Booka Shade

Movements

Movements

 Label :     Get Physical 
 Sortie :    dimanche 07 mai 2006 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

On est en 2006. Ca fait bientôt 4 ans que le NME est ma page d'accueil sur Internet et que je ne rate aucun phénomène britannique. Mais il se trouve que la dernière génération commence à me faire chier. Arctic Monkeys, The View, The Enemy... J'ai envie d'entendre quelque chose qui change un peu. Grâce à mon amour naissant pour Depeche Mode, les bons souvenirs des hits de la French Touch de l'époque du collège, je m'en vais fouiner du côté de la musique électronique. #1 de Fischerspooner me mène du côté de l'electro-clash, Movements de Booka Shade sera mon guide dans le monde de la techno minimale. Walter Merziger et Arno Kammermeier vont me faire comprendre qu'il n'y a pas que les guitares anglaises et américaines dans la musique, que tout un pan de la musique contemporaine est caché. Avec eux j'ai pu découvrir l'Allemagne électronique, le trio magique des labels de Minimale (l'austère Kompakt, l'arty BPitch Control, et le leur, le sexy Get Physical), les multiples talents qui ont éclos pendant l'euphorie de la réunification et qui ont célébré cet évènement par cette musique hédoniste sans jamais oublier l'héritage new-wave et kraut.

Mais revenons à nos moutons. Movements peut vraiment être qualifié d'album culte, dans le sens où je pense qu'il a fait découvrir la techno minimale à beaucoup de monde hors des clubs de Berlin et Francfort. Ah la minimale...Quelle musique particulière ! Elle répond à tous les clichés qui font que la musique électronique est si critiquée par certains ! Répétitive, froide au premier abord, il est impossible de nier qu'on s'éloigne du format pop. Sur cet album, on ne retrouve que des instrumentaux, au premier abord peu inspirés. Il faut dire que la mélodie n'est pas vraiment ce qui est privilégié dans ce genre de musique, on n'écoute pas ce disque comme un disque de chansons. Les morceaux sont tous construits autour d'un thème très simple étiré pendant plusieurs minutes, ce qui donne cet aspect répétitif. Mais l'intérêt ne réside pas dans ce dernier. Ce qui est fascinant dans la minimale, c'est ce que l'on peut entendre "autour" de ce thème. La production est la quintessence même de la minimale. Comme son nom l'indique, elle utilise avec parcimonie quelques détails très discrets qui viennent "habiller" le thème principal.
Prenons comme exemple le tube de l'album, la célébrissime "Body Language" Autour d'une ligne de basse simple et sexy, le groupe ajoute à tour de rôle différents beats discrets, de légères nappes de synthé, mais aussi beaucoup de breaks. Ce qui m'a saisi dans cet album, c'est que le silence est utilisé comme un moyen à part entière. Les instrumentaux prennent rarement le dessus, j'ai souvent l'impression de les entendre perdus au milieu de ce silence prêt à les happer à tout moment.
Ainsi, Booka Shade sur cet album nous propose douze morceaux riches et vraiment variés. Il possède son lot de tubes ("Body Language", "Mandarine Girl", "Darko", "In White Rooms") mais aussi des pièces beaucoup plus austères comme "Night Falls" ou "Paper Moon", voire carrément expérimentaux comme "Hallelujah USA". Le tracklisting est fait de façon intelligente : jamais l'austérité n'accable, jamais l'efficacité n'est racoleuse, et l'écoute se révèle passionnante.
Un autre point qui fait la force de Booka Shade m'a été fourni par un ami. Ce dernier n'est absolument pas intéressé par la musique mais a néanmoins flashé sur cet album, en évoquant la beauté des sonorités utilisées. Et oui. Sur Movements, pas de beats tonitruants, pas de saturation. Au contraire, les sonorités sont très douces, rondes et aqueuses. Cette musique me paraît très féminine. L'aspect machinique ou industriel est lui aussi assez limité. Les beats sont malaxées, étouffés, et ont souvent un aspect organique; les synthés quant à eux sont discrets, planants et rehaussés d'échos moelleux.
La qualité des morceaux fait aussi la force de Movements. Ça sent bon le travail d'orfèvre, le perfectionnisme minutieux. Les constructions sont intelligentes et très variées. Les grooves synthétiques de "Paper Moon" et "The Bird and The Beat" succèdent élégamment au doucement exalté "Darko" (superbe intro synthétique, montée épique) sans jamais choquer. Le chef d'œuvre "In White Rooms" inaugure un passionnant voyage éthéré, sur un rythme enivrant rehaussé par des synthés vibrants tandis que le groupe multiplie les faux-départs pour nous tenir en haleine. "Wasting Time" revisite la new-wave sur un rythmé faussement endiablé, "Take a Ride" montre la maîtrise impressionnante qu'à le duo des percussions. Le tube "Mandarine Girl" a quant à lui marqué les esprits d'une multitude de gens avec ce beat qui évoque un souffle. Vous l'avez compris, chaque morceau de cet album est fignolé jusqu'au moindre détail, les beats et effets ne se répètent jamais. La multitude de sonorités utilisées est réellement sidérante. A ceux qui disent que l'électronique n'a aucun charme, je répondrais que ces sonorités surnaturelles sont absolument magiques, dans la mesure où on ne sait vraiment pas comment elles sont produites...

Movements est donc un album d'une richesse effarante, à la fois accessible et complexe, ayant valeur de manifeste pour le genre de musique qu'il l'a utilisé. Personnellement, il a révolutionné mon rapport à la musique en général, à la musique dance et électronique en particulier. J'ai compris qu'il était possible de faire lremuer sur une musique intelligente et fascinante, qu'elle pouvait être écoutée pour autre chose que son efficacité. Sexy, intelligent, physique, élégant, riche : les adjectifs ne manquent pas pour flatter le son Booka Shade !


Exceptionnel ! !   19/20
par Vamos


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