Autechre

Untilted

Untilted

 Label :     Warp 
 Sortie :    lundi 18 avril 2005 
 Format :  Album / CD   

Huitième album d' Autechre, Untilted et ses huit morceaux n'apportent rien de neuf à l'univers de ce groupe pionnier et fabuleux.

On y retrouve toujours des morceaux aux beats répétitifs, habités d'effets noyant des mélodies qui affluent au fur et à mesure que se déroulent les morceaux ... On se délecte toujours de les déceler(notamment sur les perles 'Pro Radii' et 'The Trees'), comme on regarde une chenille qui se débat pour devenir papillon. Surtout que le cocon y est souvent des plus intéressants, tellement le son est ciselé par le duo ... Un album d'Autechre quoi ! Ni plus ni moins.

Intéressant, certes, mais parmi d'autres albums intéressants.


Correct   12/20
par Takichan


  En écoute : https://autechre.bandcamp.com/album/untilted


 Moyenne 14.25/20 

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Posté le 26 avril 2005 à 11 h 36

"Untitled", on ne pouvait s'attendre à meilleur titre pour ce nouvel opus de ce groupe anglais mythique.
"Untitled", c'est aussi le nom que l'on aurait pu donner à mon expression faciale, lors de la première écoute de l'album en question...

Addict d'Autechre depuis leurs premières armes avec Incunabula, ils poussaient sur chaque album les limites de la musique électronique, là ou d'autres artistes comme Two Lone Swordsmen, commençaient à tourner en rond.
"Untitled" n'est pas un mauvais album, mais confronté aux disques précédents, il ne fait pas le poids : rien de particulièrement novateur, peut-être même un pas en arrière ...

13/20 pour quelqu'un qui découvre
10/20 pour les amateurs d'Autechre
Moyen   10/20



Posté le 26 juillet 2005 à 01 h 11

Un autre album d'Autrechre, certes, pas des moindres... "Untilted" est un excellent Autechre qui conserve l'identité sans peut-être nous surprendre, mais sans se tarir ou se dénaturer.
Mais tout est déjà là, original, qui nous ravit depuis plusieurs albums et nous extrait de tout ce qui en musique existe autour. "Untilted" a des débuts de morceaux plus agressifs en rythmes. Globalement, cet album sonne assez sec rythmiquement, et demeure dépouillé au niveau mélodique. Mais faut-il déchiffrer les mélodies sciemment approximatives ? Je ne sais pas. Chacun son écoute sans doute.
Laissez-vous porter par le glissement progressif, les micro-évènements vous amenant plus loin.
Bon   15/20



Posté le 27 mai 2018 à 15 h 25

"À l'époque, avant d'être signés sur Warp, les gens des labels nous disaient systématiquement "c'est bien, mais pas assez évident, on ne sait jamais quand le rythme va arriver, on ne comprend pas pourquoi il y a un pied là à contretemps, pourquoi il y a ce roulement de batterie là qui n'est pas en rythme, il ne devrait pas être là...'. Et nous, on répondait toujours la même chose : tout ce que vous nous reprochez, c'est précisément ce qu'on essaie de faire, c'est ce qui rend notre musique intéressante." (Autechre)

Untilted clôt la trilogie "hermétique" formée avec Confield et Draft 7.30 avant la tentative de synthèse de Quaristice. C'est une période puissante et très créatrice (en témoigne les live donnés à Glasgow et à Montréal la même année). Le titre de l'album est un jeu de mot sur untitled (sans titre) ;"tilt" désignant une inclinaison, une pente, une déclivité, " un-titled " ne peut être qu'un angle droit, ou une surface plane. Une blague tant on est à mille lieues d'une esthétique où régularité et métronome seraient maîtres. Décontenancé, un critique avait d'ailleurs reproché à l'album de se perdre dans un "abus de claudications rythmiques et d'avortons mélodiques" qui trahirait un "refus de presque toute structure."

Des structures, il y en a toujours eu chez Autechre. Ce sont d'ailleurs elles qui permettent à leur musique de flirter avec le chaos sans jamais s'y perdre. Plus précisément, leur modus operandi est une déconstruction systématique de toute structure. Chaque titre consiste en un thème de départ qui dégénère, comme parasité par lui-même. En cela, Autechre partage l'irrévérence free jazz qui consiste à "travailler" impitoyablement les règles imposées pour faire dégorger de nouvelles sonorités à une forme standard : Dolphy, Monk, Braxton, Don Cherry...

