Swans
Soundtracks For The Blind |
Label :
Young God |
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Soundtracks For The Blind, mon premier contact musical avec les Swans... J'étais jeune alors, et ce groupe faisait partie d'une nébuleuse mythologique intrigante, de ces groupes dont on trouve la trace partout et que l'on n'ose pas trop écouter, par crainte de la déception, par paresse, parce que l'on est déjà convaincu qu'à force de les avoir lus, on connaît leur œuvre, leur son, leur unicité, que l'on ne découvrira rien...
Avec le recul que confère l'expérience, ainsi que la découverte tardive de leur discographie, je me rends compte à quel point il peut être atypique de pénétrer dans la galaxie des Swans via ce double album... Couvrant à la fois tous les genres mais ne respectant aucun code, le duo Jarboe-Gira compose une pièce sonore puisant simultanément leur inspiration dans le rock lourd et ambiant, dans les senteurs dark ou encore la musique de film... Ce sentiment d'assister à la projection fantomatique d'un long-métrage avorté est conforté dès les premiers titres ("Red Velvet Corridor", "I Was A Prisoner In Your Skull"), qui développent un climat pesant dans l'éthéré d'une introspection symbolique... Basés sur l'instrumentation uniquement, les premiers mots tardent à venir. Gira prend la parole ("Helpless Child") sur un lit électro-acoustique... Quelque part entre la langueur et la désillusion, on se laisse alors ballotter tout au long de ces seize minutes, pièce maîtresse du volume un. À la dixième minute, cela s'emballe en un final flamboyant et Pink Floydien à la "Atom Mother Earth Suite"... Grandiloquent, impérial, nous n'en finissons pas de nous hisser vers les plus hauts sommets, là où l'oxygène est si rare, le délire si commun... La prédominance de titres instrumentaux renforce indéniablement la dimension onirique des compositions, et les rares incursions vers un punk rock dissonant ("Yum-Yab Killers") sonnent comme un réveil brutal, un rappel non souhaité à une réalité crasse dont les minutes précédentes nous avaient extirpés. Parfois post-rock avant l'heure ("The Beautiful Days"), trip hop ("Volcano"), l'auditeur se rend compte avec effarement à quel point cet album fut novateur pour son temps... Le premier volet s'achève sur un "Animus" aux sonorités dérangeantes, frustrantes de beauté inachevée, la voix de M. Gira, rare et mesurée, blessant l'auditeur dans son attente esthétique...
A lui seul, ce premier CD frôle la perfection, c'est donc les mains tremblantes que l'on injecte la seconde galette dans le lecteur, priant pour que la suite soit issue du même tonneau... Et si l'on passe l'introduction qui ne fait qu'exacerber le suspens, le quart d'heure de "The Sound" balaye toutes les appréhensions. Pendant féminin de "Helpless Child", ce titre a été arraché aux dieux... Planant, puissant, émotionnel, les qualificatifs semblent manquer pour décrire l'univers spectral qui prend forme sous nos yeux... Parler de talent ou de génie me semble presque indécent pour évoquer ce titre, tant ces mots sont galvaudés aujourd'hui... Les sons s'adressent directement à la chair, tels des canaux sensoriels branchés sur une épine dorsale... On salive, sent poindre une excitation amoureuse, mais sans possibilité d'épanchements...
Néanmoins, ce second volet offre davantage de points d'accroche : mélodies plus mémorisables ("Hypo Girl", "Fan's Lament"), instruments plus facilement identifiables car plus traditionnels dans leur approche, les Swans nous baladent dans les limbes où le langage se fait chuchotement, narration froide n'exprimant aucun sentiment humain... "Et parce que tu n'es ni chaud, ni froid, mais tiède, je te vomirai par ma bouche"... Le temps défile à la vitesse d'un songe d'une nuit d'automne, sans accoups, sans ruptures...
