Elliott Smith

Either/Or

Either/Or

 Label :     Kill Rock Stars 
 Sortie :    mardi 25 février 1997 
 Format :  Album / CD   

Either / Or est le troisième album solo de Elliott Smith.

Elliott Smith était un grand guitariste, doué d´un sens inné de la mélodie, capable d´émouvoir, que ce soit avec 4 accords ("Rose Parade"), avec des accords plus farfulus ("Between The Bars") ou des arpèges carrément chiadés ("Angeles").
Ses paroles étaient sincères et touchantes. A travers les chansons de cet album, Il aborde des thèmes tels que l´amour, la drogue, l´alcool, les relations humaines, la solitude, la dépression ... Des paroles tantôt claires, tantôt obscures, et tant de micro-univers qui s´ouvrent a nous. Et sa voix ... Une voix hors du commun, fragile, riche en émotions. Douce. Inutile pour lui de crier pour exprimer sa tristesse. Son chant est d´une telle sincérité, tout semble venir de son coeur, être autobiographique.

Elliott Smith est mort fin 2003, dans de drôles de circonstances. On l´a souvent comparé à Nick Drake. Ils connurent la même fin tragique. Naturellement, on pense aussi à Kurt Cobain, même si, chez Elliott Smith, il n´y a ni rage, ni colère, ni agressivité. Juste la beauté du désespoir.

La production est minimaliste. Dès le premier titre on est frappé par le dépouillement. La plupart des titres de l´album ont été enregistrés sur un 4 pistes chez sa copine de l´époque, Johanna Bolme, à Portland (c´est d´ailleurs cette même personne -entre autres- qui se charge du mixage de ce qui aurait dû être le 6ème album de Elliott Smith, From A Basement on The Hill).
Or le minimalisme de cet enregistrement "home made", avec ce son un peu crade si charmant, lui convient mieux que ce qu´il fera par la suite (la production sur Figure 8 ôte pas mal de charme à ses compos). On est stupéfait par l´émotion que dégage le Monsieur, par sa capacité à donner autant en utilisant si peu.

Ca peut paraître étrange a dire, mais il n´est même pas utile de comprendre les paroles de ses chansons, tant la voix de Elliott Smith se suffit à elle-même. Sa musique n´a pas du tout besoin d´accompagnements lourdingues. Il y a quelque chose d´universel dans l´amalgame de sa voix d´ange et des cordes de sa guitare, qui touche directement a l´âme.

Après le premier titre, "Speed Trials", aux paroles plutôt énigmatiques, Elliott Smith démontre sur le 2ème titre, "Alameda", avec une magnifique intro d´une vingtaine de secondes à la guitare, tous ses talents de musicien.
"Ballade of Big Nothing" est une chanson qui peut paraître horripilante de naïveté au premier abord, mais ..."You can do what you want to, whenever you want to... though it doesn't mean a thing / Big Nothing".
Avec le quatrième titre, "Between The Bars", on ne sait pas trop qui parle. Sûrement un verre d´alcool qui ne demande qu´à être bu : "Drink up with me now / and forget all about / the pressure of days, do what I say / and I'll make it okay / and drive them away / the images stuck in your head"... Sûrement la chanson qui accroche le plus l´oreille à la première écoute, et aussi une des plus personnelles de l'album.
"Rose Parade" est un titre à part, comme un éclair de lumière, dans lequel Elliott dépeint une parade a laquelle il assiste. Il le fait avec une telle virtuosité qu´on a l´impression d´être témoin de l´absurdité de la scène. Pendant un instant, on voit le monde à travers son regard. Et il ne voyait définitivement pas le monde comme tout le monde. Il portait un regard désabusé sur ce qui pouvait amuser la plupart des gens. Il donne l'image d'un être à part au milieu d'un monde qui n´était pas fait pour lui ..."And when they clean the street/ I'll be the only shit that's left behind."
Et puis vient "Angeles", LE titre de l´album. Une intro sublime de 40 sec. à la guitare, jouée à toute vitesse. Et puis la voix de Elliott Smith vient se poser, une voix déchirante, comme s´il pouvait éclater en sanglots d´un instant a l´autre. Bouleversant.
Difficile d´enchaîner après un tel titre... Alors même si les suivants sont bons, ils ne se détachent pas vraiment...
Puis finalement vient "Say Yes", le titre qui clôt l´album. Un titre ambigu, en apparence joyeux et optimiste. "I'm in love with the world / through the eyes of the girl / Who's still around the morning after". Optimiste ? En apparence seulement ... Une conclusion surprenante et magnifique : que de la tristesse jusqu´a ce dernier titre, où l´on se rend compte que tout peut changer grâce a une seule personne. C´est naïf, mais tellement vrai ...

