Recoil
SubHuman |
Label :
Mute |
||||
Insaisissable Alan Wilder. Homme de l'ombre dans Depeche Mode pendant plus de 10 ans, l'anglais ne s'est pour autant pas plus dévoilé par le biais de son projet solo Recoil.
Petit rappel des faits : Hydrology Plus 1+2, son premier album, marquait en 1988 l'émancipation d'un compositeur visiblement doué mais frustré : rattaché malgré lui au monstre mainstream, Wilder inséra à l'époque des samples de Depeche Mode au sein de ses longues pièces instrumentales.
Cela le desservit, les samples amputant une part de la personnalité à des compositions pourtant réellement originales.
D'ailleurs, son premier morceau, "Grain", justement exempt de fantômes modiens, reste encore aujourd'hui un modèle en matière d'expérimentations mélodiques. Seul au piano, accompagné de quelques sons ambiant, Wilder triture une seule et même mélodie désespérée pendant plus de 7 minutes... Unique, angoissant, à l'image du reste de l'album.
En 1992 sort Bloodline, deuxième effort solo de Wilder ; le projet semble alors plus concret, plus identifiable et surtout plus abordable.
L'anglais s'accompagne désormais de chanteurs masculin et féminin qui posent leurs voix sur des compositions toujours ultra machiniques et malsaines : le résultat reste intéressant car ambitieux, mais il faut reconnaître qu'aujourd'hui certains sons ont mal vieilli... Et en électronique, cela ne pardonne pas ! Certainement une étape nécessaire pour son créateur, mais dispensable pour les auditeurs.
La suite est mieux connue : en 1995, Alan Wilder, fatigué par Depeche Mode, jette l'éponge pour mieux se consacrer à Recoil.
Et c'est là que les choses sérieuses commencent : en 1997 puis en 2000 sortent deux albums références d'électronique-ambiant, d'abord Unsound Methods puis Liquid.
L'un comme l'autre brillent par leur climat moite, des ambiances torturées et épiques ; certaines marques jazzy et bluesy apparaissent puis se confirment, et surtout, les sons sont proprement magnifiques.
Recoil devient alors un projet insondable, tiraillé entre des racines roots et des aspirations carrément expérimentales ; une sorte de B.O. pour films imaginaires (on pourrait dire thriller SF pour Unsound Methods, chronique urbaine glauque pour Liquid).
Après ces deux coups de maître, Alan Wilder a visiblement eu envie de prendre du recul (l'homme parlait même un temps d'arrêter la musique) : pas moins de 7 ans d'attente avant la parution de ce fameux subHuman tant attendu... Sans que l'on sache rien de la vie du bonhomme entre temps, bien entendu.
Et ce n'est pas ce nouveau disque qui éclairera notre lanterne : il fallait s'y attendre, en 7 ans de temps, Recoil allait forcément évoluer.
Ainsi, sans trop de surprises, subHuman pousse l'expérimentation encore plus loin (on aimerait en dire autant pour tous les artistes !) : entraînée par la voix rocailleuse de Joe Richardson, sa guitare électrique et son harmonica tout droit sortis du Mississipi des fifties, la musique de Recoil, toujours électronique, se mystifie sous nos yeux en blues homérique, parasité de bruits industriels et de cordes synthétiques.
Mais ce qui marque aussi subHuman, c'est ce groove ultra puissant qui domine toutes les compositions, "Intruders", "99 To Life" et "Backslider" en tête. Le batteur Richard Lamm, présent sur tout l'album (et compagnon de route de Joe Richardson), insuffle une force peu commune aux compositions sinueuses de Wilder, qui trouvent là une résonance toute particulière. Après l'écoute de ce dernier opus, on ne garde pas en tête l'idée d'une musique électronique complexe, mais plutôt celle d'un nouveau blues, donc, à la fois industriel et profondément chaud.
SubHuman est une nouvelle pierre apportée à un édifice toujours plus complexe, une merveille d'innovation, un bonheur pour tous les amateurs d'expérimentations sonores. A écouter de toute urgence, avant qu'il ne tombe dans l'oubli de cet été 2007 !
Petit rappel des faits : Hydrology Plus 1+2, son premier album, marquait en 1988 l'émancipation d'un compositeur visiblement doué mais frustré : rattaché malgré lui au monstre mainstream, Wilder inséra à l'époque des samples de Depeche Mode au sein de ses longues pièces instrumentales.
