Car Seat Headrest

Twin Fantasy (Face To Face)

Twin Fantasy (Face To Face)

 Label :     Matador 
 Sortie :    vendredi 16 février 2018 
 Format :  Album / CD  Vinyle  K7 Audio   

Il faut s'appeler Will Toledo (oui, je sais, c'est pas tout à fait son vrai nom) pour avoir la curieuse idée de réenregistrer un de ses albums seulement six ans après sa sortie. Mais ce monsieur ne fait rien comme les autres : l'album en question avait été enregistré chez lui, tout seul, ou plus exactement bricolé à l'arrache en mode Daniel Johnston. Or, s'il est un compositeur-mélodiste-arrangeur hors pair, Will est loin d'être un multi-instrumentiste d'exception. Ça ne l'a pas empêché de trouver son public en balançant ce genre de productions sur Bandcamp. Au point que quand il est parti à Seattle et a trouvé une section rythmique et un lead-guitariste dignes de ce nom, Matador ne s'est pas fait prier pour signer fissa ce qui était devenu un quatuor. Et de le laisser réenregistrer les meilleurs morceaux de trois de ses albums autoproduits.

Alors je vous vois venir : c'est une grosse feignasse le gars ? Maintenant qu'il a touché le gros lot, il se contente de recycler ses vieux trucs ? Sauf que ses "vieux trucs" représentent onze albums et plus de dix heures d'écoute. Et que le gars a également composé et enregistré avec ses potes de Seattle un double LP de plus d'une heure entre deux de ses premières tournées mondiales.
Dans sa version d'origine, Twin Fantasy dure déjà une heure, et le groupe a poussé le vice jusqu'à ajouter dix minutes supplémentaires, concentrées sur les trois derniers morceaux. Le morceau de bravoure "Famous Prophets (Stars)" passe ainsi de dix à seize minutes. Car c'est une autre caractéristique de Car Seat Headrest qui agace souvent les newbies, et qui fait que ce groupe ne sortira probablement jamais de la sphère indie : cette propension à cribler ses albums de fresques à rallonge, comme autant de mini-opéras rock. Je suis d'ailleurs loin d'avoir saisi toute la richesse de ses patchworks, découvrant encore des clins d'oeil après une dizaine d'écoutes.

Mais revenons à nos jumeaux. J'étais le premier déçu en apprenant que le nouvel album du groupe était un recyclage, et d'un album qui n'est pas forcément mon préféré de cette période ; ma première écoute n'a donc pas été des plus bienveillantes. Et il a fallu une nouvelle date du groupe à Paris pour que je me penche plus sérieusement dessus. Cette première écoute m'avait donné l'impression d'un manque de fantaisie (haha). Hé oui, il m'a fallu un peu de temps pour dépasser mon snobisme indie et réhabituer mon oreille à une production correcte. Car si la star des tables de mixage Steve Fisk a rétrocédé les manettes à Will lui-même après leur collaboration fructueuse mais éphémère sur Teens of Denial, ce dernier a bien progressé dans ce domaine, et bénéficie surtout de conditions d'enregistrement décentes. En fait, la différence entre ces deux albums se résume à celle entre une maquette maison très aboutie, amenée par un compositeur à ses musiciens, et la version finale : un son plus net et plus percutant et moins d'approximations dans l'interprétation. Sauf que dans le cas présent, l'auteur a fait fuiter sa maquette sur la toile plusieurs années avant de rencontrer ses musiciens.

Au final, si l'étrangeté lo-fi de la maquette a disparu, la richesse des compositions se révèle au fil des écoutes, et je découvre un album plus profond que ce que j'avais entrevu de la première version. Car Will Toledo est aussi un chroniqueur exceptionnel de l'adolescence (attardée), glissant entre deux morceaux poisseux à guitares saturées une comptine folk répétitive d'une minute vingt au ton tellement parental : "Stop Smoking, we love you, and we don't want you to die". Les influences musicales sont toujours aussi variées, du folk-rock californien au post-punk en passant par Radiohead et les Who (qui ne renieraient pas ses mini-opéras rock, ni même certains de ses choeurs). Son sens de l'auto-dérision nuance la misanthropie de ses textes, dont il ne faut pas oublier qu'il avait moins de vingt ans quand il les a enregistrés pour la première fois.
Tout sauf un album immédiat, ce Twin Fantasy 2.0 a finalement plus rassasié mon envie de nouveauté que je ne l'aurais imaginé au départ. Et si Will décidait d'appliquer le même traitement à ses autres diamants bruts, je ne lui en voudrais même pas.


