Kero Kero Bonito
TOTEP |
Label :
Autoproduit |
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Tiens ! Voilà les petits chéris des nerds d'Internet amateurs de culture nippone venus faire un grand doigt d'honneur kawaii à ceux qui pensaient qu'ils n'étaient bons qu'à faire de la musique pour nerds d'Internet amateurs de culture nippone. Le monde de Kero Kero Bonito n'est plus flashy, rose bonbon, insouciant, à vouloir se creuser un petit terrier dans un coin de ton crâne pour y organiser une pyjama party perpétuelle et jouer à la dreamcast en entonnant des refrains d'une évidence aveuglante. Quelque chose est arrivé à KKB. Quelque chose qui ressemble à s'y méprendre à la Vie. L'aiguille proverbiale a percé la petite bulle d'innocence qui supportait le guilleret trio, laissant place à la confusion et à une mélancolie qui était déjà latente depuis le début mais qui devient massive avec ce nouvel EP. KKB, mes précieux amis, ça n'a pas l'air d'aller bien fort... Et qui font les jeunes en pleine crise existentielle ? Aujourd'hui beaucoup se trouvent un beat et s'enterrent sous l'AutoTune, mais il y a encore quelques irréductibles nostalgiques pour ramasser une guitare et faire cracher la disto.
Cette guitare a un nom, elle s'appelle James Rowland et convoque aussi bien Weezer dans des mini-solos héroïco-rageurs que le garage le plus brut, le shoegaze le moins éthéré et du noise rock ici et là. Pendant ce temps, Gus et Jamie se remettent respectivement aux instruments avec lesquels ils ont commencé la musique ; la batterie et la basse, et Sarah abandonne toute excursion en langue japonaise ou en territoire rap. Quant à ce côté cheap, qui a toujours été présent malgré la claire évolution de la bit pop de Intro Bonito à l'électropop plus mature et léchée de Bonito Generation, il prend un tout nouveau tour. Ici le cheap des sonorités se déplace, se transforme, et soudain... paf ! KKB n'est plus cheap, mais LO-FI ! Wouhou !
"You Know How It Is" est la plus radicale dans le changement de côté brouillon volontaire ; s'entamant et se concluant sur un grésillement d'ampli, la track laisse entendre une batterie massive, des crachats de guitare, une basse qui tente de se faire entendre tandis que le chant de Sarah se noie dans la masse sonore environnante et les choeurs qui accompagnent le refrain, rendant les paroles presque inaudibles. On se croirait véritablement dans le garage du groupe, assistant à une répète organisée à l'arrache... "The One True Path" expose en plein jour les doutes et transformations du KKB nouveau ; l'étrange compo flotte dans l'incertitude, sans jamais se fixer sur un refrain, laissant ses vers se modifier librement et un pont se poser l'air de rien sur une complainte qui m'évoque un Beach House migraineux et un texte qui parle de l'errance, faisant référence au texte religieux des empreintes de pas sur le sable, mais où Dieu n'est pas là pour donner la direction. Il faut composer avec son prochain, et de toute manière l'on ne reste jamais perdu bien longtemps. Une petite oasis d'optimisme dans ce doute de plus en plus envahissant. Si cette piste interroge la manière dont KKB compose, alors "Only Acting" l'atomise un bon coup. Sortie en tant que single, elle a bien fait parler d'elle avec sa manière de faire virer une mignonne chanson power-pop en cauchemar en y infusant un interlude noise criard et une fin apocalyptique où le refrain dérape avant de partir dans un collage expérimental regroupant dark ambient et reprise noise flinguée d'un refrain qui n'a plus grand chose d'humain.* La crise existentielle de KKB va donc jusqu'à l'automutilation... Ce n'est bien sûr pas fait sans humour, et le texte sur la frontière ténue entre la scène du théâtre et celle du quotidien maintient une certaine ambiguïté salutaire qui abrite le groupe de verser dans le choc gratuit. Cet EP s'achève dans ce qui restera à la fois sa piste la plus classieuse et la plus frustrante : "Cinema". Ici KKB semble renouer quelque peu avec son style synthétique, avec la nostalgie poussée à 11 aussi bien dans le style (une sorte de douce city-pop nocturne et lo-fi, comme chantée au bord d'une autoroute déserte, sous un lampadaire dont le néon bleu électrique est légèrement fissuré) que dans les paroles douces-amères, qui parlent de retourner dans le cinéma de son enfance, à revisiter des lieux qui semblent ne jamais vraiment changer, et dont on sort sans savoir clairement si c'est une bonne ou une mauvaise chose. La composition elle-même, sous ses airs de ne pas y toucher, est l'une des plus sophistiquées qu'on ait pu trouver chez KKB ; derrière le beat métronomique la suite d'accords est d'une classe folle et empreinte parfois au jazz, et l'espèce de pont "instrumental" est un condensé d'inventivité. Tout ça pourrait durer, et durer... mais ça ne dure pas. Au bout de 2'06 minutes ça s'arrête, alors que ça pourrait s'envoler.