Cela le desservit, les samples amputant une part de la personnalité à des compositions pourtant réellement originales.
D'ailleurs, son premier morceau, "Grain", justement exempt de fantômes modiens, reste encore aujourd'hui un modèle en matière d'expérimentations mélodiques. Seul au piano, accompagné de quelques sons ambiant, Wilder triture une seule et même mélodie désespérée pendant plus de 7 minutes... Unique, angoissant, à l'image du reste de l'album.
En 1992 sort Bloodline, deuxième effort solo de Wilder ; le projet semble alors plus concret, plus identifiable et surtout plus abordable.
L'anglais s'accompagne désormais de chanteurs masculin et féminin qui posent leurs voix sur des compositions toujours ultra machiniques et malsaines : le résultat reste intéressant car ambitieux, mais il faut reconnaître qu'aujourd'hui certains sons ont mal vieilli... Et en électronique, cela ne pardonne pas ! Certainement une étape nécessaire pour son créateur, mais dispensable pour les auditeurs.
La suite est mieux connue : en 1995, Alan Wilder, fatigué par Depeche Mode, jette l'éponge pour mieux se consacrer à Recoil.
Et c'est là que les choses sérieuses commencent : en 1997 puis en 2000 sortent deux albums références d'électronique-ambiant, d'abord Unsound Methods puis Liquid.
L'un comme l'autre brillent par leur climat moite, des ambiances torturées et épiques ; certaines marques jazzy et bluesy apparaissent puis se confirment, et surtout, les sons sont proprement magnifiques.
Recoil devient alors un projet insondable, tiraillé entre des racines roots et des aspirations carrément expérimentales ; une sorte de B.O. pour films imaginaires (on pourrait dire thriller SF pour Unsound Methods, chronique urbaine glauque pour Liquid).
Après ces deux coups de maître, Alan Wilder a visiblement eu envie de prendre du recul (l'homme parlait même un temps d'arrêter la musique) : pas moins de 7 ans d'attente avant la parution de ce fameux subHuman tant attendu... Sans que l'on sache rien de la vie du bonhomme entre temps, bien entendu.
Et ce n'est pas ce nouveau disque qui éclairera notre lanterne : il fallait s'y attendre, en 7 ans de temps, Recoil allait forcément évoluer.
Ainsi, sans trop de surprises, subHuman pousse l'expérimentation encore plus loin (on aimerait en dire autant pour tous les artistes !) : entraînée par la voix rocailleuse de Joe Richardson, sa guitare électrique et son harmonica tout droit sortis du Mississipi des fifties, la musique de Recoil, toujours électronique, se mystifie sous nos yeux en blues homérique, parasité de bruits industriels et de cordes synthétiques.
Mais ce qui marque aussi subHuman, c'est ce groove ultra puissant qui domine toutes les compositions, "Intruders", "99 To Life" et "Backslider" en tête. Le batteur Richard Lamm, présent sur tout l'album (et compagnon de route de Joe Richardson), insuffle une force peu commune aux compositions sinueuses de Wilder, qui trouvent là une résonance toute particulière. Après l'écoute de ce dernier opus, on ne garde pas en tête l'idée d'une musique électronique complexe, mais plutôt celle d'un nouveau blues, donc, à la fois industriel et profondément chaud.
SubHuman est une nouvelle pierre apportée à un édifice toujours plus complexe, une merveille d'innovation, un bonheur pour tous les amateurs d'expérimentations sonores. A écouter de toute urgence, avant qu'il ne tombe dans l'oubli de cet été 2007 !
Excellent ! 18/20 | par Jekyll |
Posté le 28 août 2007 à 13 h 47 |
'I want you !' : Souvenez vous de cette phrase récurrente dans Lost Highway de David Lynch !!! Si SubHuman renvoie immanquablement à l'atmosphère de Lynch, il s'agit là d'un voyage à travers les émotions, à chaque plongée dans cet univers froid et magnétique on peut donc y créer son propre film, là est toute la puissance de Recoil.
Si l'ensemble de la discographie peut paraître conceptuelle, c'est que son géniteur a toujours souhaité évoluer librement, dans ce sens, SubHuman lorgne toujours vers l'expérimentation de différents univers en produisant des sons différents, mais en exploitant de manière magistrale les instruments classiques (piano, guitare, basse), ici sublimés par des arrangements qui dépassent l'imagination, sans exagérer !!!
