuomo apostrophe son public, comme pour lui demander d'être compréhensif. Faut dire, ça fait des années que son groupe navigue en eaux agitées... et quand je dis des années, je ne parle pas simplement des derniers essais à la direction artistique névrosée, mais je remonte grosso merdo au Green Album (18 ans déjà!), c'est à dire à la première fois que Weezer à commencé à ne plus faire l'unanimité au sein de sa propre fanbase. L'histoire est connue, Blue Album en grand classique de power pop de nerds, Pinkerton en génial outsider torturé, et depuis... Depuis, une lente descente aux enfers, quoique jonchée de pépites occasionnelles sur le Green, Maladroit, une terrible traversée du désert dont chacun sauvera ce qu'il peut (personne n'est jamais d'accord, moi je sauve Hurley et pas que par amour pour LOST). Heureusement, en 2014 Cuomo revient avec un disque qui provoque ce qui ressemble le plus à un consensus depuis plus de 10 ans : oui, Everything Will Be Alright In the End est un bon album, qui tente des choses nouvelles et réussit plus qu'il ne rate. Deux ans plus tard, combo, c'est au tour du White Album de raviver la passion Weezer et de mettre (presque) tout le monde d'accord. Un album bien plus classique que son prédécesseur, plus sage mais fort bien troussé et propre à faire plaisir à ceux qui cherchaient éperdument leur Madeleine bleue. Alors quoi, le feu sacré brûlerait-il de façon pérenne dans le cœur de Cuomo & cie ?
On est en droit de se demander ce qu'il peut bien se passer dans la tête du petit frontman binoclard. Peut-être s'est-il dit qu'après avoir contenté ses fans nostalgiques avec son album blanc, ceux-ci lui pardonneraient plus facilement ses pulsions FM, la pop niaiseuse et diabétique qui coule dans ses veines depuis maintenant bien longtemps. Cette tentative prit la forme, l'année suivante, de Pacific Daydream, un album qui une fois de plus fit consensus, mais dans l'autre sens. Unanimement détesté, celui-ci tente tout et dans toutes les directions, des chœurs "woooh" typiques de la pop formatée pour millenials, aux beats sans saveurs, aux voix pitchées, et globalement à la surenchère d'arrangements et d'effets mal mixés en une bouillie fade. Si j'apprécie de prendre le rôle de l'avocat du Diable de temps en temps, cette fois je ne peux que me joindre à la cohue bougonne. Cuomo a voulu faire trop, trop vite, et le résultat sonne tellement mal qu'on en oublie les éclairs de potentiel cachés çà et là dans le songwriting. Qu'à-cela-ne-tienne, Cuomo est lancé et ne se refuse plus rien ; un album de reprises créé suite à un défi et s'attaquant à Toto, A-ha, Michael Jackson, Black Sabbath ou encore Eurythmics ? Check. Et puis, bon, le yin appelant son yang, le blanc appelle son noir, et le voici aujourd'hui : The Black Album.
Malgré sa midlife crisis qui semble durer depuis plus d'une décennie maintenant, Cuomo se montre cette fois remarquablement appliqué et concentré dans ses excès. Non, le Noir ne s'excuse pas pour ce que Pacific Daydream a convoqué, à la place il le raffine sérieusement, calme ses velléités maximalistes et se propose comme un objet plus efficace, moins englué dans des effets tape à l'œil et cache-misère, avec des chansons dont l'évidence mélodique va droit au but. Weezer s'embarque pour de bon sur le bateau pop radiophonique, sans y perdre son identité (celle-ci ne devant pas autant au rock qu'on pourrait le croire, mais plutôt à une griffe mélodique aux accroches bien marquées et à la voix de Cuomo qui vieillit finalement beaucoup moins vite que son look). "Can't Knock The Hustle" est funk de A à Z, un funk bien mécanique et cliché, mais fort charismatique et jouissif par je ne sais quelle magie ; "High As a Kite" n'est rien moins que l'une des meilleures chansons du groupe depuis Pinkerton, avec ses couplets à la Eels et son explosion purement weezeresque sur la refrain ; "Byzantine" se la joue exotica et s'en sort avec les honneurs, c'est désuet et impeccablement arrangé ; le reggae pop de blanc-bec urbanisé de "Zombie Bastards" parvient à rendre son refrain débile terriblement accrocheur, un hymne pour on ne sait trop qui ; "The Prince Who Wanted Everything" rappelle qu'il est tout à fait possible de construire tout un morceau autour d'un simple riff et "Piece of Cake" fait cohabiter claquements de mains à la con avec une certaine grâce étrangement tragicomique à la Harry Nilsson (merci à LaEscoba pour avoir fort justement pointé l'influence) ; quant à "California Snow", le ridicule pourrait facilement l'engloutir et l'enterrer à jamais dans la fosse des chansons à gimmicks foirées, mais elle me fait bien rire au fond, je crois que je l'aime bien.
