Katzenjammer Kabarett

Paris, par Gaylord [jeudi 02 octobre 2008]

A l’occasion de la sortie imminente de leur nouvel album Grand Guignol Et Variétés, Gaylord a interviewé, le jeudi 2 octobre 2008 à Paris, trois des membres de l’excellent groupe parisien Katzenjammer Kabarett, Mary Komplikated, la chanteuse, Herr Katz, le guitariste, et Klischee, le compositeur. Trois fortes personnalités, attachantes, bien individualisées et complémentaires au sein du groupe, qui se sont prêtées au jeu de l’interview sans langue de bois ni tabou.

 




Quelle est la genèse de Katzenjammer Kabarett ?

Mary Komplikated : Une rencontre de gens qui se connaissaient déjà plus ou moins. J’ai rencontré le bassiste à Toulon, dans un magasin de disques assez underground. De Toulon, nous avons tous déménagé à Paris, sauf ce dernier, de manière disparate.

Comment se passent les répétitions, dans la mesure où Mr Guillotine vit dans le sud de la France et que Klischee va vivre à Berlin ?

Klischee : Je vais faire des allers-retours Berlin-Paris. Ca coûte moins cher de vivre à Berlin et faire des allers-retours réguliers Berlin-Paris que de vivre à Paris. Les répétitions « bêtes et méchantes » vont se mettre en place avec Internet, par webcam et grâce à des logiciels adaptés permettant une bonne qualité sonore.

Herr Katz : Nous appartenons à cette génération où l’on communique aussi bien en vrai que par Internet. Les morceaux sont prêts. Il n’y a plus qu’à les travailler.

MK : On peut aussi s’enregistrer avec les moyens du bord et envoyer le résultat. Ca ne posera pas de problèmes.

Quelle est la signification du nom du groupe ?

H K : On cherchait un nom, tout simplement. J’étais en train de lire Les Âmes Mal Lavées de Witkiewicz, il y avait une expression qui revenait souvent, c’était « Katzenjammer », qu’il employait pour parler de la gueule de bois ou du cafard. Mais il y avait déjà un groupe, en Suisse, qui s’appelait Katzenjammer. Et comme j’étais très branché cabaret, j’ai ajouté ce mot, mais avec une orthographe un peu particulière, plutôt allemande, Kabarett. Un nom compliqué, mais qui sonne bien.

Que signifient vos pseudonymes, vos noms d’artistes ?

MK : Mary Komplikated car avec un c c’était moins joli. Je l’avais trouvé pour le site Internet car il y avait besoin d’un pseudo. Un côté « poupoupidou » mais oï. C’est ce que j’avais trouvé de « moins pire » à l’époque. Parce que les femmes sont compliquées. Pour faire ma Marlène Dietrich à deux cents. Mais ça ne signifie rien de spécial pour moi. Ca laisse libre cours à l’imagination.

HK : Moi c’est HK qui est parti de Herr Kat.

K : Moi c’est Klischee. Il n’y a que Mr Guillotine qui n’ait pas de K dans son pseudo. Ca viendrait d’une chanson de Einstürzende Neubauten.

Vos pseudonymes sont peut-être à mettre en relation avec Internet, où l’on a des pseudos, où l’on se cache. Et vous venez de dire que vous communiquiez et alliez jouer de la musique par ce biais. Ne pensez-vous pas que l’on y perd en spontanéité ?

MK : Etant donné que l’on se connaît dans la vraie vie, cela ne nous pose pas de problèmes. Si l’on ne s’était toujours connus que par Internet, ce serait plus problématique. On a créé un forum personnel, réservé au groupe, parce qu’avant on communiquait par emails mais c’était un peu confus. On communique à présent mieux qu’avant.

K : On a tous eu des problèmes avec MSN et consorts. On peut utiliser Skype et plein de moyens pour discuter. On est tous au courant du double langage. Maintenant, on sait que quand on passe par l’écrit via Internet, il ne faut pas y mettre de l’intention, ça reste de l’information basique. Il ne faut pas sur-interpréter.

Quel est le rôle de chacun d’entre vous au sein du groupe ?

