Sunn O)))

Flight Of The Behemoth

Flight Of The Behemoth

 Label :     Southern Lord 
 Sortie :    2002 
 Format :  Album / CD   

J'ai toujours aimé l'expression "onde de choc" pour son côté vivant et létal à la fois: quelque chose d'impossible à stopper et ne laissant pas grand chose derrière soit ou quand bien même, dans un nouvel état. De ce point de vue, la musique de Sunn O))) est une onde de choc. Lancée sur l'album The Grimmrob Demos, perpétuée sur 00 Void, elle revient sur Flight Of The Behemoth pour continuer son irrémediable progression. En évitant l'écueil du concept sympa un temps (deux guitaristes jouant des infrabasses à un niveau sonore sismique à la vitesse d'un paresseux overdosé à la codéine), mais voué à une auto-destruction prochaine de part sa monotonie, Sunn O))) réussit ici à se renouveler tout en restant fidèle à une ligne artistique pour le moins radicale. Débutant par 2 titres n'en faisant accoustiquement qu'un, Flight Of The Behemoth décolle de la même façon dont 00 Void s'était arrêté: au ralenti. Comme un projecteur de film redémarrant après une coupure de courant, le son (CE son) et les images reviennent au ralenti, émergeant du noir pour continuer à nous raconter l'histoire que nous étions en train de suivre. Sauf qu'entre temps, quelqu'un s'est amusé à (encore) augmenter le volume et à (encore) rajouter des basses au mixage. Vingt cinq minutes plus tard, en plein orage, voilà qu'un invité prestigieux débarque pour apporter un éclairage radical sur les lames de fonds sub-harmoniques de Stephen O'Malley et Greg Anderson. Les deux prochains titres, "O))) Bow 1" et "O))) Bow 2", sont aux soins de Masami Akita aka Merzbow. Ce mariage du feu avec... le feu crée un univers où l'ancrage à un point quelconque pour se dire que tout cela n'est qu'un rêve, n'est pas évident. Ce n'est pas en alternant mais justement en alliant le noir le plus profond au blanc le plus aveuglant que Sunn O))) et Merzbow subjuguent totalement l'auditeur qui acceptera de se laisser faire, seule attitude valable ici. S'achevant sur "F.W.T.B.T" , morceau ronronnant comme un dragon repu et où une batterie et un grondement sourd mais bien humain se font entendre, Flight Of The Behemoth s'éteint, épuisé. L'onde de choc est passée. Plus grand chose n'est dans le même état. Waouh !


Intemporel ! ! !   20/20
par Boub


 Moyenne 19.00/20 

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Posté le 22 août 2008 à 20 h 00

Si on prend comme présupposé qu'on est dans la mouise puisque le renouvellement formel des avant-gardes est usé jusqu'au bout depuis allez savoir (essayez de faire un truc fulgurant pour que retomber sur un us et coutume de plus!), on en vient à desespérer. On se satisfait alors de pouvoir assiter à des petites ressucées plus ou moins pire, des shows qui ravigotent sans pour autant faire office d'idéal, ou bien des artistes particulièrement géniaux qui décrivent notre déchéance avec brio et sans peur. Heureusement l'electro shakait un peu le bordel dans les 90's, mais maintenant...
Inutile de dire que la guitare semble obsolète mis à part Fred Frith, Haino, Chadbourne, Yoshihide et une poignée d'autres...
Mais voilà c'est la guitare qui réveille aujourd'hui.
Sunn O))) propose une alternative pour le moins excitante. Les compères en capuches de moines noirs s'emparent d'un style (en l'occurrence le métal) pour l'étendre en un accordéonage de tous les diables. Un morceau de 6 minutes est étiré sur 666 minutes dans un ralenti salement hallucinant. Basse et Les Pauls balancent des murs d'infrabasses fumantes jouant sur des dissonances qui retourneraient nos colons si l'on se relachait vraiment. On assite alors à une écoute à la loupe, une vraie autopsie, on perçoit de tout son corps les molécules qui forment un style, un métal si grossit qu'il est dénaturé pour faire place à tout autre chose, un NOUVEAU TRUC qui, enfin, peut réveiller les tempes et les tympans. L'épaisseur dans l'infra-mince est la délivrance, j'ai nommé le Doom.
Merzbow, batisseur devant le déchu, accompagne ici Sunn O))) dans une exploration jusqu'au boutiste de l'épaisseur sonore, accumulant les couches au ralenti, une masse vivante d'électricité, la bête noire qu'aurait rêvé Hendrix sans vouloir l'enfanter de peur de griller les fleurs (jolies). Essayez donc de passer un des morceaux selon le timing de mise (par exemple les douze minutes originelles en 1 minutes et 12 secondes) et vous n'entendriez rien, juste une surface impénétrable: ce qu'on entend d'habitude, l'échelle pop d'aujourd'hui.
Le Doom marié à la Noise de Merzbow permettent d'explorer de nouvelles échelles, des accumulations rendues audibles par l'extreme ralentissement des masses.
Une nouvelle cathédrale! Allons à la messe! Minuit pétante!
BBBBBRRRRROOOOOUUUUUMMMMM...
Ceci est un la autopsié au doom...
Exceptionnel ! !   19/20