Inutile de préciser que la qualité de la production est hallucinante, donnant à l'ensemble cette richesse musicale inouïe et ces ambiances si... intemporelles, blues, ambiant, jazz, electro ? 'On ne sait plus... et justement, quelle importance !?Loin de toutes ces productions jetables qui finissent par lasser à la dixième écoute et qui véhiculent toujours le même sentiment de déjà vu (entendu), le projet d'Alan Wilder se démarque par une formidable propension à évoluer, se renouveler et projeter l'auditeur dans un univers cinématographique, à chacun son film, à chacun son puzzle, les atmosphères mécaniques sont tantôt caressées par la voix gracile et sur le fil de Carla Trevaski ("Allelujah", "Intruders") tantôt assombries par celle, inquiétante et envoûtante, du Bluesman Joe Richardson (un truc de malade).
Subhuman est un univers à lui seul, chaque chanson est une étoile engendrée par une atmosphère nébuleuse où la froideur du métal côtoie la chaleur du sexe, célébrant la naissance d'une biomécanique implacable mais subtile, qui saura vous pénétrer avec douceur et vous secouer avec grâce.
Abandonnez-vous, abandonnez tout, vous êtes sur une autoroute perdue !
Rock'n'roll !!!
Si l'ensemble de la discographie peut paraître conceptuelle, c'est que son géniteur a toujours souhaité évoluer librement, dans ce sens, SubHuman lorgne toujours vers l'expérimentation de différents univers en produisant des sons différents, mais en exploitant de manière magistrale les instruments classiques (piano, guitare, basse), ici sublimés par des arrangements qui dépassent l'imagination, sans exagérer !!!
Inutile de préciser que la qualité de la production est hallucinante, donnant à l'ensemble cette richesse musicale inouïe et ces ambiances si... intemporelles, blues, ambiant, jazz, electro ? 'On ne sait plus... et justement, quelle importance !?Loin de toutes ces productions jetables qui finissent par lasser à la dixième écoute et qui véhiculent toujours le même sentiment de déjà vu (entendu), le projet d'Alan Wilder se démarque par une formidable propension à évoluer, se renouveler et projeter l'auditeur dans un univers cinématographique, à chacun son film, à chacun son puzzle, les atmosphères mécaniques sont tantôt caressées par la voix gracile et sur le fil de Carla Trevaski ("Allelujah", "Intruders") tantôt assombries par celle, inquiétante et envoûtante, du Bluesman Joe Richardson (un truc de malade).
Subhuman est un univers à lui seul, chaque chanson est une étoile engendrée par une atmosphère nébuleuse où la froideur du métal côtoie la chaleur du sexe, célébrant la naissance d'une biomécanique implacable mais subtile, qui saura vous pénétrer avec douceur et vous secouer avec grâce.
Abandonnez-vous, abandonnez tout, vous êtes sur une autoroute perdue !
Rock'n'roll !!!
Excellent ! 18/20
Posté le 26 juin 2008 à 14 h 25 |
Grandiose, ironique, désespéré, et unique.
Depuis bientôt un an j'écoute ce disque presque toutes les semaines, et c'est à chaque fois une découverte. C'est d'abord la voix graveleuse, profonde et en même temps si aérée de Joe Richardson qui m'a intrigué, avec les choeurs de "Prey", qui fait office de single et d'ouverture au disque, choeurs tellement surprenants que je le prenais presque comme un gag. Ensuite on laisse s'écouler les plages suivantes, gardant certainement une impression d'intense recherche et de compositions poussées, mais difficile de décortiquer tout ça d'une traite. Trop lourd, trop complet, indigeste.
Alors on pourrait laisser tomber là, et se rediriger vers quelque oeuvre plus facile d'accès. Mais le talent qui ressort de cette galette par grosses gouttes étincelantes fait qu'on se doit d'y revenir. Avec patience.
