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The Creatures In The Garden Of Lady Walton

The Creatures In The Garden Of Lady Walton

 Label :     Brassland 
 Sortie :    mardi 02 mars 2010 
 Format :  Album / CD   

On savait bien qu'un petit quelque chose avait changé la dernière fois. Derrière une prolixité instrumentale extrêmement limpide et oscillante en apparence, Lantern tentait pour la première fois de braver la passivité de son quatuor bien qu'elle souffrit vite de ne pouvoir s'exprimer complètement, à pleins poumons. Les cordes s'échauffaient avec constance et sans relâche mais restaient bloquées dans les méandres de tableaux dépourvus de sujet. Meurtries par l'impuissance de ses joueurs à ne pouvoir dire les mots, pétrifiés dans un rôle descriptif avec finalement pour seul rapport à l'humain leurs respirations lointaines. La volonté était pourtant là. Plus que jamais. Pas la force. Seul le titre homonyme accouchait la voix de Padma Newsome, hésitante et fébrile, avant que la fatalité ne retombe sur le groupe condamné à dépeindre plutôt qu'à agir et exprimer le vécu. Faire vivre ou laisser mourir... Voilà qui expliquait l'abattement général presque sinistre qui suivit le retour au mutisme, et eux de poursuivre leur chemin de croix, tourmenté et fluctuant, sans mot dire.

Il faudra néanmoins attendre mars 2010 pour que le chef d'orchestre de Clogs franchisse le pas. Car le déclic chez Newsome a bel et bien eu lieu. En effet, il séjourne en 2005 sur l'île de Ischia au large de Naples la tumultueuse, sur laquelle il explore les jardins de la Mortella créés par Lady Walton, épouse du compositeur anglais du même nom. Un morceau de terre où se rencontre nature et culture avec abondance et mixité : la végétation se complait dans un micro climat accueillant tandis que de nombreux évènements musicaux se succèdent durant la saison en y épousant les décors luxueux. L'isolation de Newsome sur cette île n'est pas une mise en demeure, loin de là. C'est une véritable expérience sensorielle qui se met en marche. Les sens sont libérés, l'imaginaire est désinhibé, la vision au monde s'ouvre avec l'émerveillement d'un nouveau né. Le théâtre de verdure inventé par Lady Walton devient ouvertement le lieu d'expression d'un récit romanesque effaçant pour de bon la passion de l'australien pour les fresques évocatrices parfois engourdies et quelques peu figées.

Comme dans un conte, il faut une incantation à capella pour invoquer les créatures du jardin à venir participer à cette nouvelle mouture. Les voix du quatuor jaillissent et s'entremêlent sur "Cocodrillo" comme l'auraient fait leurs instruments. Or il n'y en a aucun. La transition est très belle et symbolique. Padma Newsome a converti Bryce Dessner, Rachael Elliott et Thomas Kozumplik dans sa démarche et fait une dernière révérence avant de s'effacer doucement. The Creatures In The Garden Of Lady Walton racontera la mise en voix des protagonistes de l'univers Pierre et le Loup du groupe dans des fables instrumentales cependant bien moins exotiques qu'ont pu l'être les premiers opus. L'album voit par conséquent fleurir les portraits de personnages familiers, un peu craintifs pour imprimer un décor qui propose timidement l'hospitalité. La sirène lyrique Shara Worden (My Brightest Diamond) s'aventure dans des compositions surréelles dans une atmosphère Renaissance moite et austère, presque autant de requiems ne parvenant pas à couper le cordon avec le passé, la voix spectrale de Sufjan Stevens apparaît également sur "We Were Here" éphémère et évasive mais c'est sans doute l'intervention de Matt Berninger (The National) qui captive le plus, dans un canevas de guitare obsédant et onduleux.

A travers tous les textes ce sont d'ailleurs ses mots qui interpellent. "If this was our last time, what would we do, what would we say then ?". Clogs s'exprime à haute voix pour la première fois et durablement néanmoins à travers des ambassadeurs dont le plus éminent utilise son temps de parole pour bousculer l'ordre établi. Et si alors, ces voix, ces créatures, n'étaient qu'un détour pour mieux souligner les accompagnements ainsi que les quelques intermèdes qui parcourent cet album ? En effet, jamais une guitare n'a autant pénétré la chair que sur "Last Song" justement ou retenti avec autant de vigueur et d'espérance que sur "I Used To Do" rappelant les assauts éclairés de Bell Orchestre. Idem pour "Read Seas" dont le feedback de la voix de Newsome sur le corps instrumental libère une puissance sourde de cuivres orageux jusque là inédite. Ainsi lorsqu'on parcourt en sens inverse l'album, on découvre une cascade d'éléments qui témoigne d'un groupe réussissant enfin à s'exprimer clairement. Clogs fait partager ses convictions sans forcément passer par les mots mais simplement modifie son langage instrumental, le simplifie autour d'une guitare centrale et apprend à tourner les pages d'une vie ou de tranches de vies comme celles d'un roman. Le groupe renouvelle et pérennise ainsi une synergie toujours aussi magique.


Parfait   17/20
par TiComo La Fuera


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