Jane's Addiction

Three Days / Stop !

Three Days / Stop !

 Label :     WEA 
 Sortie :    mercredi 25 juillet 1990 
 Format :  Single / CD  Vinyle  K7 Audio   

Tout ce qui parle de Jane's Addiction relève de la fabulation et du mythe.
Emmené par un Perry Farell, mystique et dingue, la formation de Los Angeles, déboula sans crier gare sur la scène rock pour la changer à jamais. Aussi bien adulé que haï, Jane's Addiction ne laissa personne indifférent au cours de sa carrière. La faute à des concerts d'une incroyable puissance hypnotique, transformant les fosses en exutoire et les rassemblements en orgies les plus viles, entre drogue, alcool et seins à l'air, le tout dirigé avec toute la perfidie possible par Peter Farell, ce frontman complètement barré.
Alors que la scène américaine commençait à moisir, le combo américain jeta un énorme pavé à la mare, pardon, à la gueule, histoire de casser quelques dents. Et devint alors par là même un groupe culte pour l'éternité.
Chaque chanson de ce groupe rassemble tout ce qui peut paraître fascinant ; par fascinant, il faut entendre tout ce qui est attirant mais qui fait peur en même temps parce que c'est une atteinte à tous les tabous. Le résultat, c'est qu'on reste médusé. Mais là, on est plus dans le domaine du ressenti, un monde où les sensations sont tellement fortes qu'on se dit qu'on a un corps trop fragile pour les contenir ou pas assez de neurones pour tout recevoir. Car la musique de Jane's Addiction, c'est bien plus que du rock, c'est un voyage, et bien plus qu'un voyage, c'est un trip.
Nul ne doute que les drogues y sont pour beaucoup dans ces chansons là : drogues pour concevoir mais aussi pour écouter. Perry Farell ne dit-il pas : 'En ce moment... Vous devriez être avec nous... Dans le même état que nous...Dans un état que vous apprécierez aussi... Et que vous ne connaîtrez plus jamais' ?
"Stop !" est le genre de titre qui explose à la figure : un riff génial puis un Perry Farell surexcité qui gueule 'Here we go !' et ça va à cent à l'heure ! Impossible de décrocher, sans le savoir, on a déjà commencé à headbanguer, à taper du pied et à crier comme un fou. La voix de Perry Farrel, des plus atypiques se fond complètement le tourbillon qui se déchaîne, tourbillon des plus multicolore. Ce titre incite à la fête, à l'hédonisme, à la déchéance la plus totale. A l'image du clip, où le groupe sur scène, sorte de post-hippies et pré-surfeurs, harangue la foule pour inciter à l'euphorie la plus totale. Puis voilà que le rythme ralentit tout à coup, brusquement pourrait-on dire, pour se lover dans un passage des plus psychédéliques, où l'on a bien du mal à s'en remettre ! On écarquille les yeux, sonné par cette décompression inattendue, et légèrement hagard, on savoure ce tempo plus lent, cette voix plus sucrée et cette suavité hypnotique. Seulement, le réveil est rude : un 'go !' et c'est reparti avec un solo de folie furieuse, signé Dave Navarro. On part dans tous les sens : Jane's Addiction symbolise le refus de s'arrêter, peu importe l'endroit : il faut toujours aller de l'avant, exprimer tout ce qui nous passe par la tête, peu importe ce qui nous passe par la tête d'ailleurs, parce que la vie est trop courte et qu'on a trop de choses dans la tête. Alors ça ressort un peu confus mais c'est ça qui est bon ! Ce petit grain de folie, qu'on sent dans ces rebonds sans cesse, dans ce jeu tout en ressort funky, dans ce tohu-bohu, dans ces arrêts, dans ces riffs hallucinants, dans ce phrasé a capella, appuyé par la basse de Eric A, ces 'oh oh oh no !' géniaux, se transmet jusqu'à nous, par contagion. Ce bouillonnement intense est tout simplement jouissif. Une telle liberté avec la musique est si rare !
On se reprend à voir les images de ces concerts mythiques, Peter Farell, torse nu, se contorsionnant dans tous les sens, sous les assauts des guitares indomptables, tandis que le public exultait de joie, dans une communion dyionisesque.
Mais Jane's Addiction, c'était encore plus que ça. Et ce qui fait qu'il s'agit d'un des plus immenses groupes qui n'ait jamais existé, c'est sa sensibilité. Son côté féminin, que Perry Farell n'a jamais osé cacher, cette facette du groupe qui aime la sensualité, l'évasion tranquille plutôt que les déchaînements furieux. Et quoi de mieux que l'extraordinaire "Three Days", véritable tour de force de près de dix minutes, un des plus grands morceaux du groupe, et un des plus grands morceaux tout court, qui superpose successivement douceur, mysticité et intensité ?
