The Mabuses

Paris [lundi 12 mai 2008]

La sortie en avril dernier d’un nouvel album de The Mabuses, intitulé Mabused!, et un concert prévu le 21 mai au Café de la Danse fut l’occasion de rencontrer le 12 mai à Paris son leader Kim Fahy. Figure incontournable, attachante mais énigmatique de la scène rock indépendante, il s’est prêté avec un flegme tout britannique à cette interview réalisée par Gaylord.



Gaylord : Il s’est écoulé pas moins de quatorze ans entre la sortie du second album, Melbourne Method, en 1994, et celle du troisième, le nouvel album, Mabused!. Pourquoi ?

J’ai beaucoup voyagé, beaucoup contribué à divers projets. Pour la sortie de Melbourne Method, l’effort avait été tel que j’ai décidé de faire autre chose. J’ai tout de même continué à enregistrer au cours des années, notamment avec John Valentine Caruthers. Il n’y avait pas d’urgence particulière pour sortir un album des Mabuses. C’était toujours quand même dans mon esprit. Mais le déclic a été une conversation téléphonique que j’ai eue avec mon producteur et ami Nick Griffiths, qui avait déjà travaillé avec John et avec The Glove, projet de Robert Smith et Steven Severin. Il m’a dit « sors un album et amuse-toi bien ». De plus, une bonne partie de la réponse à cette question se trouve dans l’album lui-même.
 
As-tu composé les nouveaux titres de Mabused! tout au long de cette période, ou d’une manière plus concentrée dans le temps ?

Il y a à peu près la moitié des titres qui sont anciens, et l’autre moitié qui a été élaborée à partir du moment où on s’est décidés à sortir un disque. 
 
Mabused! semble très influencé par les sixties, mais avec de multiples paysages musicaux.

C’est l’influence des Beatles, je pense. Il se trouve que la musique des années 60 a une qualité intemporelle. On appelle ça le « blueprint ». C’est le schéma de base. Et ça, c’est quelque chose qui me touchera toujours, cette espèce d’immédiateté et en même temps d’ambition. Je ne retrouve pas l’éclectisme des années 60 ailleurs, sauf dans le mouvement post-punk. Mais c’est sûr que dans les groupes comme les Kinks et les Rolling Stones il y a une sorte de formalisme, un côté classique, qui m’interpelle. Non pas que je n’écoute que ce genre de musique, bien au contraire. J’ai aussi été marqué par le blues des années 20, des années 30. Par le jazz et la musique classique aussi. Les musiques de films, dans les années 60, étaient à leur apogée, avec John Barry, Ennio Morricone ou Bernard Herman. Les années 60, c’est quelque chose qui regroupe un peu tout. Une énorme marmite.
 
Comment expliquer de telles différences entre le premier album, sorti en 1991, qui reposait sur des mélodies très fortes, et le troisième, qui repose davantage sur des ambiances ?

Je ne peux pas en faire l’explication. Il y a plusieurs titres, sur le premier album, qui sont assez orchestrés. Sur "We Rested Our Feet" il y avait déjà beaucoup de violon. Un titre comme « Mad Went The Barber » était aussi très travaillé. Je ne vois pas vraiment la différence entre le premier et le troisième. Il est tout aussi éclectique, finalement.
 
Une différence majeure entre le premier album et le dernier est que sur le premier, la tension était constante et presque palpable, tandis que le dernier est beaucoup plus détendu.

C’est vrai qu’il y avait peut-être une urgence sur le premier qu’il n’y a pas sur le troisième. L’expérience ; j’ai vieilli depuis. Et peut-être une plus grande maîtrise sur le troisième que sur le premier. Je ne sais pas. Mais je suis d’accord avec le fait que l’ambiance de ces deux disques diffère. C’est vrai qu’il y avait des titres assez bruts sur le premier. La différence c’est que tous les titres sont travaillés, sur le troisième.
 