K : Je suis technicien et ingé son.

HK : Et compositeur…

MK : Renan, c’est le cerveau. Si demain il décide que Katzenjammer Kabarett est fini, il n’y a plus de Katzenjammer Kabarett.

K : Je fais de la musique. Je fais semblant de jouer du clavier.

HK : J’écris une grande partie des paroles, mais Mary les découpe et les recolle. Et je joue de la guitare.

MK : Je chante et, pour certains morceaux, je joue de la scie musicale.

HK : Mr Guillotine est le bassiste. Il s’occupe aussi du site Internet et du côté logistique.

Qu’utilisez-vous comme instruments ?

HK : Tout simplement j’ai commencé à jouer sur une Ibanez. La guitare sur laquelle je joue actuellement est également une Ibanez, imitation Gibson SG.

K : Le fétichisme ne me touche pas au niveau musical.

MK : Mr Guillotine joue avec une basse Rickenbacker.

HK : Ce sont des choix esthétiques, mais aussi une question de feeling.

K : Ce qui nous importe, c’est la musicalité, les compositions, la voix.

Est-ce que l’absence de vrai batteur est un choix ?

MK : J’étais la seule à vouloir un vrai batteur, depuis le début. Rien ne remplace le feeling d’un batteur. Mais il faut trouver la bonne personne. On a toujours fonctionné avec une boîte à rythmes et je n’ai jamais été déçue. On n’a pas besoin de batteur. Même si j’en voudrais un.

K : J’adorerais un batteur. Et un claviériste. Je ne suis pas claviériste. Mais il y a des nécessités budgétaires.

MK : Je me suis habitué aux programmations, qui sont de meilleure qualité.

HK : Rien n’empêche d’avoir un batteur et une boîte à rythmes en même temps, si on arrive à les marier.

Pourquoi n’utilisez-vous pas de guitare acoustique ?

HK : Parce qu’on entend que je joue mal.

K : Je n’arrive pas à composer avec cet instrument, je n’en vois pas l’intérêt.

HK : En revanche, il y aura de la guitare claire sur le nouvel album.

Sur le prochain album, entendrons-nous d’autres intervenants ?

K : Non. La composition se fait sur une base virtuelle. On ajoute les instruments réels, guitare et basse, et la voix. Mais pendant le mixage, il ya des choses qui ne fonctionnaient pas.

Vous en êtes donc déjà au stade du mixage ?

K : L’album est fini, depuis septembre. On a réenregistré du violoncelle, des parties de batterie, de la flûte traversière et du hautbois. Ce qui a changé la texture des morceaux, qui sonnent mieux, mais tout ça avec l’écriture informatique. On n’est ni fétichistes de l’instrumentalisation brute, ni fétichistes du tout numérique. L’important est que ça fonctionne et que le morceau soit bon. Il ya des passages faits sur ordinateur et d’autres faits avec des instruments enregistrés, les deux se mélangent. Nous n’avons aucun tabou avec ça.

Quand sortira ce nouvel album ?

MK : L’album devrait sortir en janvier 2009. Il s’appellera Grand Guignol & Variétés et comprendra 12 morceaux.

Une tournée est-elle envisagée à la sortie du nouvel album ?

HK : On ne sait pas encore. On attend que l’album sorte. C’est une question de logistique, de moyens. Notre tourneur est Motherdance, qui s’occupe de Monica Richards, Faith And The Muse, Cinema Strange ou Wayne Hussey.

Quand je vous ai vus en concert, ne vous connaissant pas du tout, je ne vous ai pas rattachés au mouvement gothique, et j’ai été assez surpris par la suite de lire des rapprochements entre vous et les mouvements batcave et deathrock.

MK : Il faut aussi dire qu’à ce concert nous avons joué essentiellement de nouveaux morceaux, qui seront sur le prochain album.

K : Au départ je faisais avec ce que j’avais. Je ne prenais pas tellement de risques. Je m’obligeais à garder ces sonorités goths. Mais au bout d’un moment j’en ai eu marre. Je me suis fixé comme limites de ne plus en avoir. Par ailleurs, il n’y a pas de mouvement gothique, seulement des soirées gothiques. C’est idiot de considérer qu’il y a encore, à notre époque, des styles musicaux. Il n’y a plus de limites entre les genres. Ce qui, d’un côté, est intéressant et permet de se libérer des conneries journalistiques. Mais, d’un autre côté, c’est un peu embêtant car ça crée une sorte de revendication de valeurs musicales. Il y a par exemple des gens qui maintenant se regroupent parce qu’ils écoutent de la variétoche. Il n’y a plus de honte à écouter Sardou, comme il n’y a aucune honte à écouter Burzum. Les gens peuvent écouter des bouses en ayant l’impression que tout se vaut.

J’ai cru percevoir une évolution dans votre image, votre look, de vos débuts à aujourd’hui, qui peut-être pourrait correspondre à une évolution de votre musique ou votre état d’esprit. J’ai l’impression qu’au début vous aviez des looks plutôt deathrock/batcave.

MK : Oui, à l’époque, vers 2000, j’avais les cheveux rasés sur les côtés, par exemple, mais j’aimais déjà le côté rétro. Et c’est certain que la musique a évolué. J’ai souvenir que quelqu’un nous a presque accusé, lors d’un concert, il y a un an ou deux, d’être devenus plus pop. On ne correspond plus du tout à l’idée de groupe goth que se faisait de nous le public.

HK : C’est normal qu’un groupe évolue en 8 ans. On ne peut pas ressasser toujours les mêmes choses. Et si pour certains être pop est une insulte, pour nous c’est plutôt un compliment. D’ailleurs, on n’est plus vraiment dans cette scène gothique. Même si on en vient.

Votre nom fait référence au cabaret, il y a une dimension théâtrale dans votre musique et, surtout, vos représentations. Vos pseudonymes ne sont-ils pas une manière de « jouer un personnage » ?

MK : C’est plus de l’ordre de l’accentuation de nos personnalités. Dans la vie je suis moins exubérante et extravertie. Je suis assez contradictoire. Sur scène je suis entre une flapper et une punk.

K : On aurait aimé quelque chose de plus théâtral, mais on est trop fainéants et trop pauvres.

HK : Il y a aussi des contraintes matérielles et logistiques.

K : Les gens en général pensent qu’ils n’en ont pas pour leur argent. Comme il y a Kabarret dans le nom du groupe, ils se disent qu’il va se passer plein de choses sur scène.

HK : Le côté cabaret est plutôt dans la liberté de composition, dans le choix de puiser partout.

Qu’est-ce qu’une flapper ?

MK : Les flappers sont des femmes qui se sont mis à se couper les cheveux, au début du XXe siècle.

T’intéresses-tu au stylisme ? Cela t’inspire-t-il ?

MK : J’adore la mode mais j’essaye de ne pas la subir. J’essaye d’apporter un soin particulier à mon apparence, notamment sur scène. Ce que j’aime, surtout, c’est l’accessoire. Créer une silhouette. Mais je ne suis pas fan de mode avant d’être fan de musique.

Vous semblez cultiver une image de dandys, d’esthètes…

HK : On essaye de bien s’habiller.

MK : Depuis le temps que je les vois en répétition, le dimanche, je ne les ai jamais vus en jean, basket ou jogging, mais plutôt chemise, pantalon, cravate. Ils ne sont pas bien habillés que pour les concerts. Le plus gros signe de relâche que j’aie vu, c’est éventuellement une chemise pas repassée.

HK : Mal repassée, plutôt.

MK : Alors que moi, quand je vais répéter, je suis la grunge du groupe.

HK : Je suis tombé à 14 ans sur un livre, le Petit Dictionnaire du Dandysme, qui reprend tout lettre après lettre. Je l’ai lu régulièrement pendant longtemps.

Et pour Mr Guillotine ?

MK : Nicolas est plutôt goth : Docs montantes, jean slim noir, t-shirt de groupe (Cure, Depeche Mode).

Pour continuer sur la question du cabaret, il semblerait qu’il y ait un certain nombre de groupes, ces dernières années, influencés par les Dresden Dolls, dont vous avez fait la première partie, qui ont créé une nouvelle mouvance, un nouveau sous-genre dans le rock gothique, qui avait peut-être besoin d’un nouveau souffle. N’avez-vous pas peur d’être catalogués, étiquetés, dans ce genre cabaret ?

HK : C’est le gros problème qu’on a eu. On voulait justement s’éloigner de toute l’imagerie goth, les chauve-souris, les crânes, etc. On fait de la musique, on s’amuse.

K : On a commencé à faire de la musique avant les Dresden Dolls. Moi-même, je ne les ai jamais vraiment écoutés. J’ai du mal à me rattacher à cette mouvance cabaret. Ca n’entre pas en compte dans notre manière d’écrire. Ils ont un côté minimaliste, au niveau de la composition, alors que je suis plutôt au contraire de l’ordre du baroque. Je préfère être foisonnant. Mais c’est vrai qu’il y a des points communs avec les Dresden Dolls au niveau de l’énergie et d’une certaine imagerie, une certaine façon de faire de la musique, essayer de ne pas être dans les stéréotypes du goth ou de l’indé, ne pas se fixer de limites.

MK : On a fait la première partie des Dresden Dolls mais je n’ai jamais compris pourquoi on nous comparait à eux.

K : Ceci dit, je préfère qu’on nous compare à eux plutôt qu’à du « gogoth » bas du front ou à de la variétoche.

Si vous en aviez les moyens, que souhaiteriez-vous mettre en pratique dans vos concerts ?

HK : Mettre des décors, par exemple.

MK : Mais sans que ce soit kitsch.

K : En même temps, c’est sympa le kitsch.

MK : Il ne faudrait pas que ça prenne le pas sur la spontanéité du concert.

Je crois que vous avez fait beaucoup de concerts, que vous vous êtes beaucoup rôdés sur scène.

K : Non, justement !

MK : Pas assez.

K : La musique est faite pour être partagée. Pour nous, l’album n’est qu’un souvenir du concert. Mais, comme on a été dans ce registre goth – qu’on ne déprécie pas du tout –, on a surtout des concerts dans ce milieu. On a du mal à avoir des dates dans d’autres registres. On arrive à une époque où on revient aux concerts, aux choses essentielles. C’est cette logique qu’on retrouve dans pas mal de bouquins de SF des années 60, comme Gibson ou Philip K Dick et Stevenson, où ce qui prédomine c’est la musique sensorielle. Et on revient à ça. Pourquoi les gamins s’intéressent au rock à papa ? Pas juste parce que c’est à la mode. C’est aussi parce que c’est un son qui crée des délires, l’hystérie, des mouvements sociaux. Beaucoup de gens ont envie de quelque chose de prégnant, d’efficace.

HK : Avec notre premier label avec qui ça n’a pas marché, eux étaient encore dans cette optique : un label indépendant se prenant pour une major. Contrairement à Projekt qui comprend bien la situation actuelle et qui fait comme il peut. C’est le label du groupe Black Tape For A Blue Girl.

Quelles seraient vos principales influences sur le plan musical ?

K : Ca change tout le temps. Même s’il y a des artistes indétrônables. J’écoute toujours Pulp, Divine Comedy, Roxy Music, Depeche Mode. On écoute tous des choses très différentes. J’écoute la musique contemporaine. J’écoute tout ce qui se fait. Même ce qui est à se tirer une balle tellement c’est mauvais, dans les supermarchés.

HK : En ce moment, je suis en plein « musique moderne ». J’écoute Berg, Webern…

K : S’il y avait deux choses qui détrôneraient le reste, ce serait Prokofiev et Camille Saint-Saëns.

MK : Beaucoup de rock indépendant des années 90, comme les Pixies, des choses un peu grunge. Mes premiers souvenirs musicaux c’est The Clash, The Cure, les Bérus. Après il y a eu énormément de jazz, Billie Holliday. Enorme influence. Une grande dame.

On vous compare parfois, en particulier pour le chant, à Siouxsie And The Banshees, est-ce une influence pour vous ?

MK : Des influences vocales, j’en ai des tonnes. Je mentirais en disant que je n’ai jamais écouté Siouxsie And The Banshees et que je n’aime pas.

