Graceful

No One Hears Us

No One Hears Us

 Label :     Autoproduit 
 Sortie :    vendredi 01 septembre 2017 
 Format :  Album / CD  Numérique   

Que Graceful me pardonne car je n'ai qu'une seule chose agréable à écrire : les toutes premières mesures, chant compris, de "Help" m'ont fait penser à du Mordred. Éclair fugace puis douche froide sur mon "earection".
Pour le reste, étrange effet procuré par l'écoute du premier album des Français : No One Hears Us. Je me suis senti vieux, je me suis interrogé sur le pourquoi de mes goûts de jeunesse, demandé ce que j'écouterais si j'avais aujourd'hui dix-sept ans et si je considèrerais ce genre de formation comme une forme de panacée musicale. J'espère intérieurement que non, sans pouvoir être pourtant catégorique.
Les trucs que j'écoutais dans les années 80 – 90, pour certains, je les trouve encore géniaux aujourd'hui et énumérer les albums qui me suivent depuis plus de 20 ans serait une perte de temps (pour vous surtout) mais, avec un produit aussi marqué par la contemporanéité que cet album, je fous direct un membre déçu à couper que, dans cinq ans maximum, cela sonnera déjà dépassé. Pour beaucoup, la modernité a cela de dramatique qu'elle vieillit vite et mal.
Parce que même si marier des influences telles que The Faint pour le côté Electro-Rock ("Buzz" notamment qui pourrait provenir de Doom Abuse) ou Shaka Ponk (j'ouvre le sac à vomi où l'on attend encore un peu ?) avec un chant en anglais dispensable (je ne reviens pas une énième fois sur ce qu'implique l'écriture en français), cela pourrait être un style festif et énergique, sans rien de durable hélas. Et il y a cinquante minutes à tenir.
Je me sens vieux et las, complètement hermétique à cette jeunesse qui joue du Rock avec la dégaine cool des mecs habitués au salon de mode et de coiffeur – visagiste, proprement, du prêt à porter pour un bal des débutantes (pas "dirty" les débutantes, on se calme derrière) et où même les quelques hurlements de rébellion sont lissés, glissent dans le vide, sans substance. Idem lorsque les grosses guitares sont de sortie (le bien nommé "Sweet Revolt" et ses chœurs de mioches, des mioches bordel ! ou "Cage Me", sans doute le meilleur titre), cela sonne comme Hubert et Jean-François faisant un apéro dînatoire dans un quartier chic et branché avec leur copain nerd qui a ramené la carte son d'un vieil Amiga 500 fraîchement chiné.
Comme le panel d'influences de Graceful va plus loin qu'une version Electro-Rock des BB Brunes, le morceau titre se voudrait ambiant. J'y entends juste la bande-son de moi-même en train de couper des navets ou de peler une carotte, un dimanche d'hiver, en pantoufle, écoutant France Bleu. Putain... mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'est la génération Saez ? Jeune et con ? Même pas, parce que si Graceful était composé de demeurés, bah le truc il claquerait salement. Les parties jouées aux machines te déglingueraient la bedaine, les envolées Rock Stoner seraient transpirantes et grasses. Mais non, tout ça est gommé par l'effet d'un déodorant 72h et d'un récurage en règle au savon de Marseille. Je continue ? Je pourrais, pendant des heures, des pages et des pages, juste à causer dans le vague de la vacuité.
Histoire de rendre le tout un peu bancal, les mecs finissent par la trilogie des "Those Bastards" (on frise l'explicit lyric là), avec des gros riffs dedans qui envoient du lourdingue. Ils chercheraient le pogo et la chicane que je ne serais qu'à moitié surpris. Ils me semblent juste incohérents avec les sept premiers morceaux, ni meilleurs ni pires, juste pas à leur place...
Pour faire mon autocritique, je sais que c'est facile de balancer des vannes depuis mon pouf, je sais que c'est du travail pour arriver à faire sonner aussi bien tous les instruments, je sais que le mixage c'est la prise de tête assurée, je sais que ça demande du temps de composer, je sais tout ça. Mais ce n'est pas parce qu'une personne a passé des heures à peaufiner son ouvrage et qu'elle la joue avec tout son cœur que ça en fait un chef d'œuvre, ni même qu'il faut se sentir obligé d'en dire du bien. Je fais bien la différence entre l'effort fourni, la sincérité de l'auteur, et le jugement que l'on est en droit d'avoir sur le rendu. Par exemple, si demain je me mets à la peinture, même avec la meilleure volonté du monde, je ferai une croûte et je n'irai pas clamer que Seul Dieu Peut Me Juger.
Je ne remets donc pas en question l'intensité des passions qui animent No One Hears Us, je constate juste froidement le résultat, sans animosité aucune, voire même avec une certaine empathie, et ce constat est froid parce que la musique est froide, trop en quête de perfection. Quoi qu'il en soit, je laisse tomber, l'écart générationnel est trop grand, je n'ai pas la capacité d'analyse d'un sociologue pour expliquer comment on en est arrivé là, tout en étant persuadé que Graceful est capable d'aller loin, ce que je leur souhaite évidemment.


Correct   12/20
par Arno Vice


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