Smashing Orange
1991 |
Label :
Elephant Stone |
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Le manque de popularité du mouvement shoegazing au début des années 90 est à la base, aujourd'hui, de grandes lacunes et d'un manque de connaissances en la matière, qui ont eu tôt fait de plonger ce style dans l'oubli et parallèlement de lui confier le statut de culte.
Les groupes de cette scène, préoccupés à fournir le plus gros son possible de la manière la moins affectée qu'il soit, collaient ensemble un jeu saturé et bruyant avec des mélodies imparables et/ou des voix douces et célestes. En concert, les musiciens, statiques et les yeux aux sol (d'où le nom), se préoccupaient peu de divertir le public, qui leur tourna vite le dos à son tour. Il n'y eût bientôt que des spectateurs composés des membres de cette fratrie, venu voir la prestation de leurs amis. De plus, la presse fut vite agacée par tant d'autisme. Face à cette impasse, le courant s'épuisa.
Pourtant, cette façon narquoise d'associer les saturations les plus effroyables aux harpèges les plus entrainants fournit un élan incomparable à la fougue et à la créativité de nombreuses formations de l'époque, éprises d'une envie folle de pouvoir enfin rendre illisible et furieuse leur mal-être mélancolique rose bonbon.
A l'heure actuelle, on associe ce mouvement éphémère à quelques groupes, tous anglais, dont Ride et My Bloody Valentine ne sont retenus que par les incultes. Car c'est occulter la base de l'iceberg. Certes aucun n'a eu véritablement de succès mais c'est passer sous silence un nombre pléthorique de groupes talentueux qui s'animèrent au sein de ce mouvement, parfois le temps d'un seul album. Et certaines de ces formations étaient issus, non pas d'Angleterre, mais des Etats-Unis.
Des groupes comme Drop Nineteens, Springhouse, The Veldt, Medecine, Starflyer 59, Majesty Crush ou The Swirlies... (la liste est longue) étaient fascinés par ce sens de la déstructuration pop typiquement british et se lançaient, émerveillés, dans les expérimentations les plus folles, aboutissant aux plus fantastiques remimissences de grâce et d'électricité lunaire.
Parmis les pionniers de cette armada américaine, on se doit de citer comme référence les Smashing Orange, qui en quelques EP's, sortis en 90 et 91, avaient déjà tout dit: un goût certains pour le bruit, la sauvagerie sonique et un talent inouï à composer de grandes chansons enivrantes, efficasses et hypnotiques. C'est le label Elephant Stone (spécialisé dans les formations noisy comme Delta ou The Volta Sound) qui répare les injustices et ressort de l'ombre ce groupe génial en publiant un receuil des singles parus aux débuts du groupe et qui concordent typiquement à la veine shoegazing. Après on virera peu à peu vers le grunge et le psyché, avec l'album No Return In The End, produit par Jack Endino en 94. Mais cette compilation ne s'attache qu'au moment où le groupe avait attiré l'attention des illustres groupes anglais comme Ride ou Revolver (d'ailleurs la formation a vite fait des tournées en Angleterre, notament avec le groupe d'Ispwitch, les sublimissimes Bleach) ainsi que celle des magazines rock.
Et à l'écoute des chansons magiques qui composent ce recueil, on comprend pourquoi. Le ton est nerveux, le batteur rivalise de puissance et de rapidité, les guitares sont déchaînées et les larsens, effets fuzz et pédales steel abondent dans cette surenchère sonore. Il semble qu'une énergie incroyable soit déployée sans limite. Il est rare aujourd'hui d'entendre un groupe jouer aussi bruyament. Et avec autant de talent !
Car les mélodies sont là, de vrais bulles de bonheur, des miracles de fraîcheur: les refrains sont prenants et les harmonies évidentes. Par dessus tout ce vacarme, les voix n'essayent même pas de concourir ou de se surélever: elles restent détachées, étonnament légères et c'est cela qui fait le charme de ce type de musique insurpassable et inimitable. Les musiciens ne semblent même pas se rendre compte de leur fureur passionnée qu'ils libèrent autour d'eux. Ils feignent l'indifférence alors que des tempêtes habitent leurs coeurs. Ils subjuguent leur colère jusqu'au rang de vertu. C'est cet équilibre toujours fragile, malgré la vindicité de la revendication, qui confère à cette musique unique une grâce agressive de toute beauté.
