Gary Numan

Splinter (Songs From A Broken Mind)

Splinter (Songs From A Broken Mind)

 Label :     Mortal / Cooking Vinyl 
 Sortie :    mercredi 09 octobre 2013 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

Continuons ici de remonter la discographie de Gary Numan. Mon collègue ayant chroniqué le successeur de l'album dont il va être ici question, j'avoue ne pas connaître sur le bout des doigts la carrière de l'artiste. Disons le tout net : je ne maîtrise véritablement (et c'est sans doute le cas d'une majorité) que son album culte The Pleasure Principle et quelques singles.

Et je dois bien avouer, malgré le fait d'apprécier The Pleasure Principle, que j'avais bien vite catalogué Gary Numan dans une sorte de catégorie un peu ridicule de genre "Gothique de Prisunic ascendant Moumoute Asperger pour indécrottables fans des années 80 " sur ses travaux ultérieurs. Or, qu'avais-je réellement écouté ? Rien, pour ainsi dire. J'avais jugé un livre à sa couverture, m'étais renfermé dans des à-priori stériles.
Et puis, récemment, suite à l'intervention de divers camarades, plus éclairés et mesurés que moi dans leurs appréciations, et toujours prompts à être curieux alors que je reste aveuglé par mes ornières, je me suis plongé dans l'écoute de Splinter (Songs From A Broken Mind). Bien m'en a pris.

Autant l'annoncer tout de suite : il n'y a rien de furieusement original. Mais ce n'est pas bien grave : chacun trouve ses moments pour se lancer à l'aventure ou pour choisir la musique qui conviendra le mieux à son état d'esprit du moment. Et pour tout fan de musique à synthés tendance Indus qui ne veut pas trop se prendre la tête sans sombrer dans le putassier ou la facilité, c'est l'idéal.

Trent Reznor est un grand fan de Gary Numan. Cependant, l'élève a un jour dépassé le maître, si bien que celui-ci a eu une sorte de révélation et a su trouver les moyens de se réinventer. Ainsi, Numan nous balance régulièrement des albums inscrits dans cet univers musical, avec un indéniable savoir-faire.
Car, oui, si cet univers n'est pas inédit, Gary Numan prouve malgré tout qu'il peut se réapproprier n'importe quoi et le transformer à son image (l'ayant déjà fait par exemple avec Bowie et Kraftwerk au tournant des années 70 -80). Admettons donc que notre joueur de synthé n'invente pour ainsi dire pas grand-chose, son atout principal est autre et n'en est pas moins honorable : il sait créer des mélodies, accrocheuses, travaillées et identifiables. Pour ne rien gâcher, il maîtrise également la mise en espace sonore, ces fameuses mélodies sont donc toujours arrangées avec l'accompagnement musical, le son naturel ou artificiel qu'il faut au bon moment. Bref, il sait quand et comment faire mouche. Finalement, qui en est réellement capable ? La liste ne serait pas si longue...

De plus, le bonhomme, ayant connu une réelle traversée du désert et bénéficiant d'une audience plus resserrée que celles de ses cadets (disons un spectre musical allant de Depeche Mode à Nine Inch Nails pour la faire courte), a paradoxalement trouvé plus de liberté, s'autorisant à faire ce qui lui chante dans sa zone de confidentialité, tandis que les autres mastodontes ont plus ou moins les pieds et poings liés.

Gary Numan est donc un type sachant s'emparer des recettes des autres et faire la sienne avec le dosage nec plus ultra qui s'impose, avec de surcroît l'évidence Pop qui s'impose. Prenons pour exemple "Here In The Black" : triturages indus, sons machiniques déjà entendus (de N.I.N. à Vast), orchestrations filmiques de type Blockbusters récents, murmures à la Marilyn Manson : rien de neuf, mais passé au Shaker Numan, on a un titre aux lignes épaisses mais jouissif. Le taf qualité filtre est fait, ce n'est pas la peine d'en rajouter.
Au niveau de la voix, on a parfois l'impression d'entendre un Billy Corgan avec un feeling et une articulation différente. Acceptons également un temps d'accoutumance pour se dire que la voix de Numan a évolué en 35 ans et que c'est bien la sienne, et non plus celle d'un gamin fasciné par les androïdes et les amis électriques.

Niveau efficacité, on retiendra également le single "Love Hurt Bleed" : d'accord, il aurait pu sortir en pleine vague Cyber Rock en 1998 ou 1999, n'aurait pas démérité sur la B.O. du premier Matrix, et renvoie l'image de tenues en Skaï moulantes (pas si mauvaise comme époque au final...). Sauf que Numan y ajoute des mélodies arabisantes torturées, retravaillées, passées au filtre de l'Indus qui fonctionnent totalement dans l'atmosphère du morceau et du disque. Gary Numan serait-il le lien manquant entre Faudel et Ministry ? Plus sérieusement, cet aspect musical orientalisant présent un peu partout dans l'album permet de donner d'autres configurations à un univers que beaucoup trouveront trop codé.
Même lorsque l'on prend en compte le simple travail des mélodies et de l'accroche, le plus dénudé (voix, piano, effets, point) "Lost" se retient d'une traite et atteste du naturel que Gary Anthony James Webb (de son vrai nom) possède pour écrire des chansons.

Du reste, Splinter (Songs Of A Broken Mind) fonctionne totalement en tant qu'album : l'architecture de l'ensemble, la dynamique et l'alternance présentes fait que le fan du genre ne s'y ennuiera pas : de l'intro progressive en puissance de "I Am Dust", en passant par l'efficace "Everything Comes Down To This" et la désolation menaçante de "Splinter", jusqu'au final menant à la terre promise de "My Last Day", les morceaux fonctionnent pour chacun et les uns avec les autres, se faisant parfois écho et renforçant leur cohérence. Réussir à faire ça, alors qu'on vous catalogue un peu comme un Loser, ce n'est quand même pas rien. Donc Mea Culpa, Monsieur Numan. Classe man, Top Of The Pops!


Bon   15/20
par Machete83


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