Logh

Paris [Café De La Plage] - jeudi 01 février 2007

On retrouve Logh comme on retrouve de vieux amis.
Pas de chichis, pas la peine de se la raconter, Logh est un groupe à taille humaine: il suffit de s'installer au sous-sol du Café de la Plage, après avoir siroté un petit punch, de regarder les pochettes d'album accrochées aux murs de pierres, de saluer les musiciens qui attendent patiemment eux aussi que les balances soient terminées, pour comprendre que le concert sera particulier. A première vue, on dirait une cave aménagée pour faire des répétitions. Et on ne se trompe pas: il faut se baisser pour passer sous les portes, l'éclairage se réduit à deux ou trois spots et des fils courent partout au sol. Autrement dit, le cadre idéal pour un concert chargé en vibrations.
Car ici, aucune raison de se sentir couper de tout: assis en tailleur devant les musiciens, profitant d'une vue imprenable, le contact est encore plus proche. Mais il fallait bien ça pour un set qui sera quasiment acoustique. Réduisant la portée pour mieux condenser l'intensité et la cristalliser, Logh s'accommodera très bien du peu d'espace accordé, et mal distribué. Enfermé dans cette cave, en compagnie d'une trentaine d'amateurs, pour la moitié des amis des jeunes gens en première partie, on a l'impression d'être privilégié.
Ne rayonnant qu'à partir d'une guitare sèche, d'un clavier et de quelques samples, les chansons poétiques du groupe suédois se recroquevillent sur elles-mêmes, pour se lover en une pelote de douceur, qui ne dépasse jamais les quelques mètres d'espaces qu'elle a devant elle et ainsi créer une alchimie de musique de chambre, délicate et lyrique à la fois.
Laissant temporairement de côté les arias sonores, riches en contorsions électriques, Logh privilégie l'intimité et la légèreté. Désirant assurer la promotion de leur nouvel album à venir, trois des musiciens de la bande, ont souhaité propager en Europe un show acoustique, histoire de proposer une version alternative de ce qu'ils avaient l'habitude de produire. Le résultat est époustouflant: réussissant à captiver avec trois fois rien, les Suédois ont pris le risque de se mettre à nus. Livrant ainsi dans une salle voûtée, ridiculement petite mais au combien accueillante, leurs chansons sous un déshabillage des plus incongrus, sans pour autant perdre en majesté. C'est le squelette même des titres qui apparaît alors, les rendant encore plus authentiques. Véritables orfèvres, les musiciens arrivent, tout en retenue et en contenance, à dire bien plus que n'importe qui. Le son sec et rêche, tellement authentique, de la guitare acoustique, confère une touche organique aux chansons, qui du coup, deviennent moins froides. Le jeu de Mattias Friberg est soutenu par les touches au clavier ou les samples, notamment de violons ("Saturday Nighmare", leur single). Une sorte de chaleur se dégage du groupe qui vient réconforter les spectateurs. Un concert donné pour une poignée de personnes laisse toujours l'impression que la musique est finalement quelque chose d'accessible à tous, qu'elle peut même se matérialiser sous forme d'ondes qui feraient rentrer en liaison les musiciens et le public.
C'est dans un état d'esprit particulier, intimiste et confidentiel, qu'on découvre les nouvelles chansons qui composeront le quatrième effort du groupe. Plus simples mais aux arrangements multiples, des titres tel les épurés "The Black Box" ou "A new hope", vont directement droit au coeur. Mattias et sa bande, tronquée de trois personnes, ont volontairement désiré se limiter dans les moyens pour restituer au mieux l'âme de chacune des chansons. Ces chansons, qui malgré le charme des accords à la guitares sèches ou des touches apportés par la Telecaster de Jens Hellgren, savamment distillées pour filer des frissons à chaque fois, restent d'une douloureuse et touchante tristesse. Mattias, se limitant dans ses mouvements, se concentre et, tout en fermant les yeux, récite de sa voix chaude et remplie de trémolo, ses paroles de désespoir perdu et de souvenirs envolés. Karl Advison, lorsqu'il ne distille pas ses notes cristallines au pinao, y va aussi de son chœur, ce qui ajoute au lyrisme poignant des chansons. Pourtant délicates, soignées et enrichies de piano, violons ou claviers, elles demeurent encore et toujours d'une évidente mélancolie, balançant entre tristesse et luminosité. A l'image du sublime "Death to my own town" qui est à faire pleurer.
