The Breeders

Cognac [Westrock] - samedi 02 juin 2018

Lorsque vous habitez dans un coin où, il faut quand même l'avouer, les opportunités de bons concerts se font rares et que vous apprenez que The Breeders passent à moins de 100 km, vous ne tortillez pas du cul pour chier droit, vous foncez au commerce qui profite à tous, vous demandez vos places quelques mois à l'avance et vous vous préparez tel un stratège pour ce jour tant attendu.

Seule ombre dans mon cas : des allergies sévères au printemps et des crises d'éternuements pouvant, dans une seule suite, égaler le nombre de titres de Last Splash. Un truc assez méchant qui m'est tombé dessus le lendemain d'un concert d'Interpol en 2005, alors qu'auparavant je n'en avais jamais souffert. Et en ces beaux jours de cette année 2018, je n'y échappe pas.
Vous me direz, les médecins, les allergologues et les traitements, ça existe. Oui. Mais je reste un gros connard quand il s'agit de me soigner.
Ma tendre et chère, en ce samedi matin du 2 juin, me conseille alors fortement d'aller tout de même me prendre quelque chose pour soulager ces crises et éviter tout désagrément durant le concert. Et puis bon, je ne vais pas tenter de couvrir mes éternuements à chaque coup de cymbale de Jim Macpherson non plus.
La pharmacienne me donne comprimés et pulvérisateur afin de calmer tout ça, le seul hic étant un mal de ventre suite à la prise du comprimé et une somnolence latente. Malgré cela, nous prenons la route à 17h30.

Nous arrivons à Cognac vers 19h15, nous nous mettons en chemin vers le Westrock une heure plus tard après avoir mangé nos sandwichs préparés à l'avance et nos chips crousticroc de chez LIDL. Le mal de ventre est passé et le fait de bientôt voir le Breeders permet de plus ou moins annuler la somnolence.

Il fait beau et chaud. Nous longeons les petits quais de la Charente en direction des anciens abattoirs de la ville. C'est un cadre bien agréable et assez surprenant pour un concert de ce style (jamais je n'aurais imaginé associer Kim, Kelley, Josephine et Jim à la région Poitou-Charentes...). En arrivant sur les lieux, nous nous rendons compte que la classe d'âge est plutôt variée : de 25 à 50 ans, disons, avec pas mal d'enfants traînés par leurs parents pour l'occasion. Le Westrock est un bâtiment bien rénové façon Question Maison, avec un bel espace vert aménagé à la manière de Silence ça Pousse... En entrant, un bar flambant neuf se positionne fièrement dans le hall à gauche, et à droite se trouvent sièges en cuir et belle moquette. Par Saint Maclou, quel décor de goût... ! C'est Cosy, c'est comfort, c'est bizarre tout de même... Surprenant, incongru... Puis un couloir amène directement à la salle de concert. Dans ce couloir, deux issues : à gauche de belles toilettes, à droite une terrasse avec fûts et tonneaux pour poser ses verres. Enfin, la salle : pierres et poutres apparentes retapées façon "les idées prennent vie du côté de chez vous" et là encore de la moquette. Le cadre est agréable, cela déjà été mentionné, mais tout cela est-il vraiment Rock N'Roll ? Bon oui, cela fait quand même un petit temps que nous n'avons pas fait de concert dans une petite salle mélangeant les odeurs de bière, de transpiration voire de pisse chaudes, et où les parfums de tabac et de savane s'imprègnent durablement sur les murs et sols collants et poisseux. Nous nous attendions sans doute à un édifice plus industriel, plus froid, enfin plus Rock quoi. Il faut croire qu'un certain passé nous échappe l'âge et les temps avançant... Va –t'-on aujourd'hui à un concert de Rock comme au parc d'attraction ou dans un multiplexe Cinéma, même si le film est dit "indépendant" ? On peut maintenant laisser les gosses traîner, à jouer sur leurs portables. Que l'on ait 25, 35, 45, 55 ans, les barbes sont belles, bien taillées, bien huilées, les gobelets de bière se boivent quasiment avec l'auriculaire levé. Bref, ce n'est qu'une étude sociologique à deux balles et bien nombreux seront ceux capables d'expliquer de tels phénomènes, disons que ces observations nous permettent de nous occuper l'esprit le temps d'attendre l'ouverture des festivités.

La première partie est assurée par Equipe De Foot, un duo guitare-voix / batterie-voix donnant dans le Noise Rock, et plus qu'honorés d'effectuer la première partie de nos amis les Breeders. Proposant une musique énergique et sans doute sincère, l'ensemble peine à réellement décoller pour moi, le style peut-être... Trois quarts d'heure plus tard, nous retournons à la terrasse pour prendre un peu d'air frais (qu'il fait chaud dans cette salle, la moquette n'arrangeant rien). Les gamins restent scotchés sur leurs écrans pendant que leurs parents discutent entre eux ou pas du tout pour certains (quelle ambiance bizarre tout de même...).
Trente minutes montre en main plus tard, Kelley, Josephine, Jim et Kim investissent enfin la scène. Nous nous sommes installés tout au fond de la salle, et il y a cette impression qu'il n'y a pas de grande électricité lorsque le groupe entame pourtant le classique "New Year", histoire de faire rentrer tout le public dans le culte Last splash (N'étant pas devant non plus, peut-être cette sensation est faussée). Un titre trop calme peut-être ? Il y a plus de réaction lorsque Kim nous assène le Good Morning ! qui débute "Wait In The Car" ; ce titre s'enchaînera avec "All Nerve", comme sur l'album et les gens semblent plus dedans. Mais c'est véritablement sur "No Aloha" que ceux-ci vont davantage s'émoustiller. Notre quatuor a l'air content d'être là, de jouer son set qu'il rôde depuis déjà quelques dates. Kim est sourire, d'humeur espiègle, engage des plaisanteries avec sa sœur, qui est plus d'une fois "agacée" par les lumières qui l'éclairent trop ou pas assez selon les moments. Josephine, toujours aussi flegmatique et imperturbable, balancera des bulles de savon régulièrement durant le set, sans esquisser le moindre sourire (Youpi, c'est la fête), mais avec une cool attitude ultime. Jim fait toujours autant le taf, tapant avec justesse, légèreté et rapidité, et a toujours, là aussi, l'air vachement sympa. Le son est globalement très satisfaisant, et il est bienvenu d'entendre la basse de Madame Wiggs dans ce contexte, avec autant de clarté et de rondeur. Le gros du set se focalisera à parts égales sur All Nerve et Last Splash (logique si l'on tient compte du Line Up), plus quelques miettes des autres albums ici et là. Un Guitar Tech, Josh du Massachussets sera invité à participer sur 2 morceaux, l'occasion pour Kim de se montrer là encore blagueuse, même lorsqu'il s'agit d'évoquer les années les moins drôles de sa vie... Josephine Wiggs n'est pas en reste lorsqu'elle annonce que la chanson "Howl At The Summit" va parler de champignons.

Sinon, le quatuor reste fidèle à ce qu'il est : cool et sympathique. S'il fallait vraiment chercher la petite bête, on déplorera l'absence de plus titres de Title TK, de Mountain Battles et surtout de Pod (seuls "Glorious" et un magique "Happiness Is A Warm Gun3 seront joués pour cet album). Mais l'ambiance n'est pas à la mélancolie ou au spleen ce soir, bien que Kim se permette des excursions plus tendres et émouvantes ("Fortunately Gone", "Off You") : nous sommes ici pour de chaleureuses retrouvailles, pour profiter à parts égales du moment présent (les trois quarts d'All Nerve étant exécutés) et du passé ("One Divine Hammer", "I just Wanna Get Along"...) avec comme sommets le génial "Safari", sa basse grasse et sa guitare acoustique, et "Gigantic" faisant suite à "Happiness Is A Warm Gun", et qui conclura les choses avant un petit rappel ("Do You Love Me Now", le superbe "Nervous Mary" et l'ultra cool "Saints"). Avant cela, les téléphones se seront levés et les enfants posés sur les épaules de leurs pères auront capté le passage obligé de "Canon ball" que Mrs John Murphy aura laissé deviné en en grattant les principaux accords avant de commencer la chanson proprement dite.
Après, il reste cette question de Come Back : 25 ans après Last Splash et suite à 10 ans d'absence discographique, un retour des Breeders se justifie –t'-il ? En écoutant All Nerve, la réponse est : oui. Complètement. En entendant ces chansons en Live, on persiste, on signe, on affirme : assurément (et ce n'est pas un admirateur acharné du groupe qui parle ici) : Jim Macpherson est toujours autant à sa place derrière les fûts, avec efficacité et légèreté. Josephine Wiggs, même si elle ressemble de plus en plus à Jarvis Cocker de loin, fait montre de tout son discret talent et les jumelles gémeaux nous délivrent le Big Deal. Ils ont vieilli, titillent méchamment la soixantaine, mais forts d'expériences et d'épreuves, ils reviennent avec cohérence et donc avec une justification totale de leurs actes. All Nerve est solide, recelant de nouveaux détails à chaque écoute, tout en conservant cette forme de simplicité propre au groupe, où se côtoient douce mélancolie et force positive. Et ces titres se fondent parfaitement avec le reste de leur répertoire.
Un grand coup assurément pour les organisateurs du Westrock qui, on l'espère, pourront continuer à faire exister Cognac dans les lieux qui comptent en matière de musique dans le grand Sud-Ouest.

J'arrêterai ici mes impressions sur ce concert, convaincu par le groupe, me questionnant plus sur la Gentrification du public dit amateur de Rock et sur ce que représentent les concerts "événements ", comment l'on consomme tout cela... Mais en définitive, et c'est bien cela qui doit être retenu, le groupe, la musique, le son, tout ça, c'était super.


Parfait   17/20
par Machete83


  Setlist
- New Year
- Wait In The Car
- All Nerve
- No Aloha
- One Divine Hammer
- Huffer
- Glorious
- Howl At The Summit
- Safari
- Spacewoman
- Driving On 9
- Walking With A Killer
- Fortunately Gone
- SOS
- Off You
- I Just Wanna Get Along
- Canonball
- Happiness Is A Warm Gun
- Skinhead 2
- Metagoth
- Gigantic

Rappel:
- Do You Love Me Now?
- Nervous Mary
- Saints


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