Fascinante, cette capacité à mettre ses démons en musique. Il expose au grand jour son coeur brisé, dévoile ses peines. Plutôt que de se renfermer sur lui même, il a choisi de faire quelque chose de positif et de constructif... Alors même sans le connaître, on aurait pourtant presque envie de lui taper sur l´épaule et de lui demander ce qui ne va pas. Et lui, pudiquement, répondrait sûrement que tout va bien. Parce que dans ses chansons, point de plaintes ou de gémissements. Elliott Smith n´est pas Kurt Cobain. Elliott Smith était définitivement punk dans son comportement, même s´il ne l´affichait pas ; cependant pour lui pas besoin de crier : une simple syllabe prononcée de ses lèvres, était plus riche en émotions que tout ce que pourrait chanter n´importe qui d´autre. En voilà une belle leçon de sobriété ...

Dans une interview, Elliott Smith disait : "I think my songs reveal whatever they reveal, they say certain things about who I am, whereas Will Smith singing `Gettin' Jiggy With It' reveals certain things about how he is." Effectivement, on l´avait compris a l´écoute de l´album, Elliott Smith se livre à travers ses chansons. Il a quelque chose de sincère a dire, ce n´est pas le cas de tous les pseudo artistes. C´est la raison pour laquelle il y a définitivement un avant et un après Either / Or. Après, on ne peut plus porter le même regard sur la musique en général, sur sa fonction, son utilité...

Vous pensez souffrir ? Vous pensez être malheureux? Mais savez-vous au moins ce que signifie "être malheureux" ?
A travers ses chansons, c´est un peu de sa peine que Elliott Smith partage avec l´auditeur ... et réciproquement. Voilà pourquoi l´écoute de ce disque est si agréable. On dirait qu´il porte toute la souffrance du monde sur ses épaules. Il arrive malgré tout à en tirer de compositions sublimes. Et qui n'auront jamais eu, de son vivant, la reconnaissance qu'elles méritaient.

Cette reconnaissance qui lui a toujours fait défaut, il aurait pu l´obtenir lors de la cérémonie des Oscars, où il était nominé pour la bande originale de "Will Hunting" (sur laquelle on retrouve certains titres de Either / Or). Mais c'est ... Céline Dion qui a remporté la statuette pour la bande originale de "Titanic "(!!?). Elliot Smith contre Céline Dion. L´intégrité artistique, la sincérité d'un type humble qui n´élève que rarement la voix, contre la chanteuse la plus antipathique du XXème siècle, la vilaine édentée qui n´a rien à dire et qui hurle pour vainement tenter de combler le vide qui fait courant d´air avec son cerveau. Le match était inégal...

Cela fait des années que j´ai cet album et il vieillit bien, l´effet reste absolument le même, l´émotion est intacte.

Attention, cet album pourrait bien changer votre vie....


Exceptionnel ! !   19/20
par ZutFlûteCrotte


  Ecoutable sur https://elliottsmith.bandcamp.com/album/either-or


 Moyenne 18.75/20 

Proposez votre chronique !



Posté le 20 juin 2005 à 11 h 16

Elliot Smith, ou encore un artiste que j'aurai découvert après sa mort.
J'étais assez méfiant vis-à-vis de son oeuvre, craignant de tomber encore sur un artiste surestimé dont le culte ne tient qu'a sa mort précoce.