C'est en les voyant jouer avec tant de modestie, de fragilité et d'ardeur à ne pas se travestir que le charme opère. Même avec un jeu débranché, le groupe ne perd rien de sa puissance. Pour scène, ils n'auront eu qu'un bout de tapis, deux tables pour poser les ordinateurs et les claviers, le tout dans un bordel sympathique de garage d'étudiant, mais ils auront su en faire une caverne à trésor. On retient son souffle tout le long car on sent beaucoup de choses. Assister à un concert de si près, c'est la chance de pouvoir se connecter. Les émotions sont décuplées au cent mille, alors que les moyens mis en œuvre ont été volontairement réduits. Mais cette mise à nue du groupe rend encore les chansons encore plus sensibles. Mattias Friberg chante avec toute son âme, le temps semble s'arrêter, et les titres s'enchaînent avec des moments de grâce totale, pour des versions inoubliables et uniques. On reste comme captivé et pendant un instant, c'est comme si Logh avait créé une bulle autour d'eux qui enfermerait la salle hors du temps. On oublie tout, jusqu'aux rangs derrière soi, il n'y a que nous et le groupe, qui est là, juste à deux pas, tellement près, surtout par leur musique, accessible, décharnée et dégrimée. L'interprétation sobre et avec retenue sublime les compositions, rend criant de vérité ses petits poèmes mélancoliques ("The Invitation" ou "All the tree"), pleins de majesté et d'intensité émotionnelle.
De plus, le groupe restant quasiment confidentiel, le manque de public permet une approche presque fusionnelle avec les acteurs de ce spectacle de grâce modeste et d'éthérisme. Immédiatement après le concert, les musiciens, dont Mattias, resteront chaleureux et prompt à engager la conversation. Comme de vieux amis...
Car la musique de Logh, d'autant plus dans une version semi-acoustique, réussit à dépeindre très justement toutes les nuances et la complexité de la grâce, tout en sachant, voire espérant qu'elle n'existe pas. Malgré les apparats, il s'agit d'une démonstration de sincérité, visant à créer une ambiance particulière, palpable et resserrant encore plus les liens, entre eux et nous.
La musique reste un des meilleurs vecteurs pour décrire une somme d'émotions, que bien souvent on ignore mais qui font pourtant partie de nous. Ce n'est qu'au moment où quelques accords de guitares, quelques slides lâchés par Jens, qui semblent se perdre dans la brume et qui à chaque fois fait jubiler de plaisir, une voix, celle de Mattias qui tombe comme des cristaux de glace, froids et piquants à la fois, des mélodies cristallines qui nous serrent le cœur, ce n'est qu'une fois tout ça que l'on se rend compte de toutes les nuances émotionnelles qui nous habitent. Ces sensations sont encore plus tangibles lorsqu'après avoir présenté son nouvel album sous un angle différent et loin du travail qui a été fait en studio, le groupe se lance dans la réinterprétation de "Smoke will lead you home" et sa longue montée en puissance, avant de conclure par l'aérien et hypnotique "In cold blood" dont les slides de Jens répondent aux accords boisés de Mattias en un dialogue étonnant. On se laisse bercer comme on se découvre bien vivant, et l'on se dit que l'on ne peut pas trouver d'instant plus magique, que celui-là, où pendant quelques minutes, un groupe et son public vont parler le même langage...
Tout cela est bien rare, bien rare...


Intemporel ! ! !   20/20
par Vic


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