Mes respects à Rivers & the Cuomos, dont le travail d'épure a su rendre accessibles et surtout appréciables les nouvelles lubies stylistiques du groupe. Ce Black n'est pas sans avoir quelques ratés, en l'occurrence les fadasses et éculées "Living In L.A." et "Too Many Thoughts In My Head". Mais ça nous mène à un ratio très acceptable, et à un disque qui n'aura pas pris trois écoutes avant de devenir fichtrement addictif. Et qui n'a, à mon sens, pas à pâlir face au White Album pourtant bien plus acclamé. Tout cela me pousse à me demander si au fond, le plus gros problème de ce Black Album, ce ne serait pas son public, et notamment le fan nostalgique qui attend encore que Weezer sorte un nouveau Pinkerton. Comme si un seul ne suffisait pas... En 2019, sur Internet, il suffit sans aucun doute de quelques clics pour trouver une myriade de jeunes groupes power pop qui émulent avec un talent certain le Weezer de la "belle époque". Alors pourquoi ne pas laisser un vieil amateur de pop (au sens large) comme Cuomo vivre ses nouveaux rêves de quadra ? Surtout quand il le fait, cette fois-ci, avec tant de soin et d'enthousiasme ?
I'm just being honest.
Sur le morceau le plus Weezerien de ce Black Album - tellement weezerien en fait que, alors que je passais le disque à table avec ma moitié, celle-ci s'est exclamée "Ah ça c'est Weezer !" au début de "I'm Just Being Honest" - Rivers Cuomo apostrophe son public, comme pour lui demander d'être compréhensif. Faut dire, ça fait des années que son groupe navigue en eaux agitées... et quand je dis des années, je ne parle pas simplement des derniers essais à la direction artistique névrosée, mais je remonte grosso merdo au Green Album (18 ans déjà!), c'est à dire à la première fois que Weezer à commencé à ne plus faire l'unanimité au sein de sa propre fanbase. L'histoire est connue, Blue Album en grand classique de power pop de nerds, Pinkerton en génial outsider torturé, et depuis... Depuis, une lente descente aux enfers, quoique jonchée de pépites occasionnelles sur le Green, Maladroit, une terrible traversée du désert dont chacun sauvera ce qu'il peut (personne n'est jamais d'accord, moi je sauve Hurley et pas que par amour pour LOST). Heureusement, en 2014 Cuomo revient avec un disque qui provoque ce qui ressemble le plus à un consensus depuis plus de 10 ans : oui, Everything Will Be Alright In the End est un bon album, qui tente des choses nouvelles et réussit plus qu'il ne rate. Deux ans plus tard, combo, c'est au tour du White Album de raviver la passion Weezer et de mettre (presque) tout le monde d'accord. Un album bien plus classique que son prédécesseur, plus sage mais fort bien troussé et propre à faire plaisir à ceux qui cherchaient éperdument leur Madeleine bleue. Alors quoi, le feu sacré brûlerait-il de façon pérenne dans le cœur de Cuomo & cie ?
