Laetitia Shériff

Nice [Nice Jazz Festival- Scène Matisse] - vendredi 23 juillet 2004

C'est sur scène que la discrète, mais non moins séduisante Laetitia Shériff a patiemment fabriqué sa réputation de douce écorchée, dans l'intimité et la communion avec le public qu'elle a, sans calcul ni retenue, peaufiné son univers musical, mettant son amour pour des poètes follement émouvants, comme Kerouac, Burroughs, mais surtout Yeats, au service de textes à l'inépuisable intensité. Un amour et un talent de composition qui semble indéniable à l'écoute du beau Codification, sorte de pont joliment bancal entre rage et sensibilité, et qui consacre son auteur comme la plus vivace et vivante des artistes rock française actuelle. C'est donc avec foi et religiosité que je m'apprête, par ce vendredi chaleureux, à assister à un concert, qui sur le papier, semble-t-il, a tout pour plaire: un lieux prestigieux et chargé de souvenirs musicaux d'une impressionnante vitalité, un cadre scénique fabuleux, et surtout une voix, qui n'est pas sans rappeler par instant celle de l'insurpassable Polly Jean Harvey ou de la sémillante Shannon Wright. Bref, les espoirs sont grands en ce début de concert.
Etant en compagnie de la ravissante Leslie Feist, dont le concert une heure plus tard manquera d'intensité, mais non de générosité, pour une interview délicieusement singulière, je ne pus assister aux dix premières minutes du set de la belle de Lille. Arrivé sur place, je suis d'abord stupéfait par le faible nombre de spectateurs, peut être moins de 200 personnes, et je rage intérieurement contre tous ces anonymes qui déambulent dans les allées du Jardin de Cimiez sans prêter attention à ce talent en devenir qui se présente à eux. Renfrogné, je m'approche de la scène afin de capter toute l'énergie dégagée par cette femme, et soudain je comprends. Effaré, je lève les yeux vers l'artiste et ses musiciens et ce que je vois alors me trouble et fait valser mes certitudes. Laetitia est bien là, physiquement, mais aucun aura, aucune émotion ne se lit sur son visage. Passive, inexpressive, balbutiant ses textes comme une jeune fille tiraillée par le trac lors de son premier karaoké, tremblante et fébrile, chatouillant sa basse, dont on doute alors qu'elle sache même jouer, elle reste les yeux baissés, se refusant à faire face à ce public qu'elle sait sceptique et un tantinet agacé par cette attitude qu'on pourrait croire, sûrement à tords, méprisante. Derrière, Olivier Mellano et Gaël Desbois, ces deux "playMobill" dont la rigidité et le manque flagrant d'inspiration semblent insurmontable, tente vainement de sauver cette prestation du néant artistique. Trop timide pour réussir à s'imposer malgré les faiblesses musicales, à captiver l'auditoire de plus en plus restreint au vu de la qualité proposée, à bouleverser par son chant certes toujours expressif mais manquant cruellement de conviction et d'émotion, celle que l'on décrivait comme le nouveau loup du rock français chanté en anglais, capable de rivaliser avec ses idoles, se révèle être ce soir un bien frêle petit chaperon rouge, incapable de prendre en main sa destinée et à fortiori ce concert, auquel elle mettra fin au bout de vingt cinq minutes montre en main, visiblement consciente de la décevante prestation qu'elle nous livra.


A éviter   6/20
par Funny Valentine


Proposez votre chronique !





Recherche avancée
En ligne
529 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Selon vous, quel intérêt les side-projects offrent-ils au rock indé ?