Heureusement ce ne fut pas le cas. On ne peut s'empêcher de rapprocher l'oeuvre d'Elliot à celle de Nick Drake : même destin tragique mais surtout même sensibilité dans une écriture toujours sincère, voire la même détresse.
Presque 10ans après l'émotion est intacte, impossible de rester insensible devant "Rose Parade", "Ballade Of Big Nothing" ou "2.45am".
Ecouter "Either/Or" c'est écouter un songwritter de génie, largement au dessus du lot, une voix cristalline qui tente l'impossible sur chaque chanson et qui atteint le sublime presque à chaque instant, à la maniére d'un Jeff Buckley.
C'est toujours triste de voir disparaître un artiste de cette qualité, car il avait encore énormément à apporter à la musique au moment de sa mort ; mais le destin en décidera autrement.

Par la suite, Elliot enregistrera l'excellent "XO" à la production plus élaborée et plus lumineuse ; mais ce disque reste, à mon avis, le sommet de sa discographie.
Parfait   17/20



Posté le 30 janvier 2008 à 15 h 50

Bon, par où commencer les éloges !
Elliott Smith c'est une sorte de génie mal dans sa peau. A travers cet album (qui est aussi mon favori, et je peux vous dire qu'il n'a pas été facile pour moi de faire un choix !) Eliott laisse parler le folk pur, simple et mélancolique. Il y a beaucoup et essentiellement de guitare. Le son de l'album n'est pas formidable mais cela lui donne un aspect "vieux" qui n'est pas désagréable à entendre.
Passons maintenant au contenu avec deux énormes chefs d'œuvre que sont "Angeles" et "Between The Bars" (qui figurent tout deux sur la bande original du film "Will Hunting" de Gus Van Sant). Les autres chansons composant l'album sont également sublimes mais ce sont ces deux là qui me font le plus d'effets (et quels effets !).
Et puis comme sur chaque chanson de chaque album d'Elliott Smith il y a cette voix, que dire de cette voix, indescriptible, à faire frissonner n'importe qui.
Bref en résumé, cet album est une des petites perles qui composent ce monde. Au revoir Elliott et encore merci !
Intemporel ! ! !   20/20



Posté le 09 octobre 2008 à 19 h 03

Cinq ans que Elliott Smith nous a quitté. Cinq ans durant lesquels ses albums sont passés à la postérité, vénérés, loués, adulés. Entre-temps, la patine qu'a pris son album le plus dépouillé et le plus personnel n'en fini plus de nous vriller l'âme à chaque écoute. Déjà déchirant de beauté désespérée à sa sortie, Either/Or devient petit à petit une oeuvre à la charge émotionnelle rare. Le chant au bord du gouffre est devenu une mélopée surgie de l'au-delà, l'égrainage de notes désenchantées une complainte irréelle, le tout sur un son approximatif qui ne donne que plus de valeur à cet enchaînement de vignettes jouées avec les tripes d'une personne ravagée mentalement et physiquement. Comme s'il était là, assis à côté de nous, guitare sur les genoux.
Elliott Smith, comme beaucoup de poètes torturés, s'auto-psychanalysait par son art. En tentant de purifier son âme en en extrayant ses pensées les plus sombres, il parvenait à ce résultat hors du commun. Sa voix, emplie d'une détresse compacte mais pourtant chaleureuse et accueillante comme pour réconforter l'auditeur, s'en retrouve emplie d'une capacité d'évocation rare. Car ses morceaux sont loin de verser dans le misérabilisme le plus profond. Il subsiste souvent une lueur d'espoir derrière les pénombres prépondérantes. Rassurant, amical, la bonté du personnage transparait malgré le poids de ses troubles. Comme s'il voulait nous préserver de son mal être, nous confier ses états d'âme sans que ceux-ci ne déteignent sur la nôtre. Conscient de la puissance destructrice que pourrait avoir ces quelques chansons sur une âme en peine.
Cette générosité donne une valeur toute particulière à l'oeuvre d'Elliott Smith. Une dimension unique permettant de redonner un peu de sourire et de chaleur même en période sombre. Dimension qui démultiplie le rendu émotionnel de ses morceaux maintenant qu'il n'est plus là. Comme s'il tentait de nous rassurer de là où il repose désormais.
Exceptionnel ! !   19/20







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