Bloc Party

Mexico - Mexique West [Auditorio Blackberry] - vendredi 14 décembre 2012

Mexico City, comme disent les étrangers. Ceux dont je ne fais pas totalement partie. L'Auditorio Blackberry, sorte de théâtre à la ricaine dans le quartier très branché de la Condesa, ressemble à peu près à ce que j'avais imaginé : presque autant d'expatriés et d'Européens que de Mexicains dans cette salle intimiste, toute en hauteur. Balcons et gradins en l'air, un peu de bois chaleureux sur les côtés pour la déco, et une fosse comprenant quelques tables cosy immobiles, pour ceux qui auraient éventuellement la nécessité absolue de faire rêver une bouteille de rhum. Le tout pour une capacité de 4000 âmes. Ambiance.
Et on est tout de suite plongé dedans ! Absolument rien à signaler de la première partie assurée par un groupe de hipsters à moustaches locaux, Rey Pila : refrappe d'on-ne-sait pas trop quoi, tentatives désespérées de chauffer le public ; en vain. Les difficultés d'organisation de la soirée commencent à se faire sentir. Le chanteur lâche tout champêtrement "Putain c'est dingue, on nous demande d'en jouer une de plus : ça ne nous était jamais arrivé !". Certains rapportent qu'un mec dans la fosse lui aurait rapidement rétorqué " Ne t'habitue pas trop !" ... Tout va bien.
Bref, toujours pas d'alarme bruyante à l'horizon. La deuxième partie sera clairement celle des ingés son : près d'une heure de retard à poireauter dans la salle, devant les allées et venues incompréhensibles de chacun pour vérifier l'inclinaison du moindre tom selon la position des astres, s'assurer que les différents instruments, et en particulier la basse de Gordon Moakes, aient bien été accordés 12 fois. Spectacle moyen, mais les Mexicains sont des gens très patients, après tout. Au bout de cette attente interminable et inexpliquée, les pauvres roadies avaient rempli leur rôle, meublé une bonne plage horaire et semblaient plus préoccupés qu'autre chose. Et alors que l'on pouvait sérieusement commencer à se demander ce qui clochait, tout changea.


La team de Bloc Party rentra sur scène de manière très simple et plutôt cordiale. Sans pour autant expliquer ce retard inquiétant, se contentant de nous envoyer un "So He Begins to Lie" ultra accrocheur dans les dents, en guise de mot d'excuse. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça a marché. Kele Okereke profite de la fin du morceau pour présenter le groupe rapidement, dans les règles. Toujours sobre mais très élégant, le chanteur du groupe londonien, vêtu d'un espèce de maillot de hockey rouge moulant, communique instantanément son large sourire à son auditoire. Avec "Trojan Horse" qui suit, on découvre un son extrêmement puissant, littéralement craché par le quatuor : l'occasion pour mes oreilles, pas assez expérimentées, de douter de l'utilisation d'une double pédale par Matt Tong, le batteur ultra énergique du combo, qui enchaîne rapidement sur un "Hunting for Witches" survolté. Bloc Party est toujours diablement efficace dans l'art de nous faire bouger, sans que l'on puisse véritablement s'en empêcher. "Positive Tension" fait office de cadeau rétrospectif aux spectateurs, avant de balancer les pièces plus récentes qui ont pour but de défendre Four, le nouvel album : "Kettling" et le tubesque "Real Talk", joué fièrement et tout en douceur. C'est là que l'on devine à peu près le début de "Song for Clay", dont les paroles ont été légèrement modifiées. Et c'est la folie. Une grosse dose d'énergie est déployée, le final de la chanson se confondant avec l'intro du tant attendu "Banquet", servi de la meilleure des façons. Incroyable de voir un groupe alterner ces morceaux incisifs, presque punks, avec des bombes sonores transformant une salle en dancefloor pendant quelques minutes. L'hymne de Silent Alarm est accueilli avec hystérie par un public pourtant peu actif, mais salement enthousiaste. Après la tempête, la suite ne sera qu'un va-et-vient plutôt rapide de titres piochés sur les premier et dernier albums : "Blue Tension", un "Coliseum" ultra agressif et le très bon "Day Four". Kele Okereke et sa clique nous offrent même "One More Chance", allant toujours de son petit commentaire amusé en présentant les chansons. Sans oublier l'inévitable "¡Muchas muchas gracias!" lancé tous les trois morceaux avec ce sourire incroyable. Ses coéquipiers, eux, adoptent une attitude semblable à celle qui leur avait toujours été associée, dans la presse notamment : trop en retrait, voire même carrément effacés, réservés. Après le nouveau single "Octopus", qui vient achever 50 petites minutes de show, le groupe quitte la scène.


