The Kinks

Something Else By The Kinks

Something Else By The Kinks

 Label :     Sanctuary 
 Sortie :    lundi 20 juin 2011 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

En 1967 la moisson de bons, très bons et excellents albums est d'une richesse incroyable, une des meilleures années du rock'n roll. Rolling Stones, Beach Boys, Jimi Hendrix, Otis Redding, Buffalo Springfield, etc, etc. Et bien sûr les Kinks avec Something Else By The Kinks

Something Else By The Kinks : c'est simple tout est bon. Ecoutez vous verrez.
C'est la première fois qu'un album des Kinks est homogène à ce point. Something Else By The Kinks, communément raccourci en Something Else sort le 15 septembre 1967 en Angleterre ; alors que le rock s'engouffre dans le psychédélisme, les Kinks brodent des bijoux pop indémodables au plus près des réalités sociales anglaises, de la vie populaire, de leurs racines familiales.
Les sessions s'étalent principalement de janvier à juin 1967 avec quelques titres antérieurs, le groupe enregistre sur un quatre pistes avec le peu de budget accordé par Pye Records et seulement deux intervenants supplémentaires, le pianiste Nicky Hopkins et Rasa Davies, choriste et épouse de Ray, mais il y a du nouveau. Enfin les Kinks se libèrent d'une de leurs chaînes, Shel Talmy n'est plus imposé par la maison de disques en tant que producteur. Ray Davies endosse cette charge, et ça s'entend, d'autant plus qu'il a tellement raté le Live At Kelvin Hall qu'il se doit de faire mieux.
Le groupe a du temps, malgré lui. Toujours sous le coup d'une interdiction de jouer aux États-Unis, ils ne peuvent pas non plus tourner au Royaume-Uni durant plusieurs mois à cause d'un problème juridique entre leur manager et leur tourneur. Ce calme relatif est le bienvenu, Ray Davies en avait marre de tout ce cirque, au point qu'il avait envisagé l'arrêt pur et simple des concerts. Pas pour le groupe, pour lui seulement, il souhaitait être remplacer sur scène par un autre chanteur, pour rester en studio à composer, écrire, produire, etc.
Ça ne s'est pas passé comme ça, tant mieux.

Something Else voit aussi l'affirmation de Dave Davies comme compositeur et comme chanteur. Il y a eu juste après la fin de l'enregistrement du disque un projet d'album solo surnommé A Hole In The Sock Of... qui a fait long feu. Après deux 45t sortis sous son nom, les autres titres se sont retrouvés disséminés sur des faces B ou sur des albums des Kinks. Mais quand même, Dave Davies signe trois morceaux sur les treize de l'album, et pas des moindres.

L'album compte treize titres et débute avec "David Watts". D'après Ray Davies, le David en question existe vraiment, il l'a rencontré lors d'un concert dans le nord de l'Angleterre, sans en dire vraiment plus et en laissant courir plusieurs rumeurs. C'est un titre accrocheur au rythme aussi enlevé que martelé, idéal en ouverture. Le morceau prévu comme single, figurera en face B d'"Autumn Almanac", certains pressages ont les faces inversées. Les Jam, en dignes héritiers des Kinks, le reprendront avec un certain succès en 1978, en réussissant à être encore plus arrogants.
Le suivant, "Death Of A Clown", a un destin un peu partculier, bien qu'enregistré par le groupe c'est sous le nom de son auteur seul que sortira le single. Ce sera le premier disque solo de Dave Davies qui l'a composé sur le piano familial, et finalisé avec l'aide de son frère. En face B du 45t, "Love Me Till The Sun Shines", est tout aussi agréable et efficace, chanté avec cette voix plus haut perchée et plus éraillée que celle de Ray Davies. Ces deux morceaux, avec "Funny Face", œuvres de Dave Davies sont parmi les plus rock de l'album et permettent à Ray Davies de se concentrer sur des compositions souvent plus mélancoliques et/ou élégantes.
La mélancolie apparaît dans l'album avec "Two Sisters", qu'est-ce que c'est beau bon dieu ! Les paroles de Ray Davies évoquent deux sœurs, l'une mariée et rangée, l'autre complètement délurée. Ce qui est un bon portrait de lui et de son frère Dave qui crame la vie par les deux bouts, quand lui-même est déjà marié et père. La participation de Nicky Hopkins, au clavecin, est superbe, tout comme les arrangements de cordes écrits par le compositeur David Whitaker. Un beau morceau aux influences baroques typiques de l'époque qu'on retrouvera encore plus exacerbées sur le superbe "Lazy Old Sun".
À cause de son rythme bossa-nova, "No Return" est le seul morceau dont la présence pose question, non qu'il soit mauvais loin de là, mais je me demande ce qu'il fait sur l'album. Une face B aurait été suffisante.
"Tin Soldier Man" ressemble à une parodie de musique militaire, le rythme est martelé, les cuivres avancent à grands pas, c'est un morceau dynamique. Tout comme "Harry Rag" qui n'est pas sans rappeler "Dead End Street". Ils sont dans la même veine que "David Watts".

