Björk

Nîmes [Arènes De Nîmes] - mardi 21 août 2007

Björk en n'importe quel endroit se sent chez elle, elle nous invite dans sa chambre d'enfants, remplie de nounours, de fanfreluches et de trésors, de boîtes magiques et de machines-surprises, sautant et dansant pied nus sur un tapis disposé exprès pour elle, la scène c'est de la moquette pour elle, elle, la folle petite fée qui transforme en onirisme la réalité pour se réfugier dans un monde où les émotions sont décuplées, enjolivées, décorées, entourées de papier cadeau pour mieux appuyer leur force de percussion.
L'ouverture ne sera que démonstration entraînante: "Earth Intruders" deviendra tremblement de terre de dorsale et crachat de basalte, avec jet de flamme. Au milieu de ce séisme électronique, la petite islandaise dégagera une prestance inouï, située quelque part entre la fragilité et l'assurance d'une nymphe païenne.
Quand bien même Björk pourrait venir d'une île de l'Atlantique, tapissée de toundra et désertique, il n'est nullement question de transformer le concert en exercice glacial et ascétique, au contraire. Jouant des efforts et des effets, la petite folle se cramponne, se décramponne, se rue à l'avant de la scène, se penche dangereusement, écarte les bras comme une équilibriste et s'approprie l'espace, dimension invisible qui se matérialise tout à coup sous ses entrechats et fait tourbillonner les arias du soir d'été. Autour d'elle, ses gros nounours-poupées se meuvent, se dandinent et sortent leurs jouets-instruments (trombones, trompettes, flûtes) pour conférer aux morceaux une chaleur qui fait disparaître toute austérité. Les chansons prirent alors de l'ampleur, soutenues par un éclairage inouï, sublimant ou calquant des climats, tantôt festif, tantôt inquiétant, sur les fanions et autres drapeaux disposés sur la scène des Arènes, décor étrange, à base d'animaux, reptiles ou oiseaux, version nature ou en lames histologiques.
Björk enchanta l'ensemble des Arènes, site en soi prestigieux, mais dont l'Islandaise a réussi à conquérir, en se fondant dans la grâce du lieu (pas de rideaux derrière elle ou d'écran pour parasiter la vue, et laisser par transparence les gradins vides). Chacun de ses trémolos ou des tour de force vocaux résonna dans les gradins, rebondissant sur les têtes de chacun, du premier rang dans la fosse jusqu'aux hauteurs des derniers gradins, escarpés et à vif, avant de prendre les murs romains comme rampe de lancement et s'envoler vers les étoiles scintillantes. Car ce ne sont pas des chansons qu'interprète Björk mais des vibrations, des ondulations, des fluides qui s'écoulent parfois lentement ("Innocence" ), d'autres fois à débit intensif, bousculant et renversant ("Hunter"). Soutenus par des éclairages ressemblant à des néons (qui peuvent alors faire ressortir les couleurs fluo des tenues ou des maquillages), les claps, les craquelages, les percussions de "Army Of Me" s'aggravent et prennent une dimension de fin du monde cauchemardesque. A l'inverse une tendresse et un lyrisme infini s'échappent en volutes féeriques de "Pagan Poetry", moment de poésie inoubliable, à la beauté céleste. Björk prend les émotions à rebrousse-poil, les laisse s'épanouir et grossir comme Alice et ses champignons, pour faire gonfler des bulles affectives qui alors englobent le public. Björk est une ogresse de vie, une souffleuse de bulles à savon. Elle marche, ne suit aucun tracé, ne se fie qu'à son intuition, et même si elle fit moins la déjantée qu'autrefois, elle s'immisça corps et âme dans les propos de ses chansons, criant, s'essoufflant, parfois jusqu'à la rupture, se baladant d'une extrémité à l'autre de la scène, suivie de près par les poursuites, dirigée par des techniciens-chérubins. Sous la lumière éblouissante, Björk resplendissait, perdus dans son grand pancho turquoise, ses cheveux sauvages en crinière indienne, et elle ne faisait que sublimer chacun de ses titres, alors d'une sensibilité exquise ("Yoga"), d'une force de percussion inimaginable (le déjanté "I Miss You"), s'emballe dans un enchaînement complexe ("The Pleasure Is All Mine") ou bien court se réfugier sous une couette de douceur (l'intimiste et cotonneux "Hyperballad").