Excellent !   18/20
par Myfriendgoo


 Moyenne 18.50/20 

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Posté le 17 décembre 2019 à 00 h 53

Car Seat Headrest (ou CSH pour les intimes) c'est au départ un projet d'un ado américain, William Barnes (aka Will Toledo) qui raconte en chanson sa vie d'étudiant entre ses problèmes mentaux et ses soirées où se côtoient alcool, cigarettes et drogues...
En 2011 il sortait en indépendant enregistré tout seul dans sa chambre Twin Fantasy (Mirror To Mirror) un album de rock lo-fi qui va lui apporter un public plus large. En 2018, Will ressort cet album mais cette fois avec l'aide de Matador Records chez qui il a signé en 2015 et enregistré dans un studio.

J'ai découvert Car Seat Headrest avec leur album précédent Teens Of Denial paru en 2016 que j'avais trouvé plutôt bon dans l'ensemble, mais, je n'avais pas vraiment réussi à rentrer complètement dedans, alors à la sortie de ce Twin Fantasy dont j'avais eu le temps d'écouter la version originale entre temps (et qui ne m'avait guère impressionné plus que cela), je m'attendais à un album "sympa sans plus" et c'est ce que je vais ressentir à la première écoute. Cependant en y revenant récemment mon avis a quelque peu changé (ceci est un euphémisme).

L'album s'ouvre avec la plaisante "My Boy (Twin Fantasy)" une chanson simple au charme immédiat tout en crescendo, l'instrumentation se faisant de plus en plus complète au fur et a mesure que la chanson avance, s'ouvrant avec une batterie seule et terminant avec le groupe entier, de multiples voix et la disto à 11. S'en suit l'épique "Beach Life-In-Death" un véritable bijou, que ce soit en terme de paroles (qui retransmettent parfaitement le mal-être et la difficulté de la relation décrite) ou pour ses diverses mélodies mémorables et surtout par sa production ; le son de cet album semblant ne pas être parfaitement contrôlé (sans doute dans l'optique de retransmettre le même sentiment que les paroles) et pourtant on ressent bien que la production est d'excellente facture. Vient à la suite de cette déferlante de guitares électriques la courte et acoustique "Stop Smoking (We Love You)" qui est ressentie presque comme une trêve, une parenthèse pleine de bon sentiment dans un album dépressif.

À partir de ce point, l'album enchaîne "claque sur claque", que de très bon titres ; tout d'abord la folk "Sober to Death" qui décrit plus en profondeur cette relation dont parle l'album, puis la plus pop "Nervous Young Inhumans" qui se clôture par un monologue de Toledo sur fond d ‘une instru plus planante portée par une ligne de basse magnifique (ai-je déjà parlé de mon amour pour le son de la basse sur cet album, non ? Bah sachez que sur tout l'album la basse est irréprochable), "Cute Thing" est très entraînante également, mais ma favorite est la musique qui la précède "Bodys" c'est tout Car Seat Headrest en 7 minutes, un riff qui reste en tête des jours après la première écoute des paroles dans un style parlé (dans leur écriture pas dans l'interprétation) qui parlent de dépression, de la difficulté de construire des relations, de se murger...un refrain entraînant, bref un sans faute.

La musique qui vient à la suite de "Cute Thing" est "High to Death", qui se ressent comme une fin de soirée un peu trop arrosée "I fell over, I fell onto the ground, I wish I was sober, I can't get off of the ground" et qui reprend la mélodie de "Stop Smoking (We Love You)" en en pervertissant les paroles "Keep smoking, I love you" et se termine par un monologue de celle qu'on devine être Ana Ng, la personne à qui parle Will durant l'album, puisque son monologue parle d'une série de peintures et qu'on apprend dans la chanson qui suit "Famous Prophets (Stars)" que son interlocutrice peint. "Famous Prophets (Stars)" parlons en, avant dernier titre et le plus long de l'album, culminant à 16 minutes 10 secondes, soit 5 minutes et 50 secondes de plus que la version originale "Famous Prophets (Minds)", c'est là encore un excellent titre, qui malgré sa longueur n'est pas lassant pour un sous, nous pouvons noter la reprise d'une mélodie de Beach Life-In-Death "The ocean washed over your grave, the ocean washed open your grave" et la longue outro piano/voix suivie de la lecture d'un passage de la Bible. Enfin, "Twin Fantasy (Those Boys)" conclut l'album grâce la mélodie entêtante et planante de "Sunburned Shirts" (chanson initialement présente sur l'album My Back Is Killing Me Baby puis reprise sur Teens Of Style) qui conclut l'album en douceur.

En conclusion, cet album est pour moi le meilleur de Car Seat Headrest à ce jour et même l'un de mes préférés de la décennie, c'est un album qui demande plusieurs écoutes pour être apprécié à sa juste valeur mais qui en vaut définitivement le coup que ce soit pour la qualité de la production, des compositions ou des paroles. (bon par contre Will (exepté si c'est un remake de Monomania) on espère que le prochain album studio soit original quand même (stp)).
Exceptionnel ! !   19/20







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