En avant-dernier sur l'album, celle que je préfère sur ce disque : "End Of The Season". Une chanson qui avance paisiblement, totalement décontractée, une belle rêverie dans un parc avec des oiseaux tout le long. Pete Quaife et Mick Avory sont bien là, tout en souplesse et discrétion. Ray Davies prend des airs de music-hall, proche de Maurice Chevalier. Ce titre parfait à tout point de vue est un avant-goût de l'album suivant, Village Green. Comment encore croire après une telle composition au cliché du groupe à singles ?
L'album termine en beauté. "Waterloo Sunset", mériterait une chronique à elle seule, sortie en single elle devient immédiatement un classique. L'enregistrement n'a pris que quelques heures et très peu de prises, c'est le premier single produit par Ray Davies et c'est une réussite. Les choeurs sont sublimes, la rythmique de Mick Avory et Pete Quaife est tout simplement parfaite, les guitares sonnent comme du cristal, Dave Davies y est époustouflant ! C'est un emblème des swinging sixties, une des chansons les plus populaires d'Angleterre, reprise par des gens aussi divers que Brad Mehldau, David Bowie, Def Leppard, Twiggy et plusieurs dizaines d'autres. "Waterloo Sunset" est certainement le chef-d'oeuvre de Ray Davies.
Un peu plus loin dans le disque on trouve sa face B, "Act Nice And Gentle", avec des influences country-rock qu'on retrouvera plus tard, en 1971, sur Muswell Hillbillies le premier album paru chez RCA après la fin du contrat avec Pye Records.

Encore une fois, cette réédition par Sanctuary Records est riche en suppléments, 45t hors album, mix différents et enregistrements pour la BBC.
"Mr Pleasant" est une satire jouée avec un piano ragtime et des arrangements music-hall, elle est parue en 45t partout sauf en Angleterre, où c'est Nicky Hopkins qui en sortira une improbable version instrumentale. Encore plus improbable, le morceau est repris en 1990 par The Mission.
Un autre titre écrit et sorti en single sous le nom seul de Dave Davies, "Susannah's Still Alive" est une nouvelle étape dans sa courte carrière solo. Il faudra patienter jusqu'en 1987 pour que ses titres écrits à cette période bénéficient d'une première publication en volume.
Paru en 45t un mois après l'album, "Autumn Almanac" est un mid-tempo qui hésite en permanence entre humour et tristesse, assez caractéristique de l'écriture et du talent de Ray Davies.
Parmi les versions alternatives, je retiens celle de "David Watts" qui est jouée sur un rythme endiablé avec un chant moins agressif, plus pop.

Le groupe n'est plus interdit d'antenne à la BBC, on retrouve donc des morceaux enregistrés en octobre 1967 pour Top Gear et Top Of The Pops. Les neuf titres reproduits sonnent comme un entre-deux : des compositions pop élaborées, élégantes et une énergie proche de leur passé garage-rock.
Les couplets de "Sunny Afternoon" sont bien balancés sur un piano boogie qui n'a rien à voir avec l'originale. Les trois titres de Dave Davies y figurent également, ce qui montre bien la volonté à un court moment de le faire émerger du groupe et d'envisager sérieusement une carrière solo. On trouve aussi dans ces sessions une reprise parodique du "Good Luck Child" du bluesman Spider John Koerner sous le nom "Good Luck Charm", c'est une curiosité chantée par Dave Davies et emmenée allègrement par Nicky Hopkins, elle fait penser aux musiques de films muets.
En trentième et dernière position de ce généreux premier disque, les Kinks propose "Little Woman", un morceau inachevé et inédit. C'est bien dommage car cet instrumental est bien plus que prometteur.

Le second cd de cette édition est d'un intérêt plus limité. Il contient les versions stéréo de l'album ou de morceaux présents dans les bonus du premier cd, ainsi que d'autres versions alternatives ou primitives d'une poignée de titres. Rien de vraiment notable dans ce remplissage. Seule curiosité, "Sand On My Shoes" est une version de "Tin Soldier Man" avec des paroles un peu débiles, et un mix où la fanfare est encore plus prégnante.

Comme souvent avec les Kinks, les singles cartonnent, et les albums marchent difficilement. Something Else ne fait pas exception, notamment aux USA où le groupe n'a toujours pas le droit de mettre un pied. Autre raison, Pye les met en concurrence avec eux-mêmes, des compilations n'arrêtent pas de sortir à un rythme indécent. Et puis il y a le revers de la médaille du succès de "Waterloo Sunset" pourtant publié en mai soit quatre mois avant l'album, il en a presque éclipsé la sortie.
Fort heureusement, le temps a fait son travail, Something Else est maintenant reconnu pour ce qu'il est par le public, un chef d'oeuvre donc ; et comme une mine par un grand nombre de musiciens et de groupes anglais, de David Bowie à Paul Weller, des Smiths aux Stone Roses en passant par Oasis et Blur, ils sont légion à se nourrir de cet immense album. Le groupe ne cherche pas avec Something Else à sortir quelque chose de résolument nouveau ni de révolutionnaire, il ne souhaite pas repousser de limites, non, les Kinks sont à leur meilleur dans ce qu'ils savent faire, proposer d'excellentes chansons pop oscillant entre arrogance et mélancolie, qui flirtent parfois avec le rythm'n blues, le music-hall, la fanfare, etc. À rebours complet de l'époque et de la mode, pas de trip lysergique, aucun avant-gardisme, encore moins d'expérimentations.
Cet album est un aboutissement, une merveilleuse veine musicale creusée par Ray Davies, il aurait pu continuer vers le garage rock et le proto-metal, il a choisi sur ces albums, d'aller vers une musique douce-amère, d'une grande richesse en matière de composition. De la pure pop ! Raffinée, élégante jusqu'aux bouts des ongles !

Et dire que le meilleur reste à venir...


Exceptionnel ! !   19/20
par NicoTag


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