Soundtracks For The Blind est un monolithe. Il s'écoute en entier, ou il ne s'écoute pas... Album ne supportant pas un auditeur médiocre partageant son temps entre la musique et une quelconque tâche annexe, il requiert attention, concentration et dévotion... Un disque en forme de chant du cygne, de testament et d'héritage... Plus de dix ans après, il n'en finit pas de livrer tous ses secrets...
Avec le recul que confère l'expérience, ainsi que la découverte tardive de leur discographie, je me rends compte à quel point il peut être atypique de pénétrer dans la galaxie des Swans via ce double album... Couvrant à la fois tous les genres mais ne respectant aucun code, le duo Jarboe-Gira compose une pièce sonore puisant simultanément leur inspiration dans le rock lourd et ambiant, dans les senteurs dark ou encore la musique de film... Ce sentiment d'assister à la projection fantomatique d'un long-métrage avorté est conforté dès les premiers titres ("Red Velvet Corridor", "I Was A Prisoner In Your Skull"), qui développent un climat pesant dans l'éthéré d'une introspection symbolique... Basés sur l'instrumentation uniquement, les premiers mots tardent à venir. Gira prend la parole ("Helpless Child") sur un lit électro-acoustique... Quelque part entre la langueur et la désillusion, on se laisse alors ballotter tout au long de ces seize minutes, pièce maîtresse du volume un. À la dixième minute, cela s'emballe en un final flamboyant et Pink Floydien à la "Atom Mother Earth Suite"... Grandiloquent, impérial, nous n'en finissons pas de nous hisser vers les plus hauts sommets, là où l'oxygène est si rare, le délire si commun... La prédominance de titres instrumentaux renforce indéniablement la dimension onirique des compositions, et les rares incursions vers un punk rock dissonant ("Yum-Yab Killers") sonnent comme un réveil brutal, un rappel non souhaité à une réalité crasse dont les minutes précédentes nous avaient extirpés. Parfois post-rock avant l'heure ("The Beautiful Days"), trip hop ("Volcano"), l'auditeur se rend compte avec effarement à quel point cet album fut novateur pour son temps... Le premier volet s'achève sur un "Animus" aux sonorités dérangeantes, frustrantes de beauté inachevée, la voix de M. Gira, rare et mesurée, blessant l'auditeur dans son attente esthétique...
A lui seul, ce premier CD frôle la perfection, c'est donc les mains tremblantes que l'on injecte la seconde galette dans le lecteur, priant pour que la suite soit issue du même tonneau... Et si l'on passe l'introduction qui ne fait qu'exacerber le suspens, le quart d'heure de "The Sound" balaye toutes les appréhensions. Pendant féminin de "Helpless Child", ce titre a été arraché aux dieux... Planant, puissant, émotionnel, les qualificatifs semblent manquer pour décrire l'univers spectral qui prend forme sous nos yeux... Parler de talent ou de génie me semble presque indécent pour évoquer ce titre, tant ces mots sont galvaudés aujourd'hui... Les sons s'adressent directement à la chair, tels des canaux sensoriels branchés sur une épine dorsale... On salive, sent poindre une excitation amoureuse, mais sans possibilité d'épanchements...
Néanmoins, ce second volet offre davantage de points d'accroche : mélodies plus mémorisables ("Hypo Girl", "Fan's Lament"), instruments plus facilement identifiables car plus traditionnels dans leur approche, les Swans nous baladent dans les limbes où le langage se fait chuchotement, narration froide n'exprimant aucun sentiment humain... "Et parce que tu n'es ni chaud, ni froid, mais tiède, je te vomirai par ma bouche"... Le temps défile à la vitesse d'un songe d'une nuit d'automne, sans accoups, sans ruptures...
Soundtracks For The Blind est un monolithe. Il s'écoute en entier, ou il ne s'écoute pas... Album ne supportant pas un auditeur médiocre partageant son temps entre la musique et une quelconque tâche annexe, il requiert attention, concentration et dévotion... Un disque en forme de chant du cygne, de testament et d'héritage... Plus de dix ans après, il n'en finit pas de livrer tous ses secrets...
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Arno Vice |
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