On devine que ton expérience s’est enrichie de nombreuses rencontres. Peux-tu nous parler des divers collaborateurs présents sur le nouvel album ?

Le groupe a toujours été à géométrie variable, de toute façon. J’espère faire encore beaucoup plus de rencontres. Des gens d’horizons plus exotiques. Un Japonais, un Pakistanais, ça ne me déplairait pas. C’est malléable. On va parler de John, d’abord. Mon ami Chris Wilson, le bassiste, est parti aux Etats-Unis. Je l’ai rejoint. De fil en aiguille, il a travaillé avec Richard Butler des Psychedelic Furs. Il y avait une espèce de colonie britannique à New York, dont John faisait partie, mais je ne l’avais jamais rencontré auparavant. J’avais besoin d’une guitare. Chris le connaissait. Il m’a prêté une guitare, une Yamaha je crois. Une guitare insoutenable, très lourde, à la forme bizarre. Je lui ai rendu cette guitare en disant qu’elle était insoutenable. Et cette attitude un peu arrogante et ingrate l’a beaucoup amusé. Nous avons partagé quelques bières. Nous sommes devenus « amoureux » l’un de l’autre. Je veux dire, très amis. Une grande complicité. Nous allons enregistrer le prochain Mabuses en juin à New York. C’est un être que j’adore.
 
Quel rôle exact a-t-il joué sur le dernier album de The Mabuses ?

Il a co-écrit certains titres. Il les a enregistrés. Il a joué de la guitare. Il les a arrangés, mixés. Son rôle a été capital. C’est un effort de groupe.
 
Le premier album ressemblait parfois à Siouxsie And The Banshees. Quelle influence a joué ce groupe, et particulièrement John Valentine Caruthers, dans ta carrière voire dans ta vie personnelle ?

Siouxsie And The Banshees, ça faisait partie de tous ces groupes, comme Echo And The Bunnymen, Joy Division, The Stranglers, il y avait une espèce de mouvance post-punk. J’adorais l’album Kaleidoscope, avec John McGeoch. Et aussi A Kiss In The Dream House. Ces deux albums ont été très influents. La rencontre avec John Valentine Caruthers a été complètement déterminante à un niveau personnel. C’en est devenu un grand frère. Ca fait maintenant quinze ans qu’on œuvre ensemble. Je ne peux rien dire d’autre à son sujet que c’est un être excellent. Et qui joue également très bien. The Mabuses, avant tout, c’est une histoire de guitares. Il y a eu beaucoup de guitaristes avec lesquels nous avons collaboré. Les deux guitaristes de The House Of Love, Terry Bickers, qui est un très bon ami, et Simon Walker, ont œuvré dans The Mabuses. On l’avait vu quand nous avions dix-huit ans, alors que nous étions à l’université, avec Chris Wilson, le bassiste. On était aussi allés voir Siouxsie And The Banshees à l’Hammersmith Odeon, en 1987. Il se trouve que John était sur scène.
 
Le premier album de The Mabuses ressemble parfois un peu à Juju de Siouxsie And The Banshees, plus qu’à l’album d’avant et à celui d’après, Kaleidoscope et A Kiss In A Dream House, que tu viens de citer.

Disons que musicalement, Siouxsie And The Banshees n’a pas eu beaucoup d’influence sur ce que les Mabuses faisaient. Mais ça faisait partie de tous ces groupes que l’on écoutait à l’époque et même avant. Cependant il n’y a pas une connexion directe entre Siouxsie And The Banshees et le premier album, ça ne m’a jamais traversé l’esprit. Pas de manière consciente. D’ailleurs cette comparaison m’étonne un peu.
 
Que penses-tu du travail de John au sein de Siouxsie And The Banshees ?

Je pense qu’il y avait matière à faire et que c’était très difficile. Robert Smith avait remplacé John McGeoch, qui est le point de départ.
 
J’ai toujours pensé qu’il était le seul digne successeur de John McGeoch.