Et finalement c'est ce qui reste de cet EP si plein de promesses : une promesse, justement. L'impression qu'avec ses 11 toutes petites minutes, ses fins abrupte et sa production rêche, TOTEP est un superbe teaser pour l'album à venir. C'est frustrant, atrocement frustrant même, après une trentaine d'écoutes j'en suis encore à m'habituer doucement à cette brièveté assassine. Ce qu'annonce ce teaser, c'est un changement certain, de l'insouciance à la mélancolie, même si les deux restent des parts essentielles du groupe. Un changement dont il nous reste encore à peser le poids, car finalement derrière ce vernis nouveau le trio devenu quatuor se pose toujours en champions d'une pop extrêmement catchy et faussement naïve. Simplement la naïveté en a pris pour son grade, et les quelques larmes qui ont perlé de cette défloraison sont d'une beauté confondante. Vivement l'Océan.
Cette guitare a un nom, elle s'appelle James Rowland et convoque aussi bien Weezer dans des mini-solos héroïco-rageurs que le garage le plus brut, le shoegaze le moins éthéré et du noise rock ici et là. Pendant ce temps, Gus et Jamie se remettent respectivement aux instruments avec lesquels ils ont commencé la musique ; la batterie et la basse, et Sarah abandonne toute excursion en langue japonaise ou en territoire rap. Quant à ce côté cheap, qui a toujours été présent malgré la claire évolution de la bit pop de Intro Bonito à l'électropop plus mature et léchée de Bonito Generation, il prend un tout nouveau tour. Ici le cheap des sonorités se déplace, se transforme, et soudain... paf ! KKB n'est plus cheap, mais LO-FI ! Wouhou !
"You Know How It Is" est la plus radicale dans le changement de côté brouillon volontaire ; s'entamant et se concluant sur un grésillement d'ampli, la track laisse entendre une batterie massive, des crachats de guitare, une basse qui tente de se faire entendre tandis que le chant de Sarah se noie dans la masse sonore environnante et les choeurs qui accompagnent le refrain, rendant les paroles presque inaudibles. On se croirait véritablement dans le garage du groupe, assistant à une répète organisée à l'arrache... "The One True Path" expose en plein jour les doutes et transformations du KKB nouveau ; l'étrange compo flotte dans l'incertitude, sans jamais se fixer sur un refrain, laissant ses vers se modifier librement et un pont se poser l'air de rien sur une complainte qui m'évoque un Beach House migraineux et un texte qui parle de l'errance, faisant référence au texte religieux des empreintes de pas sur le sable, mais où Dieu n'est pas là pour donner la direction. Il faut composer avec son prochain, et de toute manière l'on ne reste jamais perdu bien longtemps. Une petite oasis d'optimisme dans ce doute de plus en plus envahissant. Si cette piste interroge la manière dont KKB compose, alors "Only Acting" l'atomise un bon coup. Sortie en tant que single, elle a bien fait parler d'elle avec sa manière de faire virer une mignonne chanson power-pop en cauchemar en y infusant un interlude noise criard et une fin apocalyptique où le refrain dérape avant de partir dans un collage expérimental regroupant dark ambient et reprise noise flinguée d'un refrain qui n'a plus grand chose d'humain.* La crise existentielle de KKB va donc jusqu'à l'automutilation... Ce n'est bien sûr pas fait sans humour, et le texte sur la frontière ténue entre la scène du théâtre et celle du quotidien maintient une certaine ambiguïté salutaire qui abrite le groupe de verser dans le choc gratuit. Cet EP s'achève dans ce qui restera à la fois sa piste la plus classieuse et la plus frustrante : "Cinema". Ici KKB semble renouer quelque peu avec son style synthétique, avec la nostalgie poussée à 11 aussi bien dans le style (une sorte de douce city-pop nocturne et lo-fi, comme chantée au bord d'une autoroute déserte, sