April March

Chrominance Decoder

Chrominance Decoder

 Label :     Tricatel 
 Sortie :    mardi 02 février 1999 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

Adulescent nostalgique avant que le terme ne se banalise pour les enfants nés dans les années 80, Bertrand Burgalat s'est emparé de ses années 60 pour en faire sa recherche du temps perdu sur le plan musical. Et si Triggers avait réussi enfin séduire la critique au-delà des lieux branchés de Paris, c'est bel et bien grâce aux travaux sur l'album de Valérie Lemercier et Chrominance Decoder que notre " Chéri B.B. " a pu pleinement pu transmettre sa vision d'une Pop désuète, on ne peut plus riche mélodiquement, et élégante et fouillée dans ses orchestrations.

Mais pour parfaitement réussir à retranscrire cette fascination de jeune homme pour une époque perdue, Burgalat a besoin d'une poupée de son, lui permettant d'opérer tous les transferts Gainsbourgeois qu'il a en tête aux années 90. Elinor Blake, alias April March, s'étant exilée en France et nourrissant elle aussi un amour sans bornes pour les années 60, est alors la muse idéale : ayant à son actif des collaborations avec des groupes "Garage" aux U.S.A. (April March Sings Along With The Makers ) et plusieurs reprises de standards français des Sixties (dont un intégralement consacré à Gaisnsbourg, Gainsbourgsion!), la collaboration peut alors être pleinement épanouie.

Un pseudonyme printanier, un charme étrange et étranger, une beauté faussement naïve...Tous ces qualificatifs correspondent à la fois à April March et à ce Chrominance Decoder, kaléïdoscope Pop /Yéyé / Jerk /, où il sera question de Chantal Goya, de Coca Cola,de suspense dans des stations de ski Pyrénéennes, de mettre des capotes, d'écouter du Rock, de douce et profonde mélancolie et de bien d'autres choses...

A l'instar de Triggers, Chrominance Decoder débute par une intro expérimentale, "Garden Of April", sorte de ritournelle champêtre au piano, où des harmonicas, des flûtes et des cuivres viennent se superposer petit à petit et délivrer au final une salsa forestière, la belle chantant au loin sa mélodie du bonheur...On imagine croiser des petits oiseaux, des écureuils, des oursons mignons : bienvenue dans le jardin d'April . Mais on a à peine le temps de s'acclimater que nous voilà au volant d'une D.S., comme dans un générique de début d'un film d'espionnage des années 60 en Technicolor : guitares mélodiques à la John Barry, batterie fouillée, basse groovy accompagnent le premier chant en Anglais d'April sur ce disque. "Sugar" finit par se terminer sur des cordes classieuses. Fondu sur "Knee Socks", plus introspectif et expérimental avec ses synthés et ses orgues d'époque, là aussi chanté en anglais, constituant une sorte d'interlude.
L'album prend en réalité un certain temps à démarrer, mais ce n'est que pour mieux rouler par la suite, puisque notre duo va à partir de là dérouler une série de chansons accrocheuses : l'enchaînement "Charlatan"/"Mignonette", tous deux bien rythmés, vous renverra dans votre salon, un verre de Martini à la main, arborant fièrement le pull à Grand-Papa, le coude nonchalamment posé sur le Juke Box, tandis que vous claquerez des doigts avec un sourire à la Lord Brett Sinclair...Entrecoupée par un second interlude, " Chrominance Decoder " (plus contemplatif), la série se poursuit avec le génial "Garçon Glaçon", où synthés froids et sensuels, et rythmiques élégantes, épousent le timbre innocent d'April March (une version anglaise, intitulée "Nothing New", est présente sur les rééditions de l'album) déclamant un amour impossible, toujours avec légèreté.
Retour à la mélancolie avec "Mickey et Chantal" : une guitare acoustique, une voix, rien de plus, sinon une complainte adolescente sur Chantal Goya, Sylvie Vartan, France Gall et les autres... Absurde au premier abord mais finalement très touchant. Vient un autre interlude ou "pause", Harpsichord, xylophone fabriquent une mélodie Jingle sur "Pas Pareil", regard inquiet d'une jeune ménagère sur son homme... La nostalgie en effet frise parfois le rétrograde, les années 60, commes toutes les décennies, ayant leurs défauts...Mais c'est aussi le prix de la diversité (on pense à la fanfare sur "Mon Petit Ami") .
"Mon Petit Cow Boy" reprend la mélodie de "Mon Petit Ami" pour se fondre dans celle de "Martine", en résulte une très belle pause, où la tendresse, la mélancolie et les douces larmes sur fond de soleil couchant atteindront leur apogée caline : en effet, "Martine" est d'une beauté absolue, qui donne des frissons, où guitares et harmonicas langoureux offrent certainement une des meilleures chansons de cet opus. "Ideal Standard" revient aux sonorités Pop Jerk psychédéliques avec efficacité tandis que "Keep In Touch" duo de salle de bains entre April March et Burgalat, fait rimer Michel Houellebecq avec discothèque.
Enfin arrive "Superbagnères", où comment créer du suspense et de la tension dans un téléphérique, avec crises d'acétone, contemplation Pyrénéenne et interrogation amoureuse...

On peut reprocher un certain conservatisme rétrograde à Burgalat (parfois il ne manquerait plus que la pipe, le journal et la claque sur les fesses de la ménagère pendant qu'elle fait la cuisine dans ce portrait années 60...), mais musicalement, quel exutoire et débauche d'idées! Tout est exécuté avec un soin maniaque de la mélodie et une obsession de mettre en sons un imaginaire révolu. Cela permet avant tout d'ajouter une pièce maîtresse dans la discographie d'April March, artiste s'enrichissant de toutes les collaborations pour continuer son parcours singulier et attachant.


Excellent !   18/20
par Machete83


Proposez votre chronique !







Recherche avancée
En ligne
457 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Levé du mauvais pied, je suis plutôt "réac'n roll" : Ras-le-bol...