Kate Bush

The Kick Inside

The Kick Inside

 Label :     EMI 
 Sortie :    jeudi 16 février 1978 
 Format :  Album / CD  Vinyle  K7 Audio   

Voilà que déboule de nulle part une fraîche gamine de 20 ans, à la longue chevelure rousse et au regard hallucinée, avec un premier album qui ne ressemble à rien de connu. Déjà, c'est avant toute chose, une voix. Une voix qui ne laisse personne indifférent. Et franchement ça passe ou ça casse. Faut dire que c'est franchement bizarre : ça monte dans les aigus, c'est à la fois doux et enfantin, à la fois crispant et alambiqué, on est dans la baroque à fond.
Moi, j'adhère, les gens sont tombés de leurs chaises à la première écoute, mais j'en connais certains qui ont les oreilles qui sifflent. Donc, je préfère prévenir avant de poursuivre, si les hoquets et les envolées lyriques dans les aigus ressemblent pour vous à de la craie qui raye un tableau, autant passer votre chemin.
Maintenant, si vous y trouvez du charme, alors vous tomberez sur quelque chose d'assez phénoménal. Combien sont-elles à disposer d'un tel organe vocal ? Capables des cabrioles mélodiques les plus folles et les plus osées ? On dirait une chanteuse d'opéra chinois. Vous savez, ces airs impossibles, avec des cassures brusques, des montées en flèche, des passages reposés et sensuels, avant que ça saute, ça trébuche et ça joue aux montagnes russes, comme si on voulait fracasser du verre et écouter les éclats qui tombent par terre. Moi, personnellement, ça m'intrigue que d'entendre de pareilles prouesses.
Après, c'est vrai, c'est impossible de catégoriser ce style, du rock progressif ? de la pop baroque ? de l'art-rock ? Kate Bush peut tout aussi bien signer des chansons pop rigolotes avec basse chewing-gum et clavier ("Kite"), du rock façon cabaret ("James And The Cold Sun"), du reggae asiatique ("Them Happy People") ou d'étranges ballades avec violons et piano ("Room For The Life"). Toutes les mélodies caressent. Car l'instrumentalisation, compliquée, est toujours adoucie. Et par dessus la voix de Kate Bush fait des merveilles. Pourtant, comme rien ne se raccroche à ce qui a pu être fait par le passé, on a l'impression d'être dans un monde totalement étranger, un peu comme si on était tombé sur un enregistrement extra-terrestre.
Alors imaginez le choc qu'ont du ressentir les Anglais lorsqu'ils sont tombés là-dessus ! Kate Bush s'est hissé au sommet des charts sans prévenir. En écrivant elle-même ses chansons, parfois depuis l'adolescence, et en se laissant inspirée par des références intellectuelles. Parait même qu'en creux, ça ne parle que de cul, finalement. Avec ça, elle va pulvériser les records. Toute seule comme une grande.
Bon, euh... en fait, pas vraiment toute seule.
Oubliez ce que j'ai dit sur le couplet "elle débarque de nulle part - personne ne connaissait cette jeune fille - c'est une météorite" etc. Cette remarque vaut pour le quidam du coin, l'amateur alpha de musique, qui en cette fin des seventies, à l'époque du punk et de Debbie Harris, tombe en effet sur cette princesse d'un autre temps sans avoir rien vu venir. Mais pour les vieux briscards du rock, ce genre de lolita, ça ne passe pas inaperçu. Notamment pour David Gilmour, le guitariste des Pink Floyd, qui s'entiche de l'adolescente après avoir écouté ses démos dès 1975 et qui décide de la parrainer. Après un an en studios à sa majorité pour lui apprendre quelques rudiments, elle se retrouve prête à enregistrer. Alors, bien aidée par les studios derniers cris d'EMI, elle pourra mettre à profit son talent. Accompagnée, excusez du peu, de la crème de la crème du rock prog, déjà larguée à l'époque, mais qui en avaient encore sous le pied : les membres de Alan Parson Project, les musiciens de studio d'Elton John, et David Gilmour lui-même.
Plus tard, elle étendra son registre et prendra encore plus de risques, signant des chefs d'oeuvre début des années 80, mais là, pour un premier essai, waou !
Avec cette bande chevronnée, pas moyen de se louper. L'album est bien préparé et cette voix originale sera parfaitement mise en valeur. C'est probablement parce que ces musiciens n'avaient rien à prouver qu'ils ont donné carte blanche à la petite. Et, comme une gamine espiègle, elle ne se privera pas !
Ecoutez l'ouverture de l'album, la chanson "Moving" ; on dirait un générique de film, du piano, des montées en gamme, des vocalises faites de chausse-trappe et d'ascenseurs, ou encore "Strange Phenomena", ses faux airs d'opéra, son refrain extraordinaire et ses hoquets dans les aigus. On dirait un chat qui feule. Cette façon de chanter est si spéciale. Combien sont-elles à avoir un timbre si unique ? Liz Frazer ? Björk ? Et surtout, aujourd'hui, qui est capable de chanter comme ça et de pulvériser les charts comme Kate Bush a pu le faire ? Et c'est là que je vais revenir à mon couplet habituel, le "c'était mieux avant", mais même si je suis certain qu'il y a quelque part dans le monde, des milliers de petites Kate Bush qui ont le même pouvoir vocal, l'industrie et l'homogénéisation des goûts font qu'on a du mal à les voir au premier plan. Vous pensez que Lady Gaga ou Beyoncé sont capables de chanter comme Kate Bush ? Lol. Je ne vous parle même pas d'Aya Nakamura ! Je n'ai rien contre elle mais on est à l'inverse de Kate Bush, dans la nonchalance et la bouche pleine de caramel aux dents serrés. Chacun son époque...
Vous voulez vous en convaincre ? Prenez son premier hit, "Wuthering Heights", et vous m'en direz des nouvelles. Balancez-le en 2019 et attendez de voir si ça tourne en boucle sur les chaînes télé le matin au petit déjeuner. J'aimerai bien savoir... Mais fort heureusement, nous sommes ici, sur Xsilence, entre amateurs et petits curieux. Alors si vous êtes ouvert (et que vous aimez les belles voix), vous allez adorer ce refrain époustouflant, à avoir les fesses par terre, à coup de "ohohohoh" qui grimpent facile plusieurs octaves en quelques secondes ! Démarrant avec un couplet haché et déstructuré, puis noyé de violons, de harpes et de xylophones, le titre vire ensuite au pur merveilleux, avant se terminer sur un petit solo de guitare qui va bien. C'est tellement original !


Excellent !   18/20
par Smashead


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