Alors qu'elle apparaît à jamais figée dans un contour juvénile (elle a pourtant 42 ans désormais), ce petit être fragile, cousine des elfes, est sans cesse rebondissante, d'un appétit sans faille, désireuse insatiable d'expérimenter, d'explorer, de toucher, de conquérir, de transformer tout ce qu'elle touche, inondant sa musique et le public de douceur et de grand spectacle expérimental, d'expériences auditives aussi bien déroutantes qu'accrocheuses. Sa musique refuse les schémas faciles, se basant et se construisant essentiellement sur le rythme, fondamental pour Björk car se confondant avec celui du cœur, mixte d'electronica, de musique word, de tribal ou de dub, voire de techno-house, bruits concassés, mathématiques, aux angles aigus, fabriqués par des machines (un clavier, un mac Apple, voire même un synthé dont sortent tout un tas de tuyaux, de fils, qu'on dirait rattachés aux transformations les plus bizarroïdes de Testuo, dans Akira). L'accompagnement de l'artiste par des cuivres (manipulés par un orchestre islandais) conféra une dimension plus grave, plus tragique aux morceaux, notamment ceux habituellement interprété avec des violons, comme "Bachelorette" par exemple. Car le désir de l'Islandaise c'est de concevoir un nouveau monde d'émotions qui n'existait pas jusqu'alors, en mélangeant et associant instruments synthétiques et instruments organiques, dont le plus primitif qui soit, la voix.
Cette voix fantastique, organe exceptionnel, que Björk peine elle-même à dompter, toujours sur la corde raide, proche de la cassure, souvent forcée, renforçant son accent et ses roulements de "r" (lors de ses nombreux "merrrci beaucoup"), évoquant tour à tour une féline comme une enfant à bout de souffle. Lorsque le climat se repose et se fait alors d'une grâce sans pareille, on s'imagine du cristal, du cristal ensorcelé, incapable de se briser. Elle-même cache des replis, des zones pentues, des montées brusques, des écarts incroyables entre les graves et les aigus, prenant parfois intensités époustouflantes, pour peu, évidemment qu'on ait le privilège d'être dans les premiers rangs.
Au sein du public, c'est le rêve, on a le cœur qui se serre, les yeux qui brille, par réflexe, on joint les mains, tant on croit à un miracle et on chavire de bonheur à l'écoute de titres fins, délicats, baignés d'une lumière tamisée, tissés de petits bidulles samplés et électroniques, qui sautent et rebondissent sans écorcher l'oreille ("All Neon Like" ou "Five Years"). On suit des yeux, comme l'apparition d'une fée qui papillonne, ses moindres mouvements, lorsqu'elle sautille, court, se laisse glisser sur les pieds, tournoie, ou se contorsionne, fermant les yeux et ouvrant la bouche en même temps que son esprit mutin. On voudrait que ça ne s'arrête jamais. On sent bien que c'est incroyable. Alors on lève les yeux, on se tourne et on admire la beauté du site, tous ces gens massés dans les Arènes, dont on devine à peine les têtes, et on ne résiste pas à l'idée de se dire, convaincu, qu'il faut vivre un concert de Björk au moins une fois dans sa vie, et que cette réalisation dépasse les espérances, pour peu qu'on se laisse prendre au jeu. On sent, on crie, on chante, les étoiles dans les yeux, et bientôt l'amour sans borne pour cette divinité islandaise se transforma en délires hystérique et communicatif, comme sur un "Pluto" survolté, dérivant vers une hymne techno, sur lequel le public sautera les mains levées, enivré par le rythme effréné, les gestes haranguant de l'artiste et les lumières presque stroboscopiques, aidées par la réverbérations sur des miroirs disposés au sol de lasers verts.
Ainsi, après quelques minutes de folie totale, le public échaudé (il avait célébré la venue de l'Islandaise par une série de vingt-deux olas consécutifs), qui se mit à chanter un "joyeux anniversaire" euphorique à destination du clavieriste, le rappel se termina dans une fête orgiaque sans nom, sur un "Declare Independance", qui pourtant démarré dans la confidence, s'étira en un final pithiatique et cathartique, jusqu'aux explosions de confettis argentés, pluie scintillante, sous laquelle l'esprit des gens purent se laisser aller aux rêveries les plus folles, sans tabous, sans interdis.
Car lors d'un show de Björk, on redevient tous des enfants.


