Titus Andronicus

The Most Lamentable Tragedy

The Most Lamentable Tragedy

 Label :     Merge 
 Sortie :    mardi 28 juillet 2015 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Dieu, ce que je peux détester les doubles ou triples albums. Voilà pourquoi j'ai tant repoussé l'écoute de cet album. Bon sang, il faut une bonne dose de courage pour rester accroché près de 100 minutes à l'écoute d'un seul album, aussi bon soit-il. Je me suis souvent vu décrocher à l'entame de la deuxième heure de bon nombre de doubles albums racés. C'est la vie.
Et pourtant, pour cet album-ci, j'ai tenu le coup. Encore et encore. Et encore. Je ne sais pas encore bien pourquoi. C'est pour ça que je commence cette chronique : me pencher réellement sur mon engouement pour cet album.

En quelques mots, on peut décrire l'album de Titus Andronicus comme un opéra punk rock en cinq actes narrant l'histoire d'un héros sans nom aux prises avec ses troubles bipolaires et qui rencontre au cours de son périples pas mal de personnages secondaires tous bien barrés, dont notamment son doppelgänger qu'il doit vaincre. Le tout est saturé de références en tout genre, tant sur la mythologie, la musique ou la littérature.
Le meneur du groupe, Patrick Stickles, est le mieux placé pour aborder ce genre de problématiques. The Most Lamentable Tragedy a des relents tenaces d'autobiographie, Stickles étant lui-même bipolaire. Ainsi ce qui m'a le plus frappé et emballé dans cet album, ce sont sans nul doute les transitions, ces passages vers une rage fulgurante. Il y dans la maîtrise du rythme quelque chose d'incroyable. Toute la réussite de l'album repose là-dessus. On ne finit pas par se lasser, les variations viennent vous happer à nouveau, imprévisibles et efficaces. Musicalement, l'équilibre est aussi stupéfiant. Le cliché du double album prétentieux, basculant dans une musique aux concepts masturbatoires à deux sous ne s'applique pas ici. On peut presque parler de simplicité ici. Titus Andronicus tape là où il doit taper avec une certaine fougue. Certaines pistes atteignent une telle intensité primaire qu'elles arrivent à vous emporter sans que vous puissiez résister. Le groupe distille tout le long de l'album moult compositions théâtrales au possible, bien souvent imprévisibles, le tout sans être décousu.

The Most Lamentable Tragedy est donc le fruit d'un jeu d'équilibriste complexe entre des notions presque antinomiques. C'est d'ailleurs ce qui fait de cet album un objet intéressant. Les notions de concept-album et de punk ne vont pas bien ensemble. Pourtant Stickles et sa bande folle arrivent à se jouer de tous ces paradoxes, créant des pistes saturées de références, presque érudites, sans pour autant que l'ensemble sonne intello. Pire, le groupe semble se délecter de ce vaste faux-semblant en mettant en avant la voix gueularde de Stickles ou des passages instrumentaux massifs et abrasifs.
Musicalement, difficile de ne pas évoquer des anciens comme Townshend, Hüsker Dü, les Replacements, les Pogues ou parfois Springsteen. Les moulinets du guitariste tendent bien souvent à nous faire penser au meneur des Who. Toutes ces influences sont toutefois assez bien digérées. On est loin du pastiche ou de la copie, comme on pourrait le craindre. Tout le long de ces 93 minutes pleines de sueur, l'album ratisse large, entre les chansons taillées pour les stades, les pistes de transitions a cappella gospel, les pistes théâtrales dramatiques, les chansons burnées ("Dimmed out", peut-être la meilleure chanson de l'album, peut-être la meilleure chanson de l'année) et les deux pistes qui tutoient les 10 minutes chacune ("More Perfect Union" et "(S)HE SAID/‘(S)HE SAID") qui sont presque des mini-opéras rock dans l'album. Tout ceci forme ce Most Lamentable Tragedy : un album ambitieux mais pas prétentieux, plus dense et fouillé qu'il ne le laisse entendre au début, paradoxal au possible.


Excellent !   18/20
par WillyB


  Ecoutable sur : https://titusandronicus.bandcamp.com/album/the-mos ... le-tragedy


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