K : J’adore Siouxsie And The Banshees, mais ce n’est pas forcément ce que Mary écoute, et, vocalement je n’ai jamais fait le rapprochement entre Siouxsie et Mary. Il faut voir aussi que dans le pop-rock, des voix féminines, surtout graves et énergiques comme celle de Siouxsie, il n’y en a pas tant que ça. L’éducation passe par l’imitation. On ne prétend pas faire quelque chose de neuf. Mais on n’est pas des fans de divers groupes. Nous digérons nos influences. Nous ne nous sommes jamais imposé de faire quelque chose pour ressembler à tel ou tel groupe. Ce qui nous rapproche c’est qu’on a avec ces groupes-là des référents communs.

Il y a un double mouvement de revival. D’un côté des groupes, notamment du début des années 80, qui se reforment en masse. Y compris parfois pour jouer leurs premiers albums, comme ça a été le cas ces jours derniers et ces semaines dernières (Killing Joke, And Also The Trees, Echo & The Bunnymen). D’un autre côté, des nouveaux groupes qui s’inspirent de divers mouvements du passé, notamment de cette époque, comme le batcave ou le deathrock.

K : Pour Echo & The Bunnymen, leur dernier album de l’année dernière n’est pas mal du tout, contrairement à beaucoup de gens qui font des revivals.

HK : Le cas de Killing Joke est assez particulier, car ils ont évolué avec la musique.

K : C’est vrai qu’il y a eu, ces derniers temps, beaucoup de groupes qui n’avaient rien fait, car leurs membres avaient une vie de famille, et qui sont remontés sur scène pour reprendre leurs anciens albums. Il y a des gens qui le font avec un minimum de classe, et d’autres qui le font juste pour ramener du fric, comme dans la variétoche. J’ai revu Fad Gadget il y a déjà 6 ans. Deux concerts d’eux, dont un très bien, avec l’énergie première qui ne les avait pas quittés, qui faisait que ça fonctionnait. Je les ai revus un ou deux mois après pour la première partie de Depeche Mode et c’était ronflant, putassier, vraiment pas intéressant. Ce qui est intéressant c’est de voir des groupes qui avaient lâché prise et qui se sont rendus compte qu’ils étaient encore capables de faire des choses. Les sonorités de synthés eighties étaient devenues très tabous à la fin des années 90. Mais quelques musiciens les ont ramenées, comme par exemple Jacques Lu Cont avec les Rythmes Digitales. Le revival permet de se réapproprier certaines sonorités qui ont été longtemps considérées comme cheap. Il y a eu plusieurs types de synthèses. J’utilise principalement des synthèses virtuelles qui émulent soit de la synthèse analogique, soit de la synthèse digitale.

HK : Dans le revival, il y a aussi, de l’autre côté, des jeunes groupes qui se reforment et qui refont exactement la même chose, du copié-collé. Ces groupes ont d’ailleurs parfois plus de succès que les artistes qu’ils imitent. Certains refont du Joy Division en augmentant d’un demi-ton la ligne de basse.

Sur votre premier album, distribué gratuitement, il y a un morceau, avec un homme qui chante, qui m’a beaucoup rappelé une chanson sur l’album Desertshore de Nico, « All That Is My Own ».

HK : J’ai très peu écouté Nico. C’est un hasard.

K : On écoute très peu de musiques suicidaires, donc c’est vrai qu’on a un peu passé Nico à la trappe.

HK : En fait c’est tiré d’un film muet très peu connu du réalisateur du Cabinet du Dr Caligari, qui s’appelle Gentine. J’ai voulu résumer cette histoire.

Quelles seraient vos influences littéraires, cinématographiques et autres ?

HK : Pour les paroles, beaucoup de littérature journalistique absurde, parfois drôle, macabre ou cruelle, comme Alphonse Allais ou le Théâtre du Grand Guignol. Ce que j’écris, c’est à la fois un détachement du lyrisme et du tragique.

