Sandy Dillon

Shipwrecked

Shipwrecked

 Label :     Autoproduit 
 Sortie :    février 2013 
 Format :  Double Album / CD   

Le jeu de mot est loin d'être gratuit : Shipwrecked est un album fleuve. Sandy Dillon fait naufrage, et entraîne le monde entier avec elle. Nous qui pensions profiter d'une mer d'huile à la surface, voilà qu'elle nous attrape par la cheville pour nous noyer dans son âme.
Vous rappelez-vous le film Abyss ? Après déjà mille et une mésaventures, Ed Harris est contraint-forcé de se laisser noyer dans une sorte de liquide amniotique pour pouvoir supporter de plus grandes pressions et plonger encore plus profond. Ça lui est très pénible, mais juste un mauvais moment à passer. Et bien que respirer lui demande un effort supplémentaire, il survit. C'est l'expérience que nous fait vivre Sandy Dillon à travers son "underwater blues". Juste un mauvais moment à passer, un très mauvais moment à passer, pour notre plus grand plaisir... Pas de Jackounet pour danser la gigue et encore moins de Rose pour poser à poil, le vaisseau fantôme navigue ici en eaux profondes. Et le voyage paraît interminable : deux disques, Port et Starboard, de pas moins de 29 plages, desquels traînent quelque part un ou deux "ghosts", c'est le cas de le dire. Jamais traversée en compagnie de notre Ophélie du gouffre n'a été si pesante. Une mélancolie maladive semble s'écouler à flux continu sans nous laisser un moment de répit. La galère avance doucement, branlante, les instruments nécessaires à son bon fonctionnement ayant tous été construit pour lui et lui seul. On retrouve ainsi l'esprit artisanal des premières embarcations. Dillon est aux commandes, du haut de son vieil harmonium retapé en guise de barre, à la tête du plus grand équipage qu'elle est pu rameuter. On reconnaîtra parmi eux le labeur de son commandant en second de Living In Dreams, le vieux loup de mer Ray Marjors.
Littéralement engloutis par ce vieux monstre des mers fait de bois et de rouille, on découvre dans son ventre des trésors rongés par le sel marin. Des richesses sonores que la patronne doit avoir collecté lors de ses multiples voyages. Des pépites de blues ("Skin And Blister", "Marblehead Man"), des pièces en metal d'harmonium ou en fer de piano ("Follow Me"...). Des partitions de comtine déchirées ("The Nancy"), des bouts de cœurs brisés ("The Shipwrecked Heart"). Des échantillons de magie à l'état brut ("Vernal Pools") ou des morceaux de grâce qui n'ont pas de prix ("I'm A Tidal Wave", "You'll Come Back"). Dillon toute entière semble contenue dans la cale, remplie à raz-bord. Même les nombreux bocaux de miasmes bruitistes ne nous sont pas épargné ("Fish Soup" parmi tant d'autres)... Elle nous fait flotter ("The Emily Marshall Smiled" et ses cordes), elle nous cogne (le foutraque "We All Fall Down") et nous glace le sang ("Quiqui And The Bathtub Gin"). Au bout du voyage, on est marqué à vie, avec l'impression de ne jamais être revenu vraiment. Nous sommes avec elle les passagers d'un petit bateau coincé dans une bouteille, que le diable ne cesse d'avaler cul-sec pour nous recracher aussitôt. L'alcool se mélange à sa salive et son acide gastrique, et nous entame le cuir comme le sel marin la coque d'un navire.

Il y avait Captain Beefheart, il y a désormais Captain Dillon.


Intemporel ! ! !   20/20
par X_YoB


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