Exceptionnel ! !   19/20
par Vic


  Setlist :

1- Innocence
2- Hunter
3- Unravel
4- Unison
5- Hope
6- Jóga
7- The Pleasure Is All Mine
8- Hidden Place
9- Pagan Poetry
10-Earth Intruders
11-Army Of Me
12- I Miss You
13- Vökuró
14- Wanderlust
15- Hyperballad
16- Pluto
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Oceania
Declare Independance


 Moyenne 15.00/20 

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Posté le 11 décembre 2007 à 21 h 58

Cette soirée tant attendue finalement ne restera pas un grand souvenir.
Déjà, ce fût 'soirée-galères' : bouchons monstres dans Nîmes, parkings pleins...

Arrivée aux arènes à 20h30 (après s'être finalement garés en vrac sur un trottoir...), la 1ère partie (M.I.A.) a déjà commencé pire : l'arène est pleine comme un oeuf, plus une place dans les gradins, et la fosse est remplie à 80%... J'aperçois 2 belles places, je fonce avec ma chérie accrochée à mon bras et on se fait piquer les places à 3 mètres de l'arrivée par 2 cons (oui, c'était des cons j'en suis sûr).
Bref, ça commence mal, on arrive à s'installer tout en haut des gradins carrément excentrés. On y voit mal et en plus on a soif et le bar est à perpette, dans la fosse, impossible à atteindre. Enfin, ça sentait la loooose puissance 1000, quoi.

Bon, le concert sinon... Ben c'était bien. Sur scène avec Björk, il y avait un orchestre de cuivres avec un nom rigolo (The Wonderbrass ), et Mark Bell aux machines. Björk est toujours aussi excentrique niveau fringues : pieds nus comme d'hab' avec une robe de ouf, multicolore et aux formes bizarres, genre costume Inca. Elle jouera finalement seulement 5 titres de Volta, et les meilleurs en plus ce qui est bien vu que c'est vraiment pas l'album que je préfère, et c'est un euphémisme. Y'aura pas mal de titres de Vespertine finalement (4 ou 5). En fait, à part Début, complètement zappé, elle aura joué un peu de tous les albums. Mais le problème, c'est le 'un peu'... car la belle se fait la malle après une grosse heure de set. Elle met du temps (pas loin de 10 minutes d'applause et de cris) avant de revenir pour un rappel expéditif de 2 titres, "Oceania" (même pas beau, joué style musette/bal du village) et "Declare Independance" qui a bien dépoté.

Donc si on fait le compte, ça fait environ 1h30 de set... c'est peu, et du coup on est super déçu par ce concert pourtant de bonne qualité. Bonne qualité mais pas non plus le concert du siècle, donc on n'excusera pas cette courte durée. Et encore moins vu le prix de la place : 55 € (ce qui fait 110 à deux, et si on rajoute à ça l'autoroute, l'essence et le baby-sitting, ça fait un peu mal au cul au final...). Sachant qu'elle n'a pas joué des titres phares comme "Human Behaviour", "Violently Happy", "All Is Full Of Love", "It's Oh So Quiet", "Venus As A Boy" et j'en passe... on se dit qu'une 1/2 heure de plus aurait pas été inutile...
Passable   11/20





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