Marie Davidson

Adieux Au Dancefloor

Adieux Au Dancefloor

 Label :     Citytrax 
 Sortie :    jeudi 06 octobre 2016 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

[Chronique en aveugle #33] Le rédacteur ne savait rien de l'identité de l'artiste dont il a chroniqué le présent album.


Q.G. du traitement des chroniques à l'aveugle. Zone 51,5.

L'agent 10331 pousse la lourde porte du bâtiment en rouge et blanc du gigantesque édifice abritant le travail des plus grands cerveaux de notre temps, des individus opérant dans l'ombre dans un monde confus, cruel et impitoyable. A la gauche de cette lourde porte, une colonne grecque voit en son sommet un oiseau sculpté dans du marbre de Carrare scruter les entrants et sortants de cette institution hors-norme. Sur une autre colonne à droite, un chat (lui aussi moulé dans les matériaux les plus nobles), qui, dit-on dans des légendes, avait le pouvoir d'être bien bavard dans des temps plus anciens.

Après avoir donné son identifiant, l'agent 10331 circule dans les couloirs du bâtiment, un labyrinthe savamment confus, où chaque porte peut mener à de fatales rencontres.
Il est angoissé, stressé, sous pression. La mission qui lui a été confiée et pour laquelle il était volontaire ne s'est pas déroulée comme prévue. Les bienveillants capitaines l'avaient pourtant envoyé dans un territoire à priori sans danger pour lui, au vu de ses états de service synthétiques...

Au travers d'un long couloir vitré donnant sur la terrasse couverte du lieu, il observe avec frisson le mur où les matricules de ses camarades sont inscrits avec la peinture de la honte: n°7667, n°9565, n°10591 et même n°9241 pour ne citer qu'eux... Allait-il lui aussi orner de ce mur funeste les chiffres de son numéro tombé en disgrâce?

Arrivé au bureau du Major Chef Colonel Suprême (on ne sait ce qu'est devenu le grand Manitou Boss Patron Ultime Magnifique Maître du Monde, lui aussi, tel le chat et l'oiseau, baigne désormais dans des univers et sphères légendaires), N°10331 toque fébrilement. On lui somme d'entrer.

- Ah, vous voilà agent 10331!Tout s'est bien passé?

Un frisson lui parcourt l'échine.

-Euh, oui excusez moi de vous demander pardon pour mon retard. J'ai été retenu dans Le grand Ouest synthétique.

- Ce n'est pas bien grave, voyez plutôt ici derrière moi monsieur 9241... Il n'a pas fait non plus fait ses devoirs de vacances et regardez, il est toujours là!

- Euh oui, mais bon comme c'est le mélodiste du bonheur aux tympans universels, je pensais qu'il était tout excusé... Vous n'allez pas me lâcher dans un champ pour m'exécuter derrière mon dos, dîtes-moi?

- Grands Dieux, non! Alors, qu'est-ce que ça donne?

- Ben, m'est d'avis que cette mission aurait été parfaite pour n°10514. Il aurait trouvé de bien meilleurs mots et c'est peut-être davantage son univers. Vous savez, je ne suis qu'un modeste contributeur et...

- Ah, mais Sacrebleu Scrogneugneu, c'est vous qui avez été choisi! N'oubliez pas que vous étiez volontaire!

-Oui, mais cela aurait été sans doute mieux traité par ses soins ou les vôtres...

-Il me reste de la peinture Monsieur 10331, voulez-vous qu'il s'ajoute à vos amis fans de Dinosaures ou de nourriture riche en calories?

- Non, non...

- Alors, filez-moi votre papier qu'on en finisse. Et s'il vous plaît, remettez vous au boulot, n°1821 a bien du mal à gérer la terrasse et les relations avec le monde extérieur, donnez lui de la matière! (n°1821 est lui aussi derrière aux côtés de n°9241, à gérer sur ses multiples ordinateurs les divers contacts et ordonnances de l'Organisation).

- Je vous donne ça rapidement Monsieur Major Chef Colonel Suprême.

- Très bien, n°10331.

- Je ne suis pas un numéro, je suis un homme comme il est libre Max!

-Oui, c'est ça... Reposez vous... Et donnez moi ce foutu papier, on fait du journalisme total ici, merde!

N°10331 sort du bureau. Il est vivant, son matricule intact. Très vite, il se dirige vers son Open Space et ressort ses notes. Ainsi, muni de celles-ci et de son ordinateur, il tape ce qui deviendra une chronique à l'aveugle, une mission où les dangers, les tromperies et les entourloupes sont plus fatales que jamais.

Et voici ce que donne son compte-rendu:

"Oh, les beats du premier titre me font penser à l'intro de "Blue Monday", il est vraiment sympa le Chef. C'est cool ces synthés agressifs après, et cette voix de femme à la fois autoritaire et douce. Ca promet d'être une belle aventure. J'ai l'impression d'être dans un club où il fait tout noir. Ca tombe bien, c'est une chronique en aveugle! La noirceur se poursuit dans l'instrumental d'après: notes et éclats synthétiques obscurs sur des beats électro. Du beau minimalisme façon 1982 mais en plus moderne. D'ailleurs, cela semble être la dualité du disque: un morceau chanté, puis une plage instrumentale. Le troisième titre me renvoie à "Los Ninos Del Parque" des Liaisons Dangereuses, avec toujours cette voix posée et ferme. La quatrième piste, me confirme que je suis dans un territoire en clair obscur, en contre jour, entre menace et rêverie. Sur la cinquième, la voix chante en français, le groupe ou l'artiste est donc capable de plurilinguisme comme les Worlds Apart en leur temps. Un beat dominateur, des poussées dangereuses, lancinantes, menaçantes encore...Pour contrebalancer, la sixième chanson se veut plus dansante, plus ambiance "Club" sympathique, mais avec suffisamment de vernis noir pour ne pas sombrer dans la légèreté. La voix féminine répète I'm Burning, I'm Burning, I'm Hot, c'est beau, c'est chaud, c'est disco, comme disait un adepte du camping en 1996. Retour à du plus radical ensuite avec un beat accéléré démoniaque et toujours entrecoupés de sons spatiaux étranges. Retour au chant en français qui m'annonce que je suis le bienvenu sur la Planète Ego, avec une demande d'aide pour tuer le temps. Ah, de l'existentialisme sur du gros son! Enfin, l'aventure se clôt, dans un versant un peu à part, plus mélancolique et accessible (m'étonnerait pas que ce soit un Single), chanté en français (le titre étant sans doute contenu dans le refrain, où la chanteuse fait ses adieux au dancefloor).
J'ignore si c'est un premier album, mais ceux qui ont produit ça méritent qu'on y prête écoute à l'avenir. Au-delà des sons noirs, et comme le prouve le dernier titre, il y a une capacité de mélodie sans pour autant qu'il y ait compromission. Donc comme disait Valérie, merci pour ce moment."

N°10331 relit son texte, vérifie s'il n'y pas d'erreur. Il envoie ensuite sa chronique, qui rejoindra les nombreuses autres dans le dédale de la gigantesque organisation. En postant sa chronique, il se demande sur quoi sont tombés ses camarades, s'ils s'en sortent...Il les lira, c'est sûr et espère que quelqu'un effacera leur matricule sur le Mur...


Bon   15/20
par Machete83


  En écoute : https://ct-mariedavidson.bandcamp.com/album/adieux-au-dancefloor


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