Molasses

A Slow Messe

A Slow Messe

 Label :     Fancy 
 Sortie :    mardi 22 avril 2003 
 Format :  Double Album / CD   

Un diptyque obscur en forme de recueil, d'exposition glaciale d'états dépressifs. Sur la pochette imposante, une photo en noir et blanc d'une église de Montréal donne le ton: sobre et gothique. A l'intérieur une oeuvre foisonnante et introspective, miracle de spleen à la fois opaque et attachant. Rien de plus touchant et de plus bouleversant que cette sensation d'évasion et d'abandon que procure ce double album sublimement triste.
Ces morceaux lents, traînant, paresseux, multi-symphoniques mais malgré tout intimistes, savent imposer un silence introspectif, vécu comme un décollage onirique magnifique. C'est froid, désenchanté et beau à pleurer.
Le dépouillement extrême de ces chansons, balançant entre le folk et la musique de chambre, atteignent des degrés d'intensité imposantes au fur et à mesure que les musiciens s'ajoutent. Une floppée d'invitées dont certains membres de Gospeed, Chris Brokaw de Codeine ou Thalia Zedek de Come, se livrent à des déflagrations collectives et quasi-improvisées, apportant la touche de sauvagerie necessaire aux étalages impudiques de désespoir incurable. Un vent d'abattement et d'obscurantisme souffle sur les titres cadrés et serrés de Scott Chernoff, maître d'orchestre de cette symphonie, dont la voix incroyablement touchante donne la chair de poule. Les compositions sont toujours tendues, soit par leur finesse, soit par les arangement aventureux. Elles révêlent Scott Chernoff comme un dépressif sublime et un songwriter majestueux. Les enregistrements et autres collages pris sur le vif qui entrecoupent le disque concourent à dépeindre une atmosphère inquiétante et sombre, entre orage maléfique et bruits incongrus. Le ton de l'album est de l'ordre du viscéral, une sorte de veillée funéraire ou de scéance de spiritisme.
On a l'impression que la mélancolie, le sentiment humain le plus complexe et le plus imprévisible sans doute, est exposée ici dans toute sa nudité, sans fard, ni artifice. Cette musique étrange envahit notre coeur d'un voluptueux spleen comme le ferait un après-midi pluvieux ou la vue d'une forêt en pleine nuit sous la lune. C'est presque une peinture. D'ailleurs les photos qui illustrent les pochettes (admirablement soignées), toutes en noir et blanc, soulignent très bien cette mélancolie. On se sent bien peu de choses. On lève les yeux au ciel mais les étoiles sont bien loin. Qu'est-ce qui peut changer grâce à nous ? On disparaîtra sans que ça modifie quoi que ce soit. On est que des grains de poussières. Cet abattement est vif et surgit au premier plan. On le ressent comme s'il venait pour la première fois. On y prête enfin attention, on l'écoute, on le (re)découvre. C'est une émotion tout aussi intéressante: on devient humble mais on sait qu'on n'est pas aussi froid qu'une pierre.
Et la musique de Molasses, aussi profondément noire qu'elle puisse paraître, nous réchauffe, nous illumine et nous fait briller les yeux d'un feu sacré. Un désir ardent et essentiel d'évasion et de rêves. Une sorte de quête désespérée de l'état de grâce...


Très bon   16/20
par Vic


Proposez votre chronique !







Recherche avancée
En ligne
741 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Parmis ces biopics musicaux, lequel préferez vous ?