Tout à fait. Cependant Robert Smith était un très bon guitariste. Mais je pense que son aura de figure de proue de Cure a fait qu’on a un peu négligé son travail de musicien au sein de Siouxsie And The Banshees. J’adorais The Cure. Pendant cette période entre le premier album et Pornography, il y a eu une évolution de l’image du groupe, notamment sur les pochettes des albums, elle est devenue floue. Ca a dû avoir une influence sur moi, sur le fait de se mettre un peu en arrière.
 
Est-ce que sur le premier album de The Mabuses, la photo de petit garçon sur la pochette te représente ?

Oui. Ce n’est pas Robert Smith. (Il rit.)
 
Pourquoi ce choix, plutôt qu’une photo actuelle de toi, par exemple ?

C’est une question d’impact. On avait envie d’avoir un enfant sur la pochette. J’aimais bien l’expression de ce visage. C’était une manière de dire que je n’avais pas vraiment changé depuis.
 
Quand ont été fondés The Mabuses ?

En 90 ou 91. Nous étions dans un groupe qui s’appelait les Assassins, qui était sur Rough Trade. Mes deux acolytes sont partis pour aller travailler aux Etats-Unis. Je me suis retrouvé un peu seul. Geoff Travis, patron de Rough Trade, m’a dit de continuer, de persévérer, et d’enregistrer un album.
 
Que penses-tu du second album de The Mabuses, Melbourne Method ?

C’est un album avec quelques très bonnes guitares. Difficile à enregistrer. J’avais eu des instructions assez précises de Geoff Travis, après le succès relatif du premier album, qui avait été fait très vite et peu cher. Il s’est avéré que pour le deuxième ça a été exactement le contraire. Un budget pharaonique.
 
C’est paradoxal, car autant le premier album a bénéficié d’un succès critique, autant le second est passé inaperçu.

Tout à fait. C’est l’époque où j’ai disparu. Je n’ai pas assuré de couverture médiatique. C’est là où je suis parti aux Etats-Unis. On m’avait proposé de faire la première partie de The Cranberries, que je n’aimais pas particulièrement mais qui bénéficiait à l’époque d’un succès incontesté. Ca aurait été une bonne chose, mais j’ai dit non à cette tournée. Je ne me sentais pas prêt. Pour Melbourne Method, il y avait aussi des problèmes de droits avec les samples de films, déjà présents sur le premier album, mais là c’était poussé à l’excès. A tel point que chaque chanson était comme reliée à un commentaire audio venant d’un film. C’était un casse-tête juridique, un cauchemar, ce qui a un peu expliqué ma chute.
 
Qui sont les autres membres du groupe sur le dernier album, à part John ?

Chris Wilson est le bassiste, je le connais de tout temps. On a commencé ensemble dans un groupe qui s’appelait les Assassins. Nous avons continué avec les Mabuses. Ensuite j’ai travaillé avec Miranda Sex Garden. J’ai fait une tournée américaine avec eux, et une tournée européenne avec Depeche Mode. Donna McKevitt, de Miranda Sex Garden, joue du violon sur le dernier album. Il y a également le batteur, Trevor Sharpe, qui œuvrait  aussi dans un groupe qui s’appelle The Servants. Jamie Harley, qui s’occupe du son, a toujours été un Mabuse de la première heure lui aussi, il a évolué avec des gens comme Cat Power et Elton John. Une autre rencontre a été celle avec Lucien Nataf. Je l’ai aidé à faire son album solo. On a toujours eu en tête de faire quelque chose ensemble, de toute façon. De fil en aiguille il en est venu à Mabused!.
 
Peux-tu nous parler de ta collaboration avec JP ou Lucien Nataf, des Innocents, qui semble être une sorte d’alter ego ?

Je n’irai pas jusque là. Un très bon ami. Connexion sixties lui aussi. C’est un fan invétéré des Beatles. Ce n’est pas très rare d’ailleurs, ils sont tellement populaires. Il a un goût de la mélodie et des arrangements. L’ambition d’exprimer un goût du bizarre, également. Tout ça nous a rapproché. On s’entend très bien en tant que personnes, et musicalement aussi, quoique nous ayons des méthodes de travail qui diffèrent.
 