Ce qui met le shoegazing définitivement à part, c'est son ambivalence sans cesse redéfinie: une violence magnifiée et une magnifiscence brutalisée.
Les groupes de cette scène, préoccupés à fournir le plus gros son possible de la manière la moins affectée qu'il soit, collaient ensemble un jeu saturé et bruyant avec des mélodies imparables et/ou des voix douces et célestes. En concert, les musiciens, statiques et les yeux aux sol (d'où le nom), se préoccupaient peu de divertir le public, qui leur tourna vite le dos à son tour. Il n'y eût bientôt que des spectateurs composés des membres de cette fratrie, venu voir la prestation de leurs amis. De plus, la presse fut vite agacée par tant d'autisme. Face à cette impasse, le courant s'épuisa.
Pourtant, cette façon narquoise d'associer les saturations les plus effroyables aux harpèges les plus entrainants fournit un élan incomparable à la fougue et à la créativité de nombreuses formations de l'époque, éprises d'une envie folle de pouvoir enfin rendre illisible et furieuse leur mal-être mélancolique rose bonbon.
A l'heure actuelle, on associe ce mouvement éphémère à quelques groupes, tous anglais, dont Ride et My Bloody Valentine ne sont retenus que par les incultes. Car c'est occulter la base de l'iceberg. Certes aucun n'a eu véritablement de succès mais c'est passer sous silence un nombre pléthorique de groupes talentueux qui s'animèrent au sein de ce mouvement, parfois le temps d'un seul album. Et certaines de ces formations étaient issus, non pas d'Angleterre, mais des Etats-Unis.
Des groupes comme Drop Nineteens, Springhouse, The Veldt, Medecine, Starflyer 59, Majesty Crush ou The Swirlies... (la liste est longue) étaient fascinés par ce sens de la déstructuration pop typiquement british et se lançaient, émerveillés, dans les expérimentations les plus folles, aboutissant aux plus fantastiques remimissences de grâce et d'électricité lunaire.
Parmis les pionniers de cette armada américaine, on se doit de citer comme référence les Smashing Orange, qui en quelques EP's, sortis en 90 et 91, avaient déjà tout dit: un goût certains pour le bruit, la sauvagerie sonique et un talent inouï à composer de grandes chansons enivrantes, efficasses et hypnotiques. C'est le label Elephant Stone (spécialisé dans les formations noisy comme Delta ou The Volta Sound) qui répare les injustices et ressort de l'ombre ce groupe génial en publiant un receuil des singles parus aux débuts du groupe et qui concordent typiquement à la veine shoegazing. Après on virera peu à peu vers le grunge et le psyché, avec l'album No Return In The End, produit par Jack Endino en 94. Mais cette compilation ne s'attache qu'au moment où le groupe avait attiré l'attention des illustres groupes anglais comme Ride ou Revolver (d'ailleurs la formation a vite fait des tournées en Angleterre, notament avec le groupe d'Ispwitch, les sublimissimes Bleach) ainsi que celle des magazines rock.
Et à l'écoute des chansons magiques qui composent ce recueil, on comprend pourquoi. Le ton est nerveux, le batteur rivalise de puissance et de rapidité, les guitares sont déchaînées et les larsens, effets fuzz et pédales steel abondent dans cette surenchère sonore. Il semble qu'une énergie incroyable soit déployée sans limite. Il est rare aujourd'hui d'entendre un groupe jouer aussi bruyament. Et avec autant de talent !
Car les mélodies sont là, de vrais bulles de bonheur, des miracles de fraîcheur: les refrains sont prenants et les harmonies évidentes. Par dessus tout ce vacarme, les voix n'essayent même pas de concourir ou de se surélever: elles restent détachées, étonnament légères et c'est cela qui fait le charme de ce type de musique insurpassable et inimitable. Les musiciens ne semblent même pas se rendre compte de leur fureur passionnée qu'ils libèrent autour d'eux. Ils feignent l'indifférence alors que des tempêtes habitent leurs coeurs. Ils subjuguent leur colère jusqu'au rang de vertu. C'est cet équilibre toujours fragile, malgré la vindicité de la revendication, qui confère à cette musique unique une grâce agressive de toute beauté.
Ce qui met le shoegazing définitivement à part, c'est son ambivalence sans cesse redéfinie: une violence magnifiée et une magnifiscence brutalisée.
Bon 15/20 | par Vic |
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