Une rapide pause pas forcément méritée, et les membres de Bloc Party reviennent avec un "Signs" modifié et, disons-le, complètement bâclé. Étrange. S'en suivent un peu brièvement "Team A" et "Ares", les deux titres arrivant au moment opportun pour enfoncer le clou. Et c'est alors que Gordon Moakes, débarrassé de sa basse, commence à envoyer un bon beat electro au clavier. Kele Okereke décide d'innover pendant l'intro à peine reconnaissable de "Flux", en entonnant les paroles de "We Found Love" de Rihanna... Les deux morceaux se confondent à merveille en un seul, avant que le titre originel ne soit joué péniblement. Et pendant ce temps, toujours cette impossibilité de ne pas bouger son cul à l'écoute du très gros son déversé par le groupe : dansant et sans artifices.
Les musiciens disparaissent à nouveau pendant un laps de temps avant de mettre l'estocade pour le rappel. Okereke fait un immense plaisir au public en lui offrant "This Modern Love" et le "Helicopter" que réclamait mon voisin en hurlant, depuis un moment déjà : morceau pour achever les esprits, puissant et brillamment exécuté par la troupe. Et c'en est terminé, après une petite heure et demie de set, intensive néanmoins. Le groupe a cessé de déployer cette armada de sons irrésistibles et une énergie considérable ; les quatre saluent l'assemblée, toujours avec cette attitude discrète et polie, pleine de sourires et si plaisante à voir. Le chanteur brandit même un drapeau mexicain avant de sortir : emblème qu'on lui a lancé sur scène, sans doute de contrefaçon car ressemblant plus à l'étendard italien qu'autre chose...


Le moins que l'on puisse dire, c'est que le spectacle a été au rendez-vous. La fougue, la bonne humeur, les moments calmes et doux également. Au final, ce concert montre très clairement que Bloc Party veut retourner à ses racines, et que Four est sans conteste une œuvre bâtie pour la scène. J'en veux pour preuve la quasi-absence (très regrettable, d'ailleurs) de titres issus de A Weekend in the City ; à l'exception faite de "Song for Clay" et "Hunting for Witches", bizarrement les deux titres les plus remuants de l'album... Kele Okereke s'impose quant à lui en véritable frontman de renom. Son aisance sur scène et l'assurance qu'il a acquise font de lui un chanteur diablement charismatique, alternant phases rappées, seul au micro, et urgence punk armé de sa Telecaster. Il y a quelque chose de Tricky en lui, dans la manière de se mouvoir, avec beaucoup de sensualité et de classe. J'ai presque envie de parler d'un hybride scénique absolument inimaginable, quelque part entre Joe Strummer et Prince. Son sourire si communicatif apporte énormément de chaleur sur scène, et heureusement ; sinon, ce serait presque le vide.
En ce qui concerne la prestation du groupe, ce dernier rend une copie tout à fait honorable. Bien que certains morceaux aient été proposés à la va-vite, et que l'on puisse regretter un certain manque de variété dans le choix des titres (très peu de titres electro, par exemple, comme si les membres du groupe n'assumaient plus Intimacy) ; cela montre néanmoins la construction progressive d'un bon petit répertoire qui commence à offrir au groupe de nombreuses possibilités. Reste à savoir si le groupe s'est contenté du strict minimum, ou s'il regorge encore de nombreuses ressources... Quoiqu'il en soit, Bloc Party arrive sans aucun problème à émerveiller, attirer et surprendre. Et c'est encore plus évident, dans une enceinte aussi propice à la communion avec le public. À l'ancienne. Aux quatre Londoniens, désormais, de s'émanciper, et de suivre le chemin ambitieux des icônes post-punk qu'on leur a trop souvent accusés de plagier. Ce soir-là, à Mexico, j'ai eu la preuve dont je n'ai jamais douté, que Bloc Party avait bel et bien une identité, une âme, une singularité qui rappelle les plus grands, au terme de ce show si naturel. Et j'espère qu'un jour, on s'en rendra suffisamment compte.


Très bon   16/20
par Pumpkin Ben


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