Dans quelles circonstances l’as-tu rencontré ?

Nous avons été présentés par un ami commun, un réalisateur qui s’appelle Bertrand Bonello. J’étais de passage à Paris pour enregistrer. Il m’a dit que JP tenait absolument à me rencontrer. J’ai co-produit son album, Plus De Sucre, avec lui. Nous avons fait un travail de préparation d’abord. Il avait quelques chansons, je lui disais ce que j’en pensais. Ensuite il m’a proposé de l’enregistrer. Ca a pris un certain temps, à cause des méthodes de travail auxquelles je faisais allusion. Pour l’aider à obtenir ce qu’il voulait obtenir. Il a fallu beaucoup d’écoute. Chacun a besoin d’avoir un complice, quelque part.
 
Pour continuer sur le sujet, que peux-tu dire de l’album des Wantones, auquel tu as participé ?

Ca s’est fait assez rapidement, en quelques jours, je crois. Un très bon souvenir, nous nous sommes bien amusés. Mais je ne suis pas particulièrement satisfait par le résultat final. Je ne sais pas quoi dire au sujet des Wantones, ça me laisse un peu perplexe. J’aime avoir plus de contrôle.
 
Est-ce que tu penses que tu es perfectionniste ?

Tout à fait. Pour le meilleur et pour le pire. Mais je pense que Lucien est aussi un perfectionniste. Et John, n’en parlons pas. Ca explique aussi un peu la distance entre 94 et maintenant.
 
Est-ce qu’on peut te considérer comme un esthète ? On dit aussi parfois que tu es un dandy.

On a tous une conception du beau. Ca nous rend tous des esthètes. Si on parle de Baudelaire, d’Oscar Wilde, de Verlaine, de Rimbaud et d’autres, il y a toujours une forme d’exhibitionnisme particulière, qui correspondrait peut-être à la définition de ce qu’est un dandy. C’est sûr que cette connexion avec le XIXe siècle a quelque chose à voir avec l’esthétisme. Ne serait-ce que la pochette du dernier album.
 
Justement, dans ton univers, la musique semble très liée à l’image.

Le cinéma a eu un impact, une très grande influence dans les Mabuses. J’adore Georges Méliès. Jean Vigo, Clouseau, Melville et bien d’autres. J’aime le cinéma, et comme je fais de la musique, c’est sûr que ça ressort.
 
On te sent aussi influencé par la littérature. Qu’est-ce qui t’inspire le plus dans ces domaines ?

Dans la littérature, j’aime une bonne histoire. J’aime ce que ça révèle. Quoiqu’on en dise, la littérature est toujours autobiographique. C’est une forme d’expression qui est très solitaire. C’est admirable de savoir écrire. Ca se retranscrit dans tout l’effort que je fais pour les paroles, qui requièrent une certaine attention. Ce n’est pas juste de la musique. Je n’ai jamais été un grand fan de poésie, mais ça commence à venir.
 
A propos de tes paroles, on ressent une forme de surréalisme, de non sens, d’humour absurde.

C’est peut-être le côté britannique. Une certaine distance, mais en même temps de l’autodérision. C’est important, et pas seulement dans la musique, dans la vie en général. J’aime entretenir une certaine notion de l’absurde. Je pense que l’humour et l’absurde sont extrêmement liés.
 
Est-ce que ce ne serait pas une manière de brouiller les pistes, de ne pas te dévoiler ?

Tout à fait. C’est pour ça qu’on s’appelle les Mabuses, c’est un personnage qui porte beaucoup de masques (Dr Mabuse est un film de Fritz Lang).
 
Tu disais que dans toute écriture il y a une part d’autobiographie. Ce que tu viens d’évoquer serait une manière d’éviter ou limiter cette part d’autobiographie, dans tes paroles ?

