Band Of Horses
Why Are You OK |
Label :
Interscope ; American Recordings |
||||
Alors que Band of Horses prenait avec Mirage Rock, son précédent album paru en 2012, sous l'influence du producteur Glyn Johns, un chemin country-rock, s'éloignant ainsi des productions réverbérées de ses débuts, il faut bel et bien constater que sa galette de 2016, Why Are You OK, s'en éloigne sur de nombreux aspects, au point que certains y ont vu, avec sans doute un peu trop d'empressement mais de néanmoins louable enthousiasme, l'effet du fameux "retour aux sources", si souvent constaté dans le milieu musical lorsqu'un artiste revient un tant soit peu au son, à la manière de faire de ses débuts. Réduire à cela le cinquième effort du groupe me paraît être, à vrai dire, quelque peu cavalier. Toutefois, sans qu'une véritable révolution se soit déroulée, on peut tout de même affirmer que le Band a voulu faire évoluer sa musique, innover. Ayant appelé le capitaine Jason Lytle (iconique leader des non moins légendaires Grandaddy) à la barre de la production et ayant signé sur Interscope et American Recordings, le label fondé par Rick Rubin (qui fait également office de producteur exécutif sur ce disque), le gang de Caroline du Sud est indéniablement sorti quelque peu changé de ces collaborations.
Cela se vérifie dès la première piste, l'ambitieuse "Dull Times/The Moon", longue de près de sept minutes, d'abord planante durant ses deux premiers tiers, puis furieuse lors de son dernier, un déluge de batterie et de guitares saturées s'abattant sur l'auditeur. Cette composition, qui peut faire penser par sa structure à "Neighbor" (sur Infinite Arms, sorti en 2010), recèle pourtant un parfum inédit, encore indistinct aux premières écoutes, mais qui se révèle avec plus d'acuité au cours des suivantes. Le même sentiment nous étreint ensuite avec "Solemn Oath" et "Hag", morceaux tout de même typiquement "horsiens". C'est surtout avec la piste suivante, le parfait premier single "Casual Party", aux paroles doucement ironiques, qui prouve au passage que Band of Horses possède toujours le secret de la chanson catchy et imparable, que l'on se rend compte du changement majeur opéré par le groupe dans sa musique à l'occasion de ce nouvel album. Il faut alors se tourner vers leur producteur à casquette pour en trouver la raison principale, car c'est bien Jason Lytle qui est responsable de cette mutation, celle-ci se ressentant évidemment dans le son général du disque. Le leader de Grandaddy y grave en effet sa patte aisément reconnaissable, à base de sons électroniques et synthétiques, apport tout à fait nouveau dans la musique de Band of Horses, ce qui constitue le principal intérêt de ce nouvel effort. Sans dénaturer la musique du Band, qui n'a pas perdu de vue ses fondamentaux, Lytle est parvenu à insuffler suffisamment de nouveauté soniquement parlant dans la texture musicale de ses compositions pour faire avancer Ben Bridwell et ses hommes. Et il faut bien reconnaître que cela fonctionne plutôt bien, notamment au niveau du rendu de la batterie, qui sonne peut-être un peu plus ramassée que d'habitude sur certains morceaux, un peu moins naturelle, mais en aucun cas moins puissante, Creighton Barrett restant, il faut bien le dire, un gros buffle derrière ses fûts ("Dull Times/The Moon", "Casual Party", "In A Drawer"). Les apports de Lytle sont plus ou moins discrets, importants ou décisifs suivant les titres, ne les embarrassant jamais inutilement, mais toujours idéalement dosés et usés à bon escient.
Mais son rôle ne s'est pas limité à la production, puisqu'il a aussi participé à l'écriture de deux morceaux. D'abord "In A Drawer", titre qui illustre parfaitement ce qui vient d'être énoncé plus haut, où de belles nappes de clavier s'entremêlent à d'aériennes harmonies vocales, une des spécialités du groupe. Le refrain chanté par J Mascis et son timbre si particulier confère en outre un parfum bien singulier à cette chanson, qui apparaît dès lors comme une des réussites de l'album. Enfin Lytle propose, à mi-album, une sorte d'interlude de son cru, "Hold On Gimme A Sec" (qui est, il faut bien l'admettre, assez proche de son travail solo ou de celui de son légendaire groupe). "Lying Under Oak", "Throw My Mess" et "Whatever, Wherever" sont autant d'exemples de la belle alliance entre le groupe et son nouveau producteur, avec mention pour la deuxième et son rythme entraînant. Tyler Ramsey, comme il est de coutume depuis Infinite Arms, a droit à son titre de rigueur, cette fois-ci avec "Country Teen". Et comme de bien entendu, il est resté bloqué dans les seventies, avec cette bonne chanson aux accents country-rock, tout en bénéficiant lui aussi des bons offices de Jason Lytle. Le disque se clôt sur deux belles balades joliment arrangées purement "bridwelliennes", "Barrel House" et "Even Still", émouvantes et fragiles, la voix divine du doué chanteur touchant, une fois encore, droit au cœur.
