Manic Street Preachers

The Holy Bible

The Holy Bible

 Label :     Epic 
 Sortie :    lundi 29 août 1994 
 Format :  Album / CD   

A ma grande surprise, ce disque essentiel n'a toujours pas été chroniqué sur le site. Il manque même la moitié des albums studios des Manic Street Preachers ! Tâchons de réparer, au moins partiellement, cette erreur. The Holy Bible fait suite aux deux premiers albums studios des MSP. Le premier, Generation Terrorists avait été un succès commercial, ainsi qu'un succès critique. Le groupe avait alors livré un album extrêmement long et très hétérogène. Une collection de chansons dont la majorité était de très bonne facture. Le second album du groupe, Gold Against Soul, révèle un groupe déjà essoufflé. Bien moins long, l'album ressemble encore une fois à un patchwork.
Cette période est plutôt mal vécue par les membres du groupe, notamment Richey James Edwards, auteur principal du groupe à l'époque. Alcool, sexe, drogues ... mais aussi anorexie et mutilation ! Edwards vit le cauchemar rock parfait. Malgré le soutien de ses amis d'enfance et co-membres du groupe, Edwards lache prise. Comment faire dès lors pour essayer de sortir de cette tourmente, de ce mal de vivre qui lui colle à la peau? La provocation des albums précédents n'a pas suffit. Il faut aller plus loin. Plus loin que simplement s'entailler le bras devant les caméras. C'est une catharsis monstrueuse et violente qu'il faut à Edwards et cela passera par la musique.

Le groupe s'enferme donc en studio avec pour objectif de composer un album bien plus cohérent que le précédent. Bradfield, le leader, se refuse aux excès de rock star et compose l'intégralité des musiques, tandis que Edwards, épaulé par Wire, bassiste du groupe, oeuvre sur les paroles. L'ambiance est très sérieuse, presque académique. Les MSP sont décidés à produire un album d'une cohérence parfaite. Mais le classicisme ne sera pas de mise à la sortie.
L'album est un tout parfaitement cohérent. Mais quel choc ! C'est une cohérence dans l'horreur, la démence, la souffrance qui nous est offerte. Le côté glam du groupe est totalement mis de côté pour nous offrir une pure décharge de cold-punk (terme inventé à l'instant, on se prend pour les Inrocks ...). Pour faire simple, l'ambiance est lourde, pesante, et les rythmes sont très rapides. Les mélodies sont beaucoup moins évidentes que sur les efforts précédents du groupe. Et c'est en cela que cet album est exceptionnel : son hermétisme autiste nous fait plonger dans le psychisme torturé d'Edwards. Pas tout le monde n'en a envie, certes. Mais le voyage vaut son pesant de cacahuètes. Il est même certain que vous y reviendrez plus d'une fois. C'est de toute façon le prix à payer pour s'approprier l'album.

Pure descente dans l'enfer du monde, ce disque ne vous laissera pas indemne pour peu que vous compreniez un anglais simple. Les paroles sont une composante essentielle de cet album. Edwards, et dans une moindre mesure Wire, livrent des paroles immondes, répugnantes, qui parlent de putes, d'anorexie, de dégout de soi et de dégout des autres. Les paroles sont sans concession pour la société des années 90. Il est presque étonnant de voir que l'album a atteint la 6ème place des charts au Royaume-Uni avec des mots aussi violents que ceux de "Of Walking Abortion".
Les mots d'Edwards sont souvent tortueux et foisonnant, particulièrement dans les charges contre la société. "Yes", "IfWhiteAmericaToldTheTruth ..." et "Archives of Pain" sont des attaques très violentes envers la société. La dernière citée énumère par ailleurs les noms de plusieurs leaders d'extrême-droite dans une construction effrayante. La basse sourde et rampante de Wire vient épauler un morceau assez effroyable. "Revol" plus rythmé et moins effrayant donne aussi dans le name-dropping dégoutant, listant les faiblesses sexuelles des présidents de l'URSS.

C'est peut-être une des rares fois où derrière les envolées punks vous retrouverez une telle mélancolie. C'est un véritable mal du siècle que connait Edwards et les paroles de "4st7lbs", voyeuristes au possible et de "Mausoleum" sont littéralement à vomir. Leur qualité est telle que c'est le seul sentiment qu'un être humain normalement constitué peut avoir.
Cette tension est d'autant plus palpable dans les morceaux plus retenus, "She Is Suffering" étant probablement un renvoi de la personnalité de Edwards dans une personnalité féminine, qui souffre. Il souffre à cause de ses maux personnels mais aussi à cause de la désillusion politique qui l'envahit, comme le prouve les paroles désabusées du morceau final "P.C.P". Cette corruption du monde, les MSP se l'approprient.

Comme le montre l'artwork dégoutant et les photos de l'intérieur de la pochette, la haine du monde et la haine de soi se mêlent dans une musique sans concession et bouleversante. Un cri de haine, mais surtout de désespoir à un monde qui ne comprend personne et que personne ne comprend.

"I am Purity, they call me perverted." ("Faster")

Ce sera très difficile de s'en remettre, mais cela vaut le coup ...


Intemporel ! ! !   20/20
par Bona


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