Non, au contraire, ça l’entretient. Cette vision de l’absurde est une partie intrinsèque de ce que je pense être. C’est même plutôt une façon de se révéler, même en brouillant les pistes. Mais je le fais très peu consciemment. Je n’essaye pas de faire le malin.
 
Est-ce que tu envisagerais de chanter en français ?

Non. Pas pour l’instant. Il faudrait déjà que j’aie la prétention d’écrire de bons textes en français, ce qui n’est pas chose aisée. Je pense que ma rencontre avec Lucien m’a rendu un peu moins hésitant à ce propos. Mais j’ai vu l’effort qu’il a fourni pour écrire ses propres textes et pour les chanter. Gainsbourg le faisait très bien, chanter en français. J’adore Gainsbourg, surtout dans les années 60. Mais ça ne me viendrait pas à l’idée, pour l’instant, de chanter en français. Il y a une sorte de complexe des Français dans la musique par rapport à la langue anglaise. Mais il y a de nouvelles choses intéressantes. Comme le groupe Holden. J’ai d’ailleurs joué avec eux. J’avais fait une sorte d’adaptation de « La Charogne » de Baudelaire. J’ai appris le français à travers les bandes dessinées, Tintin, Astérix, Blake et Mortimer, Blueberry, Tardi.
 
En dehors des paroles de chansons, as-tu écrit ou voudrais-tu écrire des textes ?

J’ai eu cette ambition assez longtemps. Et finalement je m’en suis un peu débarrassé. J’ai trop à faire. Il me faudrait une bonne histoire. Un livre comme Le Parfum, par exemple, est entièrement original. C’est tout simple. Je me demande pourquoi personne n’y avait pensé auparavant, tellement c’est évident. J’aurais un projet de scénario. Je n’ai jamais vu un bon film sur la vie d’Edgar Poe, par exemple, alors qu’il y a vraiment matière à faire. Il a eu une vie courte, pleine de rebondissements, pleine de voyages. Et Poe était un caractère, un personnage. Il a été éduqué en Angleterre. Ce film commencerait par son arrivée aux Etats-Unis. On a très peu d’informations factuelles sur sa vie.
 
As-tu déjà joué dans un film, ou l’envisagerais-tu ?

Non. Mais justement, Bertrand Bonello m’avait proposé de faire une apparition quelque part. On m’a souvent posé cette question. Mais je n’ai aucune prétention à être acteur.
 
Est-ce que tu aimerais faire des musiques de films ?

J’ai déjà fait des musiques de documentaires. Pour la BBC. Il y en a un qui s’appelait The Power Of Nightmares. Ca parlait d’al-Qaida et du rôle parallèle de la faction d’extrême-droite aux Etats-Unis. J’ai travaillé aussi avec Brian Eno. J’aime beaucoup son travail avec Nico sur The End, mais elle m’effraie un peu. J’apprécie également son travail avec le Velvet Underground. J’ai un ami qui a joué avec elle en tant que bassiste. Il s’appelle François Salemy. Nico est un précurseur. Elle m’évoque un peu Portishead. Il y a un côté triste chez Nico. Et chez Portishead. Ce n’est pas forcément le cadre dans lequel j’aimerais me retrouver.
 
Tu sembles évoluer de plus en plus dans des sphères exotiques, tropicales.

C’est possible. J’aime le côté sombre des choses, mais je le contrebalance par des choses très joviales. J’aime Siouxsie And The Banshees ou même The Sisters Of Mercy. The Cure évidemment. Nick Cave aussi. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises. Par le biais de Mute, en jouant avec Miranda Sex Garden. C’est une famille, en fait. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour Nick Cave. Mais il avait cette image d’enfant terrible. Je me souviens qu’il défrayait la chronique avec ses prises de drogue. Mais il s’en est détaché. Il y avait toujours du contenu dans ce qu’il faisait. Un titre comme « The Mercy Seat », par exemple, est le point de départ du titre de The Mabuses « We Rested Our Feet ». Sur le plan narratif, c’est le point de vue d’un condamné.
 
Si tu avais à citer un groupe, un album et une chanson préférés, ce serait lesquels ?

Le groupe, pas de problème, de toute façon, pour diverses raisons, on en revient toujours aux Beatles. Mon album préféré ? Il y en a tellement. Je n’ai pas vraiment envie de citer un album des Beatles, mais s’il y en avait un, ce serait, je pense, Revolver. Et une chanson ? « Caravan », de Duke Ellington. Harmoniquement, il y a quelque chose de presque monstrueux.
 
Quelles parts ont joué le blues et le jazz, éloignées de ton univers au départ plutôt post-punk, dans ta musique ?

Il y a une connexion Syd Barrett. Et tous ces groupes, les Beatles, les Rolling Stones, sont ancrés dans la musique noire. Donc ce n’est pas si surprenant que cela. J’ai traversé une période où je me suis intéressé à ces trois maîtres du blues que sont Charlie Patton, Blind Willy Johnson et Skip James. Ce sont des gens qui ont fait une semaine d’enregistrement mais qui ont laissé une œuvre très conséquente. C’est très particulier, techniquement aberrant, et très touchant.
 
Quelle musique écoutaient tes parents quand tu étais petit, qui éventuellement aurait pu influencer ton œuvre ?

J’ai hérité de toute la collection de disques de ma mère, qui était de la génération des années 60. Elle écoutait les Beatles, et tous les grands groupes des années 60. J’ai été complètement baigné dans cette musique. Je connais les Beatles depuis que je suis né, et c’est quelque chose que j’essaye d’entretenir. « We Can Work It Out » est une de mes chansons préférées. Je ne peux pas concevoir un monde sans les Beatles. Et sans Hitchcock. J’ai eu la chance d’être dans un milieu où on écoutait ce genre de choses. Mon père écoutait un peu plus de jazz, comme Charlie Mingus. Mais ça m’a moins touché. Plus tardivement.
 
Est-ce que tes parents jouaient de la musique ?

Absolument pas. Mais ma grand-mère chantait. Ca m’a beaucoup influencé sur l’idée de chanter. Elle chantait en écoutant la radio, des vieux standards anglais de l’Après-Guerre.
 
Tu sembles quelque peu insaisissable, vis-tu en Angleterre, à New York ou à Paris ?

Je vis en Angleterre, à Londres, mais je fais sans cesse la navette entre New York, Paris et Londres. Voilà à quoi se résume mon quotidien. Je suis une semaine ici, une semaine là. Ca a toujours été comme ça. Depuis le deuxième album. Avec quelques expéditions, notamment en Californie.
 
Est-ce que tu as le goût des voyages, en dehors de ces trois pôles ? Il y a par exemple sur le dernier album une chanson qui évoque Cuba.

J’ai le goût des voyages, découvrir des choses que je n’ai jamais vues, rencontrer des personnes que je n’ai jamais rencontrées, et être exposé à des cultures qui me sont complètement étrangères. Mais je n’ai pas encore assez exploré ce goût des voyages, ça se limite à Londres et à New York. Je ne suis pas un explorateur. Mais j’aime changer les circonstances dans lesquelles je me trouve. Voir quelque chose de différent, et apprendre. J’espère voyager encore plus. Je suis assez intéressé par la culture japonaise. Je la trouve étrange. J’aimerais aussi aller à Cuba.
 
Donc ta chanson sur Cuba est plutôt de l’ordre du fantasme ?

Tout à fait.  Avec John, nous avons décidé de passer un peu de temps, lors de nos vieux jours, à Cuba. C’est une sorte de romantisme à la Hemingway. Avec de bonnes musiques, des cocktails. Cette chanson, « Havana », a très peu à voir avec Cuba, finalement. L’origine de cette chanson, c’est une anecdote qu’on m’avait relatée. Un ayatollah qu’on avait banni de sa ville. On l’avait attaché sur une mule et on l’avait lâché en plein désert. Il était revenu saisir le pouvoir, peu de temps après, avec une hargne et un esprit de revanche.
 
Ca rappelle un peu Mahomet ?

Un tout petit peu. Je crois qu’il s’agissait de l’ayatollah Khomeiny. C’était le point de départ de cette chanson, je ne sais pas pourquoi j’en suis arrivé à « Havanah ». Je m’imaginais ce personnage, non pas revenir, mais finir ses jours dans un lieu paradisiaque, tel que je m’imagine Cuba l’être. Un mélange entre Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston et Under The Volcano. Il y a une scène où joue le père de John Huston, il est dans un hamac et il y a trois femmes qui s’affairent autour de lui pour lui servir de la tequila avec le sel. Il est dans un état d’extase.
 
Ces femmes n’évoqueraient pas les houris, ces vierges qui accueillent les musulmans au Paradis ?

Pas très catholique tout ça. (Il rit.) J’ai justement regardé un documentaire sur le terrorisme. Les terroristes prenaient comme justification qu’ils allaient aller au Paradis et pouvoir enfin goûter à tous ces plaisirs avec quarante vierges. Je trouve ça très peu religieux comme ambition. Ce n’est pas un Paradis intellectuel mais un Paradis physique, où on peut se laisser aller à ce genre de pratiques. Ca ne m’intéresse absolument pas, ce n’est pas ma conception du Paradis. C’est très étrange… et étranger. Mais je ne pense pas que ce soit le but de tous les islamistes.
 
As-tu des croyances spirituelles voire religieuses ?

Non. Je n’appartiens à aucun groupe religieux. Tout fondamentalisme me gêne. Le judaïsme, le christianisme, l’islam, ça me déplait tout ça.
 
As-tu été élevé dans un milieu religieux ?

Milieu catholique. Catholique irlandais. Mon nom est irlandais. Ce que j’aime dans la religion, c’est la musique. J’aimais accompagner mes grands-parents à l’église, parce que les gens chantaient. C’était quelque chose de drôle et de touchant en même temps.
 
A quel âge as-tu commencé à faire de la musique, et avec quel instrument ?

J’ai eu des cours de piano quand j’étais enfant. Vers l’âge de douze ans on m’a offert une guitare acoustique. Au début je voulais être bassiste.
 
Qu’est-ce que tu utilises comme guitares ?

Une Jaguar généralement. J’aime la forme et le son. Et une Epiphone Casino. Comme sur Revolver des Beatles. Un son propre mais en même temps distordu. Et une guitare acoustique Martin. J’aime aussi le son des guitares 12 cordes, il y en a notamment sur « We Rested Our Feet ». Les Beatles utilisaient des Rickenbacker 12 cordes. Par exemple, sur tout l’album A Hard Days’s Night. J’utilise également  une basse Fender Precision. Mais je ne suis pas bassiste.
 
Comment envisages-tu le concert du 21 mai prochain à Paris au Café de la Danse ?

Le line up sera constitué de Donna au violon, deux guitares, basse, batterie, ukulélé, piano. Quant à mes attentes vis-à-vis de ce concert, j’ai l’ambition d’aimer ce que je joue, tout simplement. C’est le plus important. Ca peut être très bon, ça peut être une catastrophe aussi. Nous allons reprendre « Hog of the Forsaken », de Michael Hurley, qui est une chanson extrêmement étrange, country, mais avec des tonalités orientales, presque chinoises. Une chanson très bizarre, très bonne et très drôle. Nous allons jouer quelques titres du premier album, dont « We Rested Our Feet », et, du second album, « She Went Wild » et peut-être « Whose Party Is This? ». Mais nous n’allons pas vraiment revisiter le passé. Il y aura quelques vieux titres, on verra. L’improvisation, dans tout ça, n’est pas à négliger.
 

 
 
Merci à Jennifer Hayet d’avoir permis cette interview.




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