Que dire, maintenant, au moment de conclure cette chronique ? Et bien que Jason Lytle et sa production ont vraiment fait du bien au groupe et à sa musique, la rafraîchissant de façon tantôt discrète, tantôt plus visible, par des détails ne se révélant pas forcément lors des premières écoutes, mais qui se dévoilent après, une fois le disque devenu davantage familier à l'auditeur. Grâce à cela, plus que le retour aux sources évoqué précédemment, qui n'est pas à totalement éluder pour autant, les pistes, les sons les plus atmosphériques de Why Are You OK pouvant appuyer cette impression (ainsi que les parties de guitares), c'est plutôt une réelle avancée que nous constatons ici. Le socle des titres, leur construction, leur parfum reste le même, ce qui fait que cet album est du Band of Horses pur jus, mais leur ornementation diffère de ce qui avait été proposé jusque-là par le groupe. C'est vraiment en cela qu'il a su innover et se renouveler et qui fait tout le sel, l'intérêt et la beauté de ce disque très réussi.
Après, je dois bien l'avouer, et ce sera là ma seule réserve, je n'ai pas ressenti le frisson des trois fougueux premiers albums, celui qui vous fait revenir vers leurs chansons parfaites que l'on veut écouter et réécouter encore et encore, car point ici de morceaux réellement addictifs (quoique "Casual Party"...) et hautement marquants (quoique "Dull Times/The Moon"...). Certains semblent le regretter (et ce phénomène se voit pour nombre de groupes, qui s'éloignent, par la force des choses, de ce qu'ils faisaient à leurs débuts, ça s'appelle l'évolution je crois, pour le meilleur et pour le pire). Mais faut-il le rechercher à tout prix, ce frisson des origines ? À mon humble avis, ce n'est pas la peine. Le groupe a maintenant douze ans d'existence et évolue donc comme bon lui semble. Il me paraît alors pour le moins vain de les en blâmer et de se plaindre de cette volonté d'évoluer, de se renouveler. Bien au contraire, il faut s'en réjouir, car cela promet tout de même, au vu de ce disque, de belles choses pour l'avenir, peut-être pas aussi remarquables que par le passé, mais qui peuvent s'avérer très réussies. Et c'est le titre même de ce nouveau disque, Why Are You OK, qui nous indique cette inéluctable volonté, douce mais ferme, sur laquelle nous n'avons pas de prise, cette fausse question à laquelle nous ne pouvons apporter de réponse, puisque seul le groupe la détient. Mais c'est à chacun de décider des raisons qui feront qu'il continuera ou pas à le suivre. Pour moi, c'est tout vu.
Cela se vérifie dès la première piste, l'ambitieuse "Dull Times/The Moon", longue de près de sept minutes, d'abord planante durant ses deux premiers tiers, puis furieuse lors de son dernier, un déluge de batterie et de guitares saturées s'abattant sur l'auditeur. Cette composition, qui peut faire penser par sa structure à "Neighbor" (sur Infinite Arms, sorti en 2010), recèle pourtant un parfum inédit, encore indistinct aux premières écoutes, mais qui se révèle avec plus d'acuité au cours des suivantes. Le même sentiment nous étreint ensuite avec "Solemn Oath" et "Hag", morceaux tout de même typiquement "horsiens". C'est surtout avec la piste suivante, le parfait premier single "Casual Party", aux paroles doucement ironiques, qui prouve au passage que Band of Horses possède toujours le secret de la chanson catchy et imparable, que l'on se rend compte du changement majeur opéré par le groupe dans sa musique à l'occasion de ce nouvel album. Il faut alors se tourner vers leur producteur à casquette pour en trouver la raison principale, car c'est bien Jason Lytle qui est responsable de cette mutation, celle-ci se ressentant évidemment dans le son général du disque. Le leader de Grandaddy y grave en effet sa patte aisément reconnaissable, à base de sons électroniques et synthétiques, apport tout à fait nouveau dans la musique de Band of Horses, ce qui constitue le principal intérêt de ce nouvel effort. Sans dénaturer la musique du Band, qui n'a pas perdu de vue ses fondamentaux, Lytle est parvenu à insuffler suffisamment de nouveauté soniquement parlant dans la texture musicale de ses compositions pour faire avancer Ben Bridwell et ses hommes. Et il faut bien reconnaître que cela fonctionne plutôt bien, notamment au niveau du rendu de la batterie, qui sonne peut-être un peu plus ramassée que d'habitude sur certains morceaux, un peu moins naturelle, mais en aucun cas moins puissante, Creighton Barrett restant, il faut bien le dire, un gros buffle derrière ses fûts ("Dull Times/The Moon", "Casual Party", "In A Drawer"). Les apports de Lytle sont plus ou moins discrets, importants ou décisifs suivant les titres, ne les embarrassant jamais inutilement, mais toujours idéalement dosés et usés à bon escient.