Les paroles de Perry Farell sont couvertes par une ligne de basse irrésistibles avant que des guitares caressantes et semblant venir tout droit d'un rêve ne viennent revêtir l'ensemble d'apparat doucereux et oniriques. Même la voix de Perry Farell semble venir d'ailleurs. Petit à petit, le ton monte et c'est l'apport de la batterie de Stephen Perkins qui apporte toute la dimension époustouflante au décollage. Car il est bien question de partir ici. Nul besoin de s'en cacher : cette chanson, comme toutes celles de Jane's Addiction est une ode au trip : pour fuir la misère, l'ennui ou je ne sais quoi, mais un trip pour vivre des expériences nouvelles. Et lorsque la chanson prend un autre virage, un peu plus effréné et tendu, notre cage thoracique se serre, le cœur s'accélère et la température monte : c'est l'excitation qui nous gagne. Une sorte d'état euphorique qui ne fait que monter au fur et à mesure que le groupe lâche les brides et assène des coups majestueux, de grandes ampleurs et des gerbes de guitares flamboyantes et psychédéliques. Seule la basse, imperturbable nous raccroche, car ça va trop vite et trop loin dans l'intensité : on chavire et c'est une sensation unique ! Les riffs deviennent puissant et là rentre à nouveau la voix de Perry Farell, qui s'était éclipsé pendant un bon moment : elle est plus forcée, vindicative et plus criée. La montée en puissance qui s'est faite est jubilatoire.
Comment décrire l'état dans lequel on se trouve lorsque tout s'arrête et qu'on plonge dans le vide ? Mais cette sensation ne dure qu'un court instant car les riffs reviennent à nouveaux et continuent leur martelage, avant que tout devienne du n'importe quoi : impossible de tout retenir. Il y a trop de chose en même temps : trop de beauté, de fureur, d'inventions, d'étrangeté. Et il faudra bien quelques secondes pour ce remettre de ce choc.
Perry Farell et sa bande sont des enchanteurs. Joué par quatre gars aux cheveux hisurtes, aux jeans trouées et aux torses couverts de sueurs, la musique de Jane's Addiction est surtout celle de gens talentueux, mêlant le psychédélisme avec l'énergie du rock alternatif. Mais si on reste si profondément attachés à ce groupe là, si les chansons de cet EP, nous rappelle autant de souvenirs, si cette frénésie traduit nos goûts de l'époque et notre style, voire une certaine éthique, celle de la génération X, que les plus jeunes ne connaissent pas, c'est aussi grâce à cette fabuleuse capacité à rendre beau et entraînant le plus furieux des déchaînements sonores, le plus compliqué des échafaudages ou le plus tordu des délires.
C'est dans sa plus intacte nature que cette musique prend tout son sens. Lorsqu'elle s'éloigne des fastes et qu'elle se rapproche de la simplicité, elle prend alors une dimension tellement authentique et tellement belle qu'elle ne peut que se rendre irrésistible. En témoigne "I Would For You", la démo face-b, qui émerveille juste par son caractère envoûteur. Quelques petits accords, un écho de clavier mais une intensité comme jamais, avec un Perry Farell qui répète inlassablement les mêmes mots et quelques touches au piano. Peu d'esbroufes dans le jeu mais une grâce comme jamais.
Car Jane's Addiction, en plus d'être un des chantres les plus agités du cocotier de la scène californienne, sera aussi le groupe qui aura livré les plus somptueuses chansons de ces années-là, de véritables rêves éveillés où la magie rencontre quelques esprits timbrés. Qui aurait pu croire que ce dandy aux dreadlocks, se trémoussant sur scène, maquillé comme jamais, et encourageant les gens à se pavaner dans le sexe, était celui-là même qui ferait preuve d'une sensibilité à fleur de peau comme rare on a pu côtoyer ?
Le voyage effectué est si addictif que l'effet de dépendance agit aussitôt : ceux qui l'ont connu ne pourront plus jamais se passer de Jane's Addiction. A vie.


Exceptionnel ! !   19/20
par Vic


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