Un autre critique, naïf celui-là, avait écrit à propos de l'album : "Après trois écoutes, je ne suis toujours pas sûr de le comprendre." C'est bien ce qui fait sa force ! Car si Untilted a plus d'une décennie, il pourrait sortir hier (ou demain), et sonner tout aussi avant-gardiste. Le temps n'a pas de prise. Le mystère persiste. Et la fascination avec. J'ai dû écouter ce disque près d'une centaine de fois, et j'y découvre toujours des détails, des couleurs, des styles (hip-hop, funk...) que je n'avais pas décelés...

Untilted exige une audition rapprochée, presque tactile, méticuleuse — aimante. Cette musique exige du temps. Nombreux sont les mélomanes qui en témoignent, comme Chris Schmier, sur Youtube : "Honnêtement, c'est le seul album d'Autechre avec lequel je n'ai pu établir aucune connexion. Pour moi, c'est beaucoup plus complexe, froid, mort et inquiétant que Confield. Je n'ai pas tout compris. Jusqu'à hier. Merde, c'est génial." Il m'est arrivé la même chose il y a peu, avec Draft 7.30... Ceux (nombreux) qui ont déclaré qu'Untilted ne parvenait pas à " surprendre " ont vraiment besoin de temps, de concentration — voire d'une armada de cotons tiges.

Plusieurs constantes de l'album méritent d'être énumérées :

1. Chaque titre s'évertue à enchaîner des ambiances a priori contradictoires, mais qui partagent pourtant une sorte d'unité cachée.

2. Autechre inaugure une nouvelle syntaxe : non plus la transition progressive mais la coupure nette, brutale, sans appel.

3. L'honneur est donné aux rythmes puissants qui occupent tout le premier plan (un style qui rappelle Chiastic Slide), le travail mélodique demeurant en arrière pour distiller des atmosphères très fines, sorte de fourmillement de micro-perceptions.

L'album commence avec "LCC" par un rythme entêtant, radical, sec, avec trois contretemps qui sonnent comme des gifles. Le ton est donné. Radicalité immédiate. Son clinique. L'espace sonore sculpté à grands coups de scalpel. De lointaines rumeurs harmoniques génèrent une impalpable atmosphère, inquiétante, loin derrière les coupures du beat. Et puis la machine s'emballe : gerbes de ratés, poussées spasmodiques, jusqu'à ce qu'en son centre, le titre craque. On bascule alors dans un espace plus apaisé, sorte d'hip-hop mutant, et désolé. Autechre délivre là une de ses plus belles mélodies : un appel, absolument déchirant... On croirait entendre Miles Davis ressuscitant ses ritournelles malades de mélancolie.

"Ipacial Section", second titre, est tout aussi radical et frénétique. Une lutte entre trois rythmes qui problématise tout l'espace. S'ensuivent des crises qui évoquent des rebonds de balles. L'atmosphère est prête à éclater à force de détails jusqu'à ce qu'une mélodie enjouée au timbre de gamelan confère un ton imprévu à l'ensemble. Le rythme s'intensifie, outré, agressif – carrément méchant. Puis s'opère un tour de force dont Untitled est truffé : la musique est comme stupéfaite par elle-même et se répète, bloquée sur un accord. De la mélasse mathématique et violente on est ainsi passé à une musique contemplative, proche de Steve Reich. Un solo de beats, presque jazzy, se superpose sur la boucle pour finalement nous échouer sur un pattern de batterie très cool.

Le titre suivant, "Pro Radii", est une des compositions les plus merveilleusement abstraite d'Autechre. On est cloué par une rythmique tribale traversée d'infrabasses absolument énormes. Des clameurs humaines émergent par endroits. Pointent même des applaudissements. Un splendide "GREAT" d'arbitre (ou de journaliste) nous transporte au cœur d'un match. Peu à peu émergent des nappes d'accord au bord du larsen. Une rythmique d'enfer, très dansante, apporte une irrésistible dynamique. Puis viennent le tour d'un tabla électronique bourrée au flanger, un beat très jungle... Toute mélodie est presque évincée au profit du tribalisme des rythmes. Le titre se termine avec un hallucinant travail de texture sur le beat.

"Augmentic Disport", c'est violent, hystérique, entre la drum'n'bass, le hardcore et le death metal. On s'en prend plein la gueule. Rapidement, le rythme se diffracte... Mais on devine pourtant un cycle qui draine tout sans qu'on puisse le saisir tant des explosions interfèrent de partout. De micro-perceptions (bribes de mélodies) brassent au loin des ambiances moléculaires d'une grande tristesse. Le rythme s'apaise et une mélodie, d'une infinie nostalgie encore, confère une couleur inattendue à ce qui était un déferlement de violence. Une pulsation se met en place, jusqu'à ce qu'un métronomique 4/4, inespéré, prenne le relais. Après la fureur polyrythmique, une ambiance minimale, dub, apaisée...

Le titre suivant, "Iera", est une perle qui opère la transition avec la seconde partie de l'album, plus mélodique... Une atmosphère sombre, très sombre... On plonge en plein dans la nuit poisseuse, celle de la dark ambient la plus vicieuse. Le travail sur les tessitures de la rythmique nous fait parfois hésiter entre le travail de mandibules et l'aller-retour de maracas. "Iera" est un petit bijou. Plus discret, moins démonstratif, mais d'une grande finesse, et surtout d'une insondable profondeur.

"Fermium" (ou "Fm", du nom du 100ème élément chimique, un métal radioactif très rare. Jeu de mot avec FM ou modulation de fréquence) est plus classique, proche d'un mood hip-hop. Un thème très évocateur reste stable pendant au moins trois minutes. L'équivalent de la première partie de "Surripere" sur Draft 7.30 : une pause contemplative dans un album hanté par la variation perpétuelle. Puis, peu à peu, le rythme s'intensifie jusqu'à balancer des déferlantes de clusters et d'explosions. Ça tourne net à l'indus, proche du beat de " 6IE.CR " (Draft 7.30). Mais le moment le plus impressionnant reste cette nappe de fréquences qui implose et dévore l'ensemble des violences soniques pour donner naissance à du drone-ambient atmosphérique.

"The Trees" est un thème typiquement autechrien, très "Arch Carrier" (LP5) par son harmonie (donc superbe). C'est vraiment de la dance music d'une vénéneuse noirceur, une rage rentrée, sorte d'hommage à toutes les Liliths du dancefloor. Le titre se scinde de nouveau à travers une crise : décharges d'échos, travail textural extrême. Si on tend bien l'oreille, on perçoit un travail énorme sur les arrières plans sonores où réside le travail harmonique. Si de "LCC" à " Augmentic Disport", on avait une sorte de symphonie à quatre mouvements, "Fermium" et "The Trees" forment un puissant diptyque.

Au départ, "Sublimit" sonne comme du Cecil Taylor en 8 bits sur un rythme formidable (l'un des plus irrésistibles de leur œuvre). Il faut entendre le travail harmonique infinitésimalement chiadé, le beat qui s'agace, le jeu sur la stéréo... On est immergé. Conquis. Et Autechre casse ça au profit d'une ambiance 80's. Un rythme à la Afrika Bambataa... Un fabuleux cluster à la Zap... Tout se diffracte vite dans des anomalies sous forme d'échos. Et puis c'est haché. Menu. Des plaintes insectoïdes prennent le relais. S'installe une atmosphère plus sombre, speedée, quelque chose d'à la fois désolé et énervé. On se sent perdu et bercé. Et puis c'est haché. Menu. Impitoyablement. Encore. Tout sombre, mais subsiste quand même. Des clochettes brésiliennes assurent même la cohérence. Travail sur les textures du beat. No Man's Land. À mille lieues de tout. Un beat régulier s'instaure. De lointaines nappes pose une nostalgie. On est entraîné. Hypnotisé. "Sublimit" est une chute entre des mondes. L'écouter, c'est faire un voyage sur place, habiter une énigme. Elle possède un charme puissant que je ne suis jamais parvenu à m'expliquer. Et ça vaut pour l'album tout entier.

Pensez aux cathédrales qui s'élèvent vers les cieux. De quoi sont-elles faites ? Du pire matériau pour créer cet effet d'ascension : la pierre. Or de cette contrainte va naître une tension qui décuplera l'effet final recherché. De la même manière, Autechre use de moyens cliniques, déshumanisés, mathématiques, pour toucher la sensibilité d'une manière radicalement nouvelle, par percées foudroyantes, stupéfiantes.
Intemporel ! ! !   20/20







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