Mewithoutyou
Brother, Sister |
Label :
Tooth & Nails |
||||
Brother, Sister est le troisième album du groupe américain Mewithoutyou, sorti en 2006. Il fait suite à deux brûlots devenus depuis cultes : A->B Life, sorte de hardcore expérimental à la Fugazi teinté de la profonde dépression du chanteur à l'époque, et Catch For Us The Foxes, où le groupe commence à lorgner du côté du rock indé tout en gardant une furie fidèle à ses débuts et des paroles à l'émotion ultra brute. Cet album est aujourd'hui impossible à trouver à un prix décent, surtout en vinyle, sauf pour ceux qui aiment sonder la toile.
"But what is really going on here?"
Mewithoutyou, c'est avant tout un chanteur, ou plutôt un conteur, Aaron Weiss, et des paroles qui vont avec. Autant vous dire que si vous ne maîtrisez la langue de Shakespeare que pour aligner "une bière grand format s'il vous plait !" et obtenir satisfaction dans un maximum de pays, vous perdrez immanquablement une grande partie du charme de ce groupe. Ici, Aaron vous raconte des histoires, ses histoires, avec des métaphores plus ou moins érudites mais universellement identifiables une fois la fixette sur les animaux passée. L'homme était, à l'époque de l'écriture de cet album, en pleine transformation spirituelle (pour les amateurs de Gala : trahison de sa copine, maladie de son père, retournement vers Dieu, atenta... ah non merde) et on est loin d'un recueil de ratures adolescentes sur un journal intime : il sait écrire, penser et interpréter une poésie empreinte de références littéraires, philosophiques et religieuses. On trouve d'ailleurs le Moz dans ses références de parolier, pour l'écriture de chansons avec du sens, mais la comparaison s'arrête là. Les deux existent, et c'est tant mieux pour la musique.
Ecrire des paroles, c'est un début. Les confronter à une musique déjà expérimentale en l'emmenant encore plus loin, c'est un accomplissement. Pour cela, on ne peut pas vraiment dire que Weiss chante, même s'il sait très bien aligner des mélodies imparables quand c'est nécessaire. Non, il préfère suivre le flot de la musique presque à la manière d'un rappeur ou d'un Hobbo Johnson en bien, adaptant ses intonations, ses cris, ses chuchotements pour raconter ses histoires et laissant l'auditeur choisir comment il préfère écouter l'album : en headbanguant à 20 ans, en s'étant tranquillement assis avec le livret de paroles à 40, et en train d'hésiter entre les deux à 30. Je ne m'étendrais pas plus ici sur leur contenu, le débat sur le fait qu'il croit en Dieu ayant déjà été mené avec d'autres compères de la vie réelle. Personnellement, peu importent les croyances, dont l'inspiration ici est d'ailleurs puisée dans toutes les religions (certaines paroles sont en arabe), l'énergie et l'émotion dégagées sur ce chef d'œuvre peuvent vous prendre aux tripes à tout moment de votre vie.
Le chant n'est pourtant qu'un instrument de plus dans la mécanique germanique du groupe. Ici, pas un riff, pas une partie de batterie, pas une note des nombreux autres instruments (harpe, accordéon, trompette, cloches) qui ne semble hors de propos et contribuer à l'expérience globale. Les membres aiment jouer tous ensemble et ça se sent. La palette d'harmonies est variée et vous prend toujours par surprise.
De la progression jouissive de "Messes of Men", allégorie marine sur l'adultère qui lance l'album comme un train sur un rail barcelonais, aux changement de tempos jouissifs sur "The Dryness and the Rain", "A Glass Can Only Spill What It Contains" et "A Market Dimly Lit" (à l'ambiance aussi sombre et réussie que son titre le suggère), en passant par les presque pop "Nice and Blue part2" (le clip est à voir pour confirmer que le groupe est à l'image de sa musique, iconoclaste) et "C-Minor", il y a toujours une partie, un détail de la chanson sur lequel vous pouvez vous raccrocher aux premières écoutes, avant d'en comprendre tout le sens après la vingtième et jouir de l'album dans son ensemble. Les influences sont nombreuses et intéressantes à déceler pour qui a un peu de culture musicale, et on appréciera notamment les interludes très Neutral Milk Hôteliers de la trilogie des "Spiders".
Pour les plus jeunes, vous pouvez redécouvrir ce qu'est un vrai missile punk qui vous arrive en pleine tête avec "Wolf Am I ! (and Shadow)" et pour les plus vieux, s'il en reste après l'épidémie, le King Crimsonien "The Sun and The Moon" est un hymne moderne au prog des années 70.
Mais c'est pourtant à la fin de l'album que l'on trouve les plus grosses claques avec "O Porcupine", diablement bien construit, jouant entre paroles et musique pour amener à un climax de fou furieux, porté par Jeremy Enigk (le mec qui s'est fait cocufier par les premiers batteur et bassiste de la machine marketing Foo Fighters) venu prêter voix forte à Weiss. Ou peut-être vous laisserez-vous porter par "In a Sweater Poorly Knit" où l'émotion atteint son paroxysme dans ce qui est à mes yeux l'un des plus beaux morceaux de musique qui n'ait jamais été composé ?
Vous l'aurez compris, Brother, Sister s'adresse à un public plutôt averti, émotionnellement en tout cas. En gros, si vous éteignez la télé après deux minutes de débat sur Itélé, vous êtes déjà sur la bonne voie. Techniquement, les musiciens pourront s'extasier sur le jeu subtil et original du batteur, et rêver de trouver un jour la même alchimie entre guitares et basse pour développer une ambiance unique. Les amateurs d'art pourront eux compter sur des visuels accompagnant l'album toujours aussi inspirants, réalisés par l'artiste Vassily Kafanov, habitué du groupe.