Posté le 16 janvier 2023 à 16 h 32

Quand on trouve une formule qui fonctionne, il reste trois options à exploiter : soit on la répète, soit on la diversifie, soit on la pousse jusqu'à son comble. sunn O))) applique les trois simultanément. Quand sonne "Mocking Solemnity", on ne sait trop si un moteur démarre ou s'il s'agit du souffle d'une force païenne. Quand Wagner écrivait le souffle de vie en ouverture de "L'Or Du Rhin", le duo de la cité émeraude écrit le souffle de mort. Cette longue pièce introductive à la suivante, ambiante et menaçante, à la texture gigantesque, marque l'envol pataud du béhémoth.

S'enchaîne donc "Death Becomes You", qui porte merveilleusement bien son nom en peignant d'un noir de jet épais le ciel de cet au-delà. La composition de ce paysage au fusain ressemble à s'y méprendre à quelques autres exquises de leur premier effort mais les couleurs se veulent ici encore plus profonde, le son encore plus intense, d'une densité encore plus lourde. Une sorte de paroxysme du savoir-faire des chevelus de Seattle pour un véritable tube drone.

La grande attraction de cet LP reste la participation de Masami Akita (aka Merzbow). La pop star du bruitisme nippon mixe et glisse sa patte sur deux titres ("O))) BOW 1" et "2"). Le premier ressemble un peu plus à son Parent 1 à cordes, avec cette épaisse matière drone, tapissé de cet engrenage infernal, lancinant, ponctué de quelque notes de clavier maladives. Cette introduction ouvre les hostilités au second mouvement, qui porte les traits de son Parent 2 japonais. Véritable "Pulse Demon" à la sauce sunn O))), il évoque par moment un certain Kevin Drumm : corrosif, industriel, noise, mécanique... avant que ce clavier ne reviennent nous hanter. Comme le marteau de "Siegfried" imposait le tempo de l'orchestre (encore Wagner, une simple suite d'idées), les instruments se font machines, déclament leurs tortures sur cette bise saturée, au reliefs multiples, avec ses strates de sons, menaçantes, glaçantes.

En épilogue, une autre reprise, "For Whom The Bell Tolls" de Metallica. Un riff par ci, un accord par là, rincés, triturés à un point de non retour, aucune place n'est laissé au matériel d'origine. Cette étonnante boîte à rythme et ces vocaux d'outre-tombe (qui évoquent un futur "Black One") finissent de faire de ce morceau plutôt différent une vraie réussite.

Cette nouvelle plaque démontre que le duo à fermement l'intention de s'accrocher à leur concept, poussé toujours plus loin, ils l'exploreront jusque dans les moindres recoins et ils ne manquent pas d'idée pour y parvenir. Une nouvelle bande son pour "L'Enfer" glaciale d'Aligheri.
Excellent !   18/20







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