On est en droit de se demander ce qu'il peut bien se passer dans la tête du petit frontman binoclard. Peut-être s'est-il dit qu'après avoir contenté ses fans nostalgiques avec son album blanc, ceux-ci lui pardonneraient plus facilement ses pulsions FM, la pop niaiseuse et diabétique qui coule dans ses veines depuis maintenant bien longtemps. Cette tentative prit la forme, l'année suivante, de Pacific Daydream, un album qui une fois de plus fit consensus, mais dans l'autre sens. Unanimement détesté, celui-ci tente tout et dans toutes les directions, des chœurs "woooh" typiques de la pop formatée pour millenials, aux beats sans saveurs, aux voix pitchées, et globalement à la surenchère d'arrangements et d'effets mal mixés en une bouillie fade. Si j'apprécie de prendre le rôle de l'avocat du Diable de temps en temps, cette fois je ne peux que me joindre à la cohue bougonne. Cuomo a voulu faire trop, trop vite, et le résultat sonne tellement mal qu'on en oublie les éclairs de potentiel cachés çà et là dans le songwriting. Qu'à-cela-ne-tienne, Cuomo est lancé et ne se refuse plus rien ; un album de reprises créé suite à un défi et s'attaquant à Toto, A-ha, Michael Jackson, Black Sabbath ou encore Eurythmics ? Check. Et puis, bon, le yin appelant son yang, le blanc appelle son noir, et le voici aujourd'hui : The Black Album.
Malgré sa midlife crisis qui semble durer depuis plus d'une décennie maintenant, Cuomo se montre cette fois remarquablement appliqué et concentré dans ses excès. Non, le Noir ne s'excuse pas pour ce que Pacific Daydream a convoqué, à la place il le raffine sérieusement, calme ses velléités maximalistes et se propose comme un objet plus efficace, moins englué dans des effets tape à l'œil et cache-misère, avec des chansons dont l'évidence mélodique va droit au but. Weezer s'embarque pour de bon sur le bateau pop radiophonique, sans y perdre son identité (celle-ci ne devant pas autant au rock qu'on pourrait le croire, mais plutôt à une griffe mélodique aux accroches bien marquées et à la voix de Cuomo qui vieillit finalement beaucoup moins vite que son look). "Can't Knock The Hustle" est funk de A à Z, un funk bien mécanique et cliché, mais fort charismatique et jouissif par je ne sais quelle magie ; "High As a Kite" n'est rien moins que l'une des meilleures chansons du groupe depuis Pinkerton, avec ses couplets à la Eels et son explosion purement weezeresque sur la refrain ; "Byzantine" se la joue exotica et s'en sort avec les honneurs, c'est désuet et impeccablement arrangé ; le reggae pop de blanc-bec urbanisé de "Zombie Bastards" parvient à rendre son refrain débile terriblement accrocheur, un hymne pour on ne sait trop qui ; "The Prince Who Wanted Everything" rappelle qu'il est tout à fait possible de construire tout un morceau autour d'un simple riff et "Piece of Cake" fait cohabiter claquements de mains à la con avec une certaine grâce étrangement tragicomique à la Harry Nilsson (merci à LaEscoba pour avoir fort justement pointé l'influence) ; quant à "California Snow", le ridicule pourrait facilement l'engloutir et l'enterrer à jamais dans la fosse des chansons à gimmicks foirées, mais elle me fait bien rire au fond, je crois que je l'aime bien.
Mes respects à Rivers & the Cuomos, dont le travail d'épure a su rendre accessibles et surtout appréciables les nouvelles lubies stylistiques du groupe. Ce Black n'est pas sans avoir quelques ratés, en l'occurrence les fadasses et éculées "Living In L.A." et "Too Many Thoughts In My Head". Mais ça nous mène à un ratio très acceptable, et à un disque qui n'aura pas pris trois écoutes avant de devenir fichtrement addictif. Et qui n'a, à mon sens, pas à pâlir face au White Album pourtant bien plus acclamé. Tout cela me pousse à me demander si au fond, le plus gros problème de ce Black Album, ce ne serait pas son public, et notamment le fan nostalgique qui attend encore que Weezer sorte un nouveau Pinkerton. Comme si un seul ne suffisait pas... En 2019, sur Internet, il suffit sans aucun doute de quelques clics pour trouver une myriade de jeunes groupes power pop qui émulent avec un talent certain le Weezer de la "belle époque". Alors pourquoi ne pas laisser un vieil amateur de pop (au sens large) comme Cuomo vivre ses nouveaux rêves de quadra ? Surtout quand il le fait, cette fois-ci, avec tant de soin et d'enthousiasme ?
Sympa 14/20 | par X_Wazoo |
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