K : La musique de Danny Elfman m’a beaucoup influencé, il s’est d’ailleurs lui-même inspiré de Camille Saint-Saëns et Prokofiev. J’aime beaucoup Bukowski, Houellebecq, Dostoïevski. J’aime quand la littérature est chiadée et qu’elle pue la mort ou la pisse.

Quel est votre label ou votre maison de disques ?

HK et MK (en chœur) : Projekt !

MK : Nous avons eu des déconvenues avec Trisol, le label d’Emily Autumn, Cinema Strange, Deadfly Ensemble ou London After Midnight.

K : Nous avons signé sur un label avec qui ça se passait extrêmement bien. Ils avaient craqué sur nous. Mais ils nous ont fait chier plusieurs fois à repousser, repousser. Tout ça pour qu’on finisse par se prendre la tête à un concert à Paris à 4 h du matin. Ils voulaient qu’on soit un boys band faisant du cabaret années 30, en gros. Ils voulaient nous imposer beaucoup de choses qui ne nous correspondaient pas du tout. Heureusement, on a repris contact avec un label qui nous avait proposé de rééditer notre production, qui s’est avéré être non seulement très professionnel mais en plus très à l’écoute. Projekt a beaucoup aimé l’artwork et les morceaux. Du coup, on a pu travailler et rattraper notre retard. Ce n’est pas un gros label, mais il est constitué de gens intelligents et sains, qui nous ont accepté de suite et nous ont proposé des choses très intéressantes, et qui n’ont pas eu du tout l’idée de dire, comme l’autre label, que dans le marché du disque tout était fini, parce que ce n’est pas le cas. Il y a encore beaucoup de choses à faire, à rénover, à innover. Et eux, c’est leur idée. Ce n’est pas la vente qui fait l’intérêt d’un groupe ou d’un label. Le discours des majors sur la crise est une connerie. Pour les labels indépendants, c’est encore possible de vendre non seulement des disques via les concerts, mais aussi de vendre de la musique de manière différente. Et il y a encore des gens qui achètent des CD ou des vinyles. Ce qui emmerde foncièrement les gens, c’est de payer pour de la merde. Alors que quand on passe directement auprès de labels indépendants ou auprès de sites qui travaillent avec ces labels, ça ne coûte pas cher pour les gens qui s’intéressent à la musique, et ça permet de développer plusieurs supports. Et les gens qui viennent aux concerts, en général, achètent les CD, ou la musique sous d’autres supports, après le concert. Quand les premiers CD sont arrivés en 1979, il y a eu plusieurs groupes disant, comme DAF dans le film Verschwende Deine Jugend aux journalistes, que ça ne sert plus à rien de faire des concerts vu qu’il y a le CD. Et là on arrive, en 2008, avec très peu de concerts. Paris est une ville qui meurt, qui dort, où il n’y a quasiment plus de concerts. La plupart des villes en France, par exemple Marseille, sont la quintessence de la merde musicale, de tout ce qui est merdique au niveau de la capacité à faire écouter de la musique. C’est très difficile de faire des concerts à cause des normes européennes. Pour faire des concerts, ça demande beaucoup d’investissement, avec très peu de rentabilité. Les gens qui ont des sous pour faire les concerts sont en général des gens qui veulent faire des sous et non faire des concerts.

MK : Ceci dit, pour de nombreux artistes, la ressource principale c’est les concerts et non la vente de disques.

K : Je trouve justement ça très bien que les groupes fassent de l’argent avec les concerts. C’est ce qu’il ya de plus intéressant, les concerts. Le CD est intéressant aussi, mais à écouter chez soi. Je préfère aller voir des groupes qui font les concerts pas chers, avec qui on peut avoir une relation, plutôt que les gros vendeurs de l’industrie du disque qui n’a pas bougé depuis les années 80, qui font des concerts trois fois l’an et pleurent sur la baisse des ventes de disques. Ils n’ont aucune idée de ce que c’est que de faire de la musique et d’avoir des gens qui sont touchés par la musique. C’est très bien pour eux qu’ils perdent du fric. Dans les années 70, tous les artistes connus, comme Bowie ou T. Rex, faisaient des concerts constamment. Non pas tous les mois mais presque tous les jours. Et c’est ça qui est bien.

 

 





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