Gojira

Fortitude

Fortitude

 Label :     Roadrunner 
 Sortie :    vendredi 30 avril 2021 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Il y a toujours énormément à dire sur un nouveau Gojira, je vais donc essayer de ne pas m'éparpiller en abordant les différents points qui m'interpellent.

Chapitre 1 : le nom de l'album

En bon petit bouffeur de grenouilles, quand j'ai entendu Fortitude pour la première fois, j'ai de suite pensé à la "bravitude" de Ségolène Royal. Bon, après j'ai fait une traduction et j'ai compris que cela signifiait "courage". C'est mieux mais cela reste relativement moche lorsque c'est prononcé à la française... Bref, je n'étais pas vraiment emballé par ce choix mais j'imagine aisément que le groupe s'en tamponne, à juste titre qui plus est.

Chapitre 2 : les singles

Quelque part, la campagne promotionnelle de ce septième album a commencé il y a près de huit mois avec la parution du clip "Another World". C'était visuellement intéressant, notamment avec le clin d'œil final à "La planète des singes" mais, musicalement, le titre m'avait fait l'impression d'une face B sortie pour occuper le terrain en période de pandémie et d'absence de concerts. Très mélodique, l'énergie positive qui s'en dégageait m'apparaissait comme assez terne et le propos écologique prenait selon moi le pas sur la forme, un peu mollassonne.

Cependant, nous savons d'expérience qu'il vaut mieux éviter du juger un disque à ses singles car, bien souvent, ils prennent une autre allure une fois inclus dans la track list. Mais ni "Born for One Thing" ni "Amazonia" ne m'ont non plus convaincu, le premier avec son clip très léché à l'américaine, le second avec ses airs de documentaire ethnologique.

En synthèse, les choix visuels étaient tellement différents que j'avais du mal à comprendre où Fortitude pourrait bien aller, Gojira me donnant l'impression de ne lui-même plus trop savoir où il en était, tiraillé entre son succès planétaire (et les gros moyens qui vont avec) et son combat de longue date pour la nature. Il arrive peut-être un moment où les paradoxes sont trop difficiles à conjuguer...

Il demeure que je préférais cent fois les clips du temps jadis, "Love", "To Sirius", "Vacuity", beaucoup plus personnels en termes d'imagerie. Même le récent "Stranded" avait davantage de prestance.

Chapitre 3 : l'illustration

Là, étant donné la haute subjectivité du sujet, je dirais juste que l'abondance de marron n'est pas des plus judicieuses, même si l'on peut voir cela comme une métaphore de la terre et de l'enracinement. Pour ma part, j'ai tendance à la considérer comme la plus laide de leur discographie en dépit du fait qu'elle soit totalement cohérente avec le discours et le titre... Bon, nous ne sommes pas des gens superficiels, alors je passerai outre.

Chapitre 4 : la production

Avec Andy Wallace (Slayer, System of a Down, Slipknot, Sepultura, Nirvana, etc.) au mix, Gojira se garantissait un gros son d'enculé tel qu'il se faisait dans les années 90. Et, effectivement, le rendu final (avec une production assurée par Joe Duplantier) est impeccable, voire même un peu trop lisse, les passages les plus intenses ne sautant plus vraiment à la gueule comme c'était le cas par le passé. Autrement dit, les moments les plus bœufs sont trop adoucis et ne se démarquent pas suffisamment des (nombreuses) accalmies.

De toute façon, on connaît l'amour de la formation pour les 90's. Par conséquent, avoir le père Wallace derrière les manettes, ça doit tout de même être un putain de rêve de gosses qui se réalise.

Chapitre 5 : la musique, on en parle enfin

Effectivement, une fois les singles remis dans le contexte global de Fortitude, ils passent déjà mieux. Ainsi, le choix d'avoir mis "Born for One Thing" en ouverture s'avère judicieux : c'est une composition bien pêchue avec des riffs gojiriens typiques et un chant de plus en plus mélodique auquel on a eu le temps de s'habituer depuis Les enfants sauvages et Magma. L'influence de Meshuggah se fait bien sentir dans les arythmies mais c'est une solide entrée en matière.