Ici rien n'est faux, on navigue sans cesse au milieu de dualités opposées pour bien faire comprendre qu'il existe un monde entre le noir et le blanc, l'agressivité et la douceur, l'ombre et la lumière, le Diable et Dieu. Transcendant et culte.
"But what is really going on here?"
Mewithoutyou, c'est avant tout un chanteur, ou plutôt un conteur, Aaron Weiss, et des paroles qui vont avec. Autant vous dire que si vous ne maîtrisez la langue de Shakespeare que pour aligner "une bière grand format s'il vous plait !" et obtenir satisfaction dans un maximum de pays, vous perdrez immanquablement une grande partie du charme de ce groupe. Ici, Aaron vous raconte des histoires, ses histoires, avec des métaphores plus ou moins érudites mais universellement identifiables une fois la fixette sur les animaux passée. L'homme était, à l'époque de l'écriture de cet album, en pleine transformation spirituelle (pour les amateurs de Gala : trahison de sa copine, maladie de son père, retournement vers Dieu, atenta... ah non merde) et on est loin d'un recueil de ratures adolescentes sur un journal intime : il sait écrire, penser et interpréter une poésie empreinte de références littéraires, philosophiques et religieuses. On trouve d'ailleurs le Moz dans ses références de parolier, pour l'écriture de chansons avec du sens, mais la comparaison s'arrête là. Les deux existent, et c'est tant mieux pour la musique.
Ecrire des paroles, c'est un début. Les confronter à une musique déjà expérimentale en l'emmenant encore plus loin, c'est un accomplissement. Pour cela, on ne peut pas vraiment dire que Weiss chante, même s'il sait très bien aligner des mélodies imparables quand c'est nécessaire. Non, il préfère suivre le flot de la musique presque à la manière d'un rappeur ou d'un Hobbo Johnson en bien, adaptant ses intonations, ses cris, ses chuchotements pour raconter ses histoires et laissant l'auditeur choisir comment il préfère écouter l'album : en headbanguant à 20 ans, en s'étant tranquillement assis avec le livret de paroles à 40, et en train d'hésiter entre les deux à 30. Je ne m'étendrais pas plus ici sur leur contenu, le débat sur le fait qu'il croit en Dieu ayant déjà été mené avec d'autres compères de la vie réelle. Personnellement, peu importent les croyances, dont l'inspiration ici est d'ailleurs puisée dans toutes les religions (certaines paroles sont en arabe), l'énergie et l'émotion dégagées sur ce chef d'œuvre peuvent vous prendre aux tripes à tout moment de votre vie.
Le chant n'est pourtant qu'un instrument de plus dans la mécanique germanique du groupe. Ici, pas un riff, pas une partie de batterie, pas une note des nombreux autres instruments (harpe, accordéon, trompette, cloches) qui ne semble hors de propos et contribuer à l'expérience globale. Les membres aiment jouer tous ensemble et ça se sent. La palette d'harmonies est variée et vous prend toujours par surprise.
De la progression jouissive de "Messes of Men", allégorie marine sur l'adultère qui lance l'album comme un train sur un rail barcelonais, aux changement de tempos jouissifs sur "The Dryness and the Rain", "A Glass Can Only Spill What It Contains" et "A Market Dimly Lit" (à l'ambiance aussi sombre et réussie que son titre le suggère), en passant par les presque pop "Nice and Blue part2" (le clip est à voir pour confirmer que le groupe est à l'image de sa musique, iconoclaste) et "C-Minor", il y a toujours une partie, un détail de la chanson sur lequel vous pouvez vous raccrocher aux premières écoutes, avant d'en comprendre tout le sens après la vingtième et jouir de l'album dans son ensemble. Les influences sont nombreuses et intéressantes à déceler pour qui a un peu de culture musicale, et on appréciera notamment les interludes très Neutral Milk Hôteliers de la trilogie des "Spiders".
Pour les plus jeunes, vous pouvez redécouvrir ce qu'est un vrai missile punk qui vous arrive en pleine tête avec "Wolf Am I ! (and Shadow)" et pour les plus vieux, s'il en reste après l'épidémie, le King Crimsonien "The Sun and The Moon" est un hymne moderne au prog des années 70.
Mais c'est pourtant à la fin de l'album que l'on trouve les plus grosses claques avec "O Porcupine", diablement bien construit, jouant entre paroles et musique pour amener à un climax de fou furieux, porté par Jeremy Enigk (le mec qui s'est fait cocufier par les premiers batteur et bassiste de la machine marketing Foo Fighters) venu prêter voix forte à Weiss. Ou peut-être vous laisserez-vous porter par "In a Sweater Poorly Knit" où l'émotion atteint son paroxysme dans ce qui est à mes yeux l'un des plus beaux morceaux de musique qui n'ait jamais été composé ?
Vous l'aurez compris, Brother, Sister s'adresse à un public plutôt averti, émotionnellement en tout cas. En gros, si vous éteignez la télé après deux minutes de débat sur Itélé, vous êtes déjà sur la bonne voie. Techniquement, les musiciens pourront s'extasier sur le jeu subtil et original du batteur, et rêver de trouver un jour la même alchimie entre guitares et basse pour développer une ambiance unique. Les amateurs d'art pourront eux compter sur des visuels accompagnant l'album toujours aussi inspirants, réalisés par l'artiste Vassily Kafanov, habitué du groupe.
Ici rien n'est faux, on navigue sans cesse au milieu de dualités opposées pour bien faire comprendre qu'il existe un monde entre le noir et le blanc, l'agressivité et la douceur, l'ombre et la lumière, le Diable et Dieu. Transcendant et culte.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Palo_santo |
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