John Grant

Pale Green Ghosts

Pale Green Ghosts

 Label :     Bella Union 
 Sortie :    lundi 11 mars 2013 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

Quelqu'un de très sage a (probablement) dit un jour que les douleurs ne disparaissent pas définitivement mais on apprend à vivre avec. Le temps guérit, les choses doivent empirer avant de s'améliorer, une plaie doit saigner avant de cicatriser, le lecteur formulera comme bon lui semblera. Sur son premier album solo, John Grant parlait des douleurs avec lesquelles il a appris à vivre et des enseignements à en tirer. Pale Green Ghosts est en ce sens son opposé diamétral. Ses chansons parlent de la douleur vive et brutale lorsqu'elle se déclare, du monde qui s'écroule sous les pieds, des envies de hurler dans le vide pour tenter d'expulser le mal qui nous ronge, de la solitude la plus sombre, des questions qui restent sans réponses, des silences assourdissants.

John le raconte lui-même dans "It Doesn't Matter To Him" : alors qu'enfin il goutait au succès mérité avec Queen Of Denmark, sa relation amoureuse a pris fin. Le monde était à ses pieds mais il n'en a tiré aucune félicité car il était un être défait. Après quelques sessions avec les gars de Midlake, John est parti panser ses plaies en Islande (où il vit toujours aux dernières nouvelles) et a remplacé l'approche organique vintage de son premier album par des rythmiques électro glaciales juxtaposées à des guitares acoustiques limpides et des arrangements majestueux (pensez au son de Adore des Smashing Pumpkins en plus extrême). L'incroyable ouverture de l'album annonce la couleur, au milieu de la chanson arrive un arrangement terrifiant de désolation inspiré par Rachmaninov. Jusque-là, nous naviguions en territoire électro underground, la boite de nuit, les abus et excès qui vont avec. Alors que les bras triomphants se lèvent dans le tourbillon de l'euphorie de l'instant, c'est subitement seul au milieu d'un blizzard sibérien que l'auditeur se réveille. L'implacable froid de la solitude qui succède à la chaude insouciance de la veille et soyez les bienvenus dans le break-up record le plus probant des vingt dernières années. D'abord énervé, John envoie des formules qui claquent sur l'ex "ceinture noire de bullshit" avant de signer une sorte de manifeste autobiographique colossal sur "GMF" (pour Greatest MotherFucker), moment le plus proche de l'évidence pop du premier album même si le ton est plus grave -à lire dans les deux sens du terme- avant un enchainement de quatre chansons désespérément belles mais à ne pas mettre entre toutes les oreilles tant leur tristesse est contagieuse : "Vietnam" aussi douce et pure que le mur de glace qui est évoqué dans les paroles mais tout autant glaçante, effrayante, seule et sombre qu'un iceberg heurtant un navire la nuit. "It Doesn't Matter To Him" déjà évoqué plus haut qui en un tour d'accord au refrain détruit toutes les bonnes résolutions réconfortantes des couplets avant "Why Don't You Love Me Anymore ?", moins mélodique que les autres mais parfaite illustration des questionnements presque ridicules et autres crises de panique prêtant à la parodie de ces moments de vie, et "You Don't Have To" avec des paroles d'une précision laser sur la fausse empathie de celui qui part mais déclamées avec une froideur d'assassin (ce dernier couplet... ). En fin d'album, c'est la malchance de recroiser l'autre totalement passé à autre chose qui anime "I Hate This Town" avant "Glacier", le genre de chanson qui change des vies et où Rachmaninov est à nouveau convoqué pour clore avec espoir un album d'une tristesse abyssale.

Pale Green Ghosts est autant un exorcisme amoureux qu'une affirmation artistique, tous les albums suivants de John Grant serviront de ciment entre l'apaisement organique des leçons de Queen Of Denmark et la brûlure à l'azote de celui-ci, et même s'il le promet régulièrement, un retour au son 70s du premier album n'est toujours pas à l'ordre du jour. Ce deuxième disque solo touche à une illustration de la théorie que la vie est moins à propos de ce qui nous arrive que de ce que l'on en fait, en l'occurrence un cœur brisé peut devenir un très grand album. Un des meilleurs des 20 dernières années.


Excellent !   18/20
par Granpa


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