En revanche, je reste quand même très mitigé sur la suite de l'album pour trois raisons principales : certaines influences se font trop nettement sentir, le groupe recycle ses anciennes idées, il y a trop de chansons faiblardes.

Chapitre 5.1 : les influences externes

L'ombre de Mastodon planait déjà pas mal sur Magma, elle est toujours présente ici, notamment sur "The Trails". J'ai déjà parlé de Meshuggah mais de toute façon, dès que tu fais du contre-temps et que tu joues en suivant des métriques qui ne sont pas du 4/4, la comparaison est inévitable.

A ces deux premiers noms, j'ajouterai bien entendu le Sepultura de l'époque Roots, ceci étant flagrant sur titre "Amazonia". C'est sûr, le riff est hyper pêchu mais c'est quand même un bon gros gimmick du néo métal que de planter des riffs tribaux sur deux cases.

Enfin, la mélodie vocale, très belle au demeurant, commune à "Fortitude" et "The Chant" sent bon le System of a Down. Et de là à penser qu'Andy Wallace a joué un rôle là-dedans, il n'y a qu'un pas...

Chapitre 5.2 : les influences internes

C'est évident qu'un groupe ne peut pas systématiquement se renouveler et il ne viendrait pas à l'esprit de reprocher à Cannibal Corpse de faire du Cannibal Corpse. Je suis par contre plus gêné par le fait que Gojira s'auto plagie à plusieurs reprises.

D'abord dans "New Found" où l'on retrouve la même sonorité de guitare que dans "Stranded" de l'album Magma. La même sonorité, ok, mais presque le même riff, c'est déjà plus inquiétant.

Idem avec "The Chant" : j'ai fait le test, je peux chanter la mélodie de "The Shooting Star" (titre d'ouverture de Magma) par-dessus dès qu'on bascule sur le plan rythmique lourd.

Enfin, "Into the Storm" n'est ni plus ni moins qu'un "Explosia" bis (L'enfant sauvage), en beaucoup moins bien hélas. Ce qui nous amène au troisième point.

Chapitre 5.3 : Les chansons faiblardes

Si des compositions telles que "Hold on", "Sphinx" (meilleur titre ?) ou encore "Grind", qui clôture l'album en puissance comme pour faire oublier le trou d'air du milieu, sont du pur Gojira puissant et racé où l'on retrouve tout ce pourquoi on aime le groupe, cela n'est pas suffisant pour occulter le fait que l'on s'ennuie ferme sur "New Found", "The Trails" ou "Another World". Ni pour fermer les yeux sur les points précédents : les redites et les influences trop marquées.

Conclusion

Compte tenu de l'importance actuelle de Gojira dans la sphère musicale française et internationale, je peux aisément dire que Fortitude tient son rang au sein de l'écurie Roadrunner et que tout est réuni pour faire un carton plein, sans compter que la popularité du quatuor s'appuie également sur des éléments extra musicaux primordiaux : sincérité, authenticité, naturel, engagement, stabilité, etc.

Mais l'auditeur de très longue date que je suis peine à retrouver ce qui m'excitait tant auparavant et qui était déjà absent de Magma : l'intellect a pris le pas sur l'instinctif, tout me semble trop réfléchi, mesuré, calculé, aux dépends de la folie rythmique qui jaillissait parfois de morceaux clés : "Toxic Garbage Island", "The Art of Dying", "Death of Me", "Remembrance", "Space Time", etc.

Je ne doute donc pas que de nouvelles portes s'ouvrent et que l'ascension est loin d'être terminée, je serai en revanche plus circonspect sur le fait que les fans de la première heure continuent à y trouver leur compte..

Allez, je dirai que c'est un bon album, ne pouvant pas décemment dire du mal de Gojira.


Bon   15/20
par Arno Vice


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