Mais son rôle ne s'est pas limité à la production, puisqu'il a aussi participé à l'écriture de deux morceaux. D'abord "In A Drawer", titre qui illustre parfaitement ce qui vient d'être énoncé plus haut, où de belles nappes de clavier s'entremêlent à d'aériennes harmonies vocales, une des spécialités du groupe. Le refrain chanté par J Mascis et son timbre si particulier confère en outre un parfum bien singulier à cette chanson, qui apparaît dès lors comme une des réussites de l'album. Enfin Lytle propose, à mi-album, une sorte d'interlude de son cru, "Hold On Gimme A Sec" (qui est, il faut bien l'admettre, assez proche de son travail solo ou de celui de son légendaire groupe). "Lying Under Oak", "Throw My Mess" et "Whatever, Wherever" sont autant d'exemples de la belle alliance entre le groupe et son nouveau producteur, avec mention pour la deuxième et son rythme entraînant. Tyler Ramsey, comme il est de coutume depuis Infinite Arms, a droit à son titre de rigueur, cette fois-ci avec "Country Teen". Et comme de bien entendu, il est resté bloqué dans les seventies, avec cette bonne chanson aux accents country-rock, tout en bénéficiant lui aussi des bons offices de Jason Lytle. Le disque se clôt sur deux belles balades joliment arrangées purement "bridwelliennes", "Barrel House" et "Even Still", émouvantes et fragiles, la voix divine du doué chanteur touchant, une fois encore, droit au cœur.
Que dire, maintenant, au moment de conclure cette chronique ? Et bien que Jason Lytle et sa production ont vraiment fait du bien au groupe et à sa musique, la rafraîchissant de façon tantôt discrète, tantôt plus visible, par des détails ne se révélant pas forcément lors des premières écoutes, mais qui se dévoilent après, une fois le disque devenu davantage familier à l'auditeur. Grâce à cela, plus que le retour aux sources évoqué précédemment, qui n'est pas à totalement éluder pour autant, les pistes, les sons les plus atmosphériques de Why Are You OK pouvant appuyer cette impression (ainsi que les parties de guitares), c'est plutôt une réelle avancée que nous constatons ici. Le socle des titres, leur construction, leur parfum reste le même, ce qui fait que cet album est du Band of Horses pur jus, mais leur ornementation diffère de ce qui avait été proposé jusque-là par le groupe. C'est vraiment en cela qu'il a su innover et se renouveler et qui fait tout le sel, l'intérêt et la beauté de ce disque très réussi.
Après, je dois bien l'avouer, et ce sera là ma seule réserve, je n'ai pas ressenti le frisson des trois fougueux premiers albums, celui qui vous fait revenir vers leurs chansons parfaites que l'on veut écouter et réécouter encore et encore, car point ici de morceaux réellement addictifs (quoique "Casual Party"...) et hautement marquants (quoique "Dull Times/The Moon"...). Certains semblent le regretter (et ce phénomène se voit pour nombre de groupes, qui s'éloignent, par la force des choses, de ce qu'ils faisaient à leurs débuts, ça s'appelle l'évolution je crois, pour le meilleur et pour le pire). Mais faut-il le rechercher à tout prix, ce frisson des origines ? À mon humble avis, ce n'est pas la peine. Le groupe a maintenant douze ans d'existence et évolue donc comme bon lui semble. Il me paraît alors pour le moins vain de les en blâmer et de se plaindre de cette volonté d'évoluer, de se renouveler. Bien au contraire, il faut s'en réjouir, car cela promet tout de même, au vu de ce disque, de belles choses pour l'avenir, peut-être pas aussi remarquables que par le passé, mais qui peuvent s'avérer très réussies. Et c'est le titre même de ce nouveau disque, Why Are You OK, qui nous indique cette inéluctable volonté, douce mais ferme, sur laquelle nous n'avons pas de prise, cette fausse question à laquelle nous ne pouvons apporter de réponse, puisque seul le groupe la détient. Mais c'est à chacun de décider des raisons qui feront qu'il continuera ou pas à le suivre. Pour moi, c'est tout vu.
Très bon 16/20 | par Poukram |
En ligne
220 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages