Forum =Serge Gainsbourg=
Hommage
 


Posté le 16 avril 2010 à 08 h 12m 35s

Ça manque de controverse en carton en ce moment j'me disais pas plus tard qu'il y a deux jours... or v'là t-y pas qu'hier je tombe sur un texte "polémique" consacré à l'intouchable de le chanson française, texte signé Marc-Edouard Nabe (aka "l'infameux des Lettres Françaises"), et paru en 1989 suite au premier infarctus de l'homme à la tête de kraut. C'est un peu facile (et parfois on a l'impression que Nabe parle plus de son impuissance que de celle de Gainsbourg c'est troublant) et franchement haineux mais bon un autre son de cloche après tout le ramdam (télé, radio, journaux, web, ma concierge, mon coiffeur) fait autour du biopic de ce prétendu héro, c'est assez... enthousiasmant. "Kill your idol" comme dirait l'autre.

"Tous les journaux ont déjà en réserve l'article nécrologique sur Serge Gainsbourg. Les plus laborieux pigistes ont commencé leurs papiers fleuris. Les ateliers d'éloges se mettent doucement en branle. Tout est prêt pour enfumer d'encens qui nous noyait dans son brouillard de Gitanes. Ah ! Ça va être unanime, la perte du grand tendre, les larmes des bourgeoises sur le provo au cœur d'artichaut d'or, le singe sensible qui souffre...
Gainsbourg souffre, c'est ça qui plaît. Il souffre d'avoir été un presqu'artiste. Ainsi tant d'autres se retrouvent en lui. Quelle émotion ! On plaint toujours un type qui n'a pas eu ce que les lâches appellent "la chance" d'être Picasso, mais on ne plaint jamais Picasso. Si Gainsbourg est si malheureux c'est qu'il porte la croix des grands. Elle est lourde celle du vrai artiste qui en chie autrement qu'en se lamentant toute sa vie de n'être qu'un talentueux chansonnier français de la fin du vingtième siècle ! Gainsbourg est intelligent mais il ne comprend pas pourquoi Chopin est Chopin. Au début de sa carrière, il voulait sincèrement savoir, maintenant il s'en fout, il a pitoyablement laissé aller sa nature de larve fainéante destroy, il s'est oublié comme un vieillard pisse une urine amère, il s'est suicidé sous lui.
Il croyait peut-être que ça suffirait de jouer au poivrot grossier, mal rasé, sûr de lui, contradictoire, imprévisible, masochiste, humiliant, désespéré : toute la caricature la plus vieillotte de l'"artiste", tel que l'impuissant s'en fait l'idée, toute l'écharpe de travers que le premier bouffon venu un peu complexé du pinceau, du clavier ou du stylo plume s'enroule autour du cou cicatrisé. Gainsbourg, il ne faut pas lui pardonner, parce qu'il ne se pardonne pas lui-même d'être ce qu'il est. Il boit pour oublier vraiment, oublier qu'il n'est pas Mantegna ou même Picabia ; oublier que la violence et la beauté, il ne sait pas les faire ; oublier que la vulgarité il ne sait pas par quel vagin la prendre ; oublier que le délabrement physique il n'arrive pas à lui donner une âme ; oublier que la provocation, il la gâche par un bon sentiment ; oublier que le pathétique de son incapacité, il ne parvient pas à le rendre émouvant ; oublier que le retour aux vraies valeurs artistiques, il n'en donne que l'illusion ; oublier que le fameux billet brûlé il l'a fait renaître de ses cendres en le multipliant pour une bonne œuvre dans une bourrade applaudissable ; oublier que sa macaque de fille, il ne lui fout pas sa bite vraiment ; oublier que sa misogynie n'est que tendresse et son irrévérence respect profond des traditions, et enfin oublier que son humiliation de faux grand pudique n'est qu'une réelle prétention incurable, trognonne, déguisée en pudeur misérablement exacerbée par des calembours ! Il n'est ni révolté, ni classique, ni fragile, ni pitoyable : il est lamentable au premier degré, comme le dernier des ratés, avec cette différence toute petite, c'est que lui, il a réussi.
Il aurait voulu donner plus, mais le plus laid des hommes ne peut donner que ce qu'il a. Il possède des tableaux de maîtres chez lui pour ne pas avoir à en peindre. Ah ! La peinture ! Voilà son point faible, son point mort.
Gainsbourg a passé son temps à nous faire croire qu'il était fait pour ça. C'est faux. Ce n'est pas un peintre contrarié. Avec sa torve gueule de faux Soutine, il ne pouvait être pris en modèle que par les haineux de l'art, les rockers incultes et les exhibitionnistes de sensibleries. Alcoolique professionnel, simulateur, paumé, demi-chanteur, demi-mélodiste, demi-parolier, demi-provocateur, demi-incestueux, demi-barbu, demi-russe, demi-tout. Il se prend pour un cinéaste : un plan de Gainsbourg ferait rire le cadavre de Jacques Tati. Il est persuadé d'être écrivain : son "roman" de prouts poussifs se lit sous le manteau de l'indigence. Il se croit sincèrement pianiste de jazz bar : Erroll Garner lui crache à la gueule du fin fond du Paradis. Son culot est tel, son manque d'orgueil est si profond que ça marche : les gogos gobent à l'assurance : il se vante tellement qu'on finit par lui tresser quelques réputations. Toutes ces carrières brisées involontairement au profit de l'alcoolisme mondain, si c'est pas malheureux, c'est beau ! Alors que l'art mineur qu'il méprise tant est bien le maximum qu'il pouvait atteindre Serge Gainsbourg. Pas de surprise ! Il aurait été incapable de faire un peintre, même médiocre, un réalisateur potable ou même un compositeur sous-bon. Ce n'est même pas un "touche-à-tout" comme Cocteau : Gainsbourg est un touche-à-rien. La grande imposture est qu'on lui reproche de manipuler les médias au détriment de son œuvre musicale. Alors qu'il ya longtemps qu'il n'ya plus de mélodies dans ses rocks reggae comme du papier à musique, dans ses slows nauséeux, ses New Yorkeries convenues.
Pour le sauver, c'est toute la carcasse qu'il faudrait reprendre. Toute la barbe à raser (ou à laisser pousser, qu'il se décide !). Savez-vous pourquoi il est toujours mal rasé ? Parce qu'il n'a jamais osé se laisser pousser la moustache que Marcel Duchamp a rajouté à la Joconde. Gainsbourg, c'est Cirrhose Sélavy.
Alors, quand il se retrouve tout seul sur son pouf d'ignorance, dans son appartement tout noir devant sa page toute blanche, il en rigole plus Serge Gainsbourg. Ça ne marche plus devant la glace l'argument hypervulgaire de la vente de disques, du livre nul mais chez Gallimard, de la qualité de dessins de Klee qui rejaillit sur ceux du collectionneur, des belles putes dans la salle des trophées, de la jeunesse mongoloïde accrochée à ses bons maux. Désormais ses grandes oreilles, ses cheveux gras, et ses petites lèvres susurrantes, sa barbe de 3 jours soigneusement entretenue, ses cigarettes enchaînées à ses tremblements, ses pouces dans les poches, ses mots d'anglais mâtinés de militarisme, son air entendu et son impudence de grand professionnel ne lui servent pas à grand chose pour crever. Gainsbarre et Gainsbourg ne forment plus qu'un seul Gainsbeurk qui n'en finit pas de roter son dernier soupir.
Maintenant le mourant va mourir. Sans alcool, sans tabac, sans coups de Bambou, juste avec sa gloire frelatée : c'est maigre pour se rendre au Jugement Dernier. Il n'aura même pas la satisfaction de voir partir son Lulu au service militaire, lui qui aime tant l'armée, l'ordre, le flic, le rock, la mort aussi, tous ces ersatz de virilité qui lui interdisent de se concentrer sur la vraie question :" Pourquoi ne suis-je donc pas un génie ?"
Réponse au prochain infarctus."

