Ween

Pure Guava

Pure Guava

 Label :     Elektra 
 Sortie :    mardi 10 novembre 1992 
 Format :  Album / CD   

Malgré leur recrutement par une major pour Pure Guava, Gene et Dean Ween persistent et signent: oui, ils ont épluché l'intégralité de la discothèque de Papa Maman quand ils étaient gamins; oui, ils connaissent par coeur les plus grands succès de cette époque, surtout les plus ringards, ceux dont on ne peut plus supporter l'écoute plus de trente secondes; oui, ils se chargent, avec un plaisir vicieux de marmots attardés, de nous resservir tout ce mauvais goût sans même que nous nous en apercevions, ou si peu; oui, ils ont toujours cet humour pipi caca qui les fera s'écrier lors d'un concert que leur rêve est de construire un canon à merde pour arroser leur public; non, ils ne mettront pas d'eau dans leur vin.

Sur Pure Guava, on a donc toujours affaire au Ween première manière, qui atteindra son apogée sur l'album suivant, Chocolate And Cheese. Pure Guava pourrait même figurer sans rougir sur la bande sonore de Beavis & Butthead ou de South Park: tous les morceaux raillent l'Amérique et ses habitants avec le même esprit irrévérencieux et foutraque, initiant chez l'auditeur une catharsis dont il est le premier surpris. Ainsi "Hey Fat Boy (Asshole)", avec son lot de noms d'oiseaux, aurait pu être écrite par Kyle à l'adresse de Cartman. De même, "I Saw Gener Cryin' In His Sleep", titre folk dans lequel Dean s'amuse de Gene parce qu'il pleure pendant son sommeil, s'inscrit dans le même état d'esprit ado faussement viril. Alors on ne s'étonne pas outre mesure quand on apprend que "Push th' Little Daisies", premier petit succès du groupe, a fait les joies de Beavis & Butthead pendant quelques temps.

Pure Guava reprend donc les choses là où les deux trublions les avaient laissées après leurs deux premiers albums. Cependant la production de l'album s'éclaircit, se lisse, rendant l'ensemble intelligible, là où le propos de The Pod tendait à devenir abscons, voire inécoutable. Ween élague un peu plus les morceaux choisis pour l'album, et la durée globale se réduit.
Par ailleurs leurs affinités avec une pop mi gonzo mi bricolo s'affirment plus clairement, autorisant une plus grande homogénéité dans les sonorités de l'album. De ce point de vue, on peut citer "The Stallion, Pt. 3", qui initie avec la voix nasillarde de Gene une série de morceaux qui feront plus tard le succès de Ween; ou "Push th' Little Daisies", fausse comptine matinale à chanter sous la douche; ou encore "Don't Get 2 Close (2 My Fantasy)", futur hymne pop bizarroïde du groupe en concert.
Enfin, le son de Pure Guava est marqué d'un bout à l'autre par les expériences vocales de Gene. Accélérée, ralentie, passée à travers divers filtres, sa voix devient méconnaissable, sans que cela apporte toujours un plus à la musique ("Little Birdy", "Tender Situation", dans l'esprit de The Pod, ou "Mourning Glory", épisode de bruit blanc inutile quand on n'a pas les paroles à portée de main).

Au rayon des horreurs qui font sourire, Ween fait ici des promotions sur les paroles de "Reggaejunkiejew", faussement raciste, ou de "I Play It Off Legit", faussement homophobe. Mais aussi de "Pumpin' 4 The Man", hilarante narration des déboires quotidiens des deux frères, déroulée à toute vitesse. Au milieu du disque, "Sarah", chanson d'amour façon variété sixties, apparaît donc comme un véritable OVNI. Mais Ween se charge immédiatement de nous faire déchanter sur leurs prétentions amoureuses avec "Springtheme" ('Can I kiss you on the boob, Can I touch you in the nude') puis "Flies On My Dick".

Que les choses soient donc claires: avec Pure Guava, Ween ne cherche pas à être poli (dans tous les sens du terme). On est encore loin du tournant pris avec The Mollusk et White Pepper. C'est pourquoi les amateurs des disques de Ween postérieurs à 1997 devront s'armer de patience et d'humour pour parvenir à apprécier le son et le propos de Pure Guava. Si vraiment il y avait un blocage, jetez une oreille aux morceaux de Pure Guava tels qu'ils sont joués par Ween en concert depuis 2000. Leur rendu, bien supérieur sur un bon enregistrement, est encore plus convaincant que sur l'album studio!


Sympa   14/20
par Ershibai


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