Alors, morceau par morceau, instrument par instrument, la musique se découvre par couches selon les affinités de chacun, et forme finalement un tout indissociable mixé d'une façon tellement géniale qu'on ne peut que s'en régaler. On se régale par le blues chaud et crasseux qui est à la base des morceaux, tirés du répertoire du Joe Richardson Express, power trio mené par Joe Richardson (je vous assure) s'exécutant dans le Mississipi, dont Alan Wilder a proposé de reprendre les chansons, et de les retravailler à sa sauce. On se régale donc du travail d'orfèvre dans la recomposition des morceaux, des ajouts d'électro qui s'y sont faits et des mélanges des genres qui arrivent à préserver la tonalité si particulière de l'univers créé dans cet album. On se régale en fait du choc provoqué par l'opposition entre les instruments traditionnels et les techniques modernes de gestion des morceaux. C'est propre et bien lisse, mais ça prend aux tripes. Il y a de l'électro, mais on y garde un mouvement terriblement humain (et le batteur y est pour beaucoup). Les basses sont rondes et lourdes et s'imposent comme des évidences.
Et pourtant derrière tout ça, il reste un message, qui nous annonce sur le ton de l'ironie et dans des grands élans gospel et motivants, que nous sommes tous des proies, qu'on a pas beaucoup avancé en 5000 ans de civilisation, et qu'on a beau être à la pointe de la technologie, on reste des sous-hommes vu tout ce qu'on pourrait faire de positif avec ce qu'on a entre les mains, alors qu'on continue à nous entretuer. Si la poupée du visuel de la pochette est assise sur une bombe, ça n'est pas pour rien.
Ce disque est un véritable chef-d'oeuvre d'innovation, et est résolument tourné vers l'avenir. On ne peut rien modifier de cet édifice, tellement il est solide, mais il nous indique certainement une voie à prendre pour faire progresser les conceptions que l'on a de la musique, et celles que l'on a du système dans lequel nous vivons. Ce disque est une étape, et un véritable bijou.
Depuis bientôt un an j'écoute ce disque presque toutes les semaines, et c'est à chaque fois une découverte. C'est d'abord la voix graveleuse, profonde et en même temps si aérée de Joe Richardson qui m'a intrigué, avec les choeurs de "Prey", qui fait office de single et d'ouverture au disque, choeurs tellement surprenants que je le prenais presque comme un gag. Ensuite on laisse s'écouler les plages suivantes, gardant certainement une impression d'intense recherche et de compositions poussées, mais difficile de décortiquer tout ça d'une traite. Trop lourd, trop complet, indigeste.
Alors on pourrait laisser tomber là, et se rediriger vers quelque oeuvre plus facile d'accès. Mais le talent qui ressort de cette galette par grosses gouttes étincelantes fait qu'on se doit d'y revenir. Avec patience.
Alors, morceau par morceau, instrument par instrument, la musique se découvre par couches selon les affinités de chacun, et forme finalement un tout indissociable mixé d'une façon tellement géniale qu'on ne peut que s'en régaler. On se régale par le blues chaud et crasseux qui est à la base des morceaux, tirés du répertoire du Joe Richardson Express, power trio mené par Joe Richardson (je vous assure) s'exécutant dans le Mississipi, dont Alan Wilder a proposé de reprendre les chansons, et de les retravailler à sa sauce. On se régale donc du travail d'orfèvre dans la recomposition des morceaux, des ajouts d'électro qui s'y sont faits et des mélanges des genres qui arrivent à préserver la tonalité si particulière de l'univers créé dans cet album. On se régale en fait du choc provoqué par l'opposition entre les instruments traditionnels et les techniques modernes de gestion des morceaux. C'est propre et bien lisse, mais ça prend aux tripes. Il y a de l'électro, mais on y garde un mouvement terriblement humain (et le batteur y est pour beaucoup). Les basses sont rondes et lourdes et s'imposent comme des évidences.
Et pourtant derrière tout ça, il reste un message, qui nous annonce sur le ton de l'ironie et dans des grands élans gospel et motivants, que nous sommes tous des proies, qu'on a pas beaucoup avancé en 5000 ans de civilisation, et qu'on a beau être à la pointe de la technologie, on reste des sous-hommes vu tout ce qu'on pourrait faire de positif avec ce qu'on a entre les mains, alors qu'on continue à nous entretuer. Si la poupée du visuel de la pochette est assise sur une bombe, ça n'est pas pour rien.
Ce disque est un véritable chef-d'oeuvre d'innovation, et est résolument tourné vers l'avenir. On ne peut rien modifier de cet édifice, tellement il est solide, mais il nous indique certainement une voie à prendre pour faire progresser les conceptions que l'on a de la musique, et celles que l'on a du système dans lequel nous vivons. Ce disque est une étape, et un véritable bijou.
Exceptionnel ! ! 19/20
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