MARC-EDOUARD NABE
L'Idiot International, 25 octobre 1989.

---[Edité le 16/04/2010 à 08 h 26 par Ismael Jünger]---

Posté le 16 avril 2010 à 08 h 30m 50s

Aucune saveur, aucun recul, c'est nul et inutile puisque ce genre de texte péremptoire sans aucune dextérité stylistique n'appelle aucun débat...

VAIN....


Posté le 16 avril 2010 à 08 h 42m 47s

Bah c'est son fond de commerce à Nabe, le jeu de massacre et la détestation.

Après à l'inverse pas sûr que le côté "vache sacrée" et l'"icônisation", la "panthéonisation" à laquelle on a assisté ces derniers mois fasse preuve de plus de saveur et de recul, et soit moins vaine et inutile, à la limite j'la trouve encore plus nuisible.

Par ailleurs Nabe m'agace mais je lui reconnais une certaine "dextérité stylistique"

(contrairement à Sfar par exemple )


Posté le 16 avril 2010 à 08 h 45m 09s

Je parle de Joann Sfar hein !
Pas de la MILF qui veut débaucher Vamos


Posté le 16 avril 2010 à 10 h 54m 05s

merci Isma.

Les petits pamphlicules de Nabe sont toujours bons, leurs positions toujours douteuses, souvent ridicules, voire néfastes meuh bon, personne ne le prend pour autre chose qu'il n'est ce petit jazzouilleux, et pareil que toi, son style me fait bien marrer.


Posté le 16 avril 2010 à 11 h 18m 38s

Et a l'époque nous 5SHAZAM° nous chantions :

Gainsbar se bourre, Gainsbourg se barre
Douze coups de blues résonnent au bar
Pudeur de l'âme, retour de flamme
Melody man

A fleur de peau Edgar Allan
Sur ton piano ton corps qui cane
Y'a plus le tempo dans tes gitanes
Melody man

J'aime pas le show-biz, fait chier
Un dernier petit trou m'a touché
Dieu seul reconnaîtra... Lucien

Gainsbar se bourre, Gainsbourg se barre
Arrêt moteur, la coda, fin de l'histoire
Amour des dames, Lolita drame
Melody man

Un bon petit gars tombeur de femmes
Affirmatif et poly gammes
Professionnel et melo man
Melody man

Je me casse au-dessus des nuages à jamais
Je suis plein et je suis délié
I'm all right baby, je me suis tiré
Tiré dans la bouche, Lulu
Straight and cool

La connerie des êtres humains, des gens vivants
C'est qu'ils côtoient les génies
Comme on côtoie un balayeur africain


Posté le 16 avril 2010 à 18 h 00m 49s

Il y a des balayeurs africains géniaux (je n'ai lu que la fin de ta littérature)


Posté le 16 avril 2010 à 18 h 09m 37s

Ce mec c'était Ungemuth avant l'heure quoi...
C'est aussi con et facile de massacrer quelqu'un que de l'idolatrer...

Mais au moins celui qui idolatre fait passer sa passion (souvent, quand il ne suit pas un mouvement de hype, etc...) tandisque celui qui attaque ne fait passer que sa haine ou son mépris.

Mais c'est une question intéressante, est-ce que les critiques doivent parler des trucs qu'ils n'aiment pas ou se contenter de parler de ce qu'ils aiment? Je veux dire moi (je suis pas critique mais bon) je préfère faire passer mon amour pour la musique que j'aime, plutot que de m'attaquer à un artiste que je n'aime pas ou qui ne m'intéresse pas.
Ca ne m'intéresse même pas de parler Britney Spears par exemple. Mais bon, je sais pas... A méditer, je reviendrais vous voir quand j'aurai trancher la question

---[Edité le 16/04/2010 à 18 h 11 par Weeeed]---

Posté le 16 avril 2010 à 18 h 53m 53s

Un peu trop haineux, mais je lui suis grès de dire du mal de Gainsbourg
Même si j'aime quelques trucs de lui tout de même, le personnage (creux, comme le souligne Nabe) et son statut de vache sacrée quoi qu'il dise ou produise est franchement insupportable; et ce type est loin d'être un génie selon moi.

C'est quand même mieux écrit que Ungemuth faut pas déconner

---[Edité le 16/04/2010 à 19 h 02 par Thelonius]---

Posté le 16 avril 2010 à 19 h 08m 56s

C'est un génie surtout dans le choix de ses arrangeurs (que serait Melody sans Vannier? pour ne citer que le plus connu).

Il était surtout super lucide (surtout au début) par exemple quand il disait que sur 10 chansons chantées par lui, une ou deux serait des 45t, alors que chantées par 10 interprètes différent(e)s, les 10 seraient des singles.
La qualité est forcément pas toujours au rendez vous, mais il savait mettre en bouche ce qu'il fallait pour ses chanteuses....

la preuve

http://www.youtube.com/watch?v=LOKfFXThdtw


Posté le 16 avril 2010 à 20 h 10m 36s

Et puis ne pas oublier que son billet de banque brûlé était un appel très en avance au Bouclier Fiscal enfin imposé par Sarkozy


Posté le 16 avril 2010 à 21 h 51m 43s

Thelonius is my copilot


Posté le 01 septembre 2011 à 13 h 42m 38s

Http://www.youtube.com/watch?v=NHQ8EphrEjc&feature=related

concert hommage à Gainsbourg, il y a quelques jours à l'Hollywood Bowl, avec l'orchestre de JC Vannier, et une flopée d'invités

ici Beck

http://www.youtube.com/watch?v=5CqRkvPxeRY&feature=related


Posté le 01 septembre 2011 à 14 h 16m 29s

J'aime bien le début de la chronique:
http://www.inside-rock.fr/Du-jazz-dans-le-ravin

"Gainsbourg, le génie français décadent que tous les mauvais groupes anglais des années 90/2000 adorent. Le type qui a pris France Gall pour une conne, le grand artiste qui a piqué la première moitié de ses mélodies aux compositeurs classiques et pioché la seconde dans le répertoire de la musique du monde, le Pygmalion qui faisait chanter des onomatopées à la future protectrice des bébés phoques quand ce n'était pas ses propres initiales. L'homme qui a transformé la Marseillaise en reggae ! Il fallait vraiment être génial pour commettre un truc pareil. Et on ne parle même pas de Gainsbarre, ses boîtes à rythme pourries, son éthylisme pathétique, ses calembours franco-anglais affligeants, ses borborygmes insupportables qui ressemblent à ceux des boulets ivres morts qu'on rencontre en fin de soirée en train d'expliquer à tout le monde qu'en fait ils sont super nets. Avec toutes ces casseroles, on n'oublierait presque ce que Serge Gainsbourg a réalisé de fantastique avant sa période François Léotard, et même avant sa conversion réussie mais intéressée au pop-rock."


Posté le 18 avril 2016 à 14 h 28m 57s

...Mes doigts on fourchés...

J'ai découvert pas mal d'émissions de radio à propos de la mort de Serge Gainsbourg. Le ton est très different de tout ce que j'ai pu voir à la TV. On sent vraiment un artiste proche de son public, notamment dans Nightlist: https://www.mamatinale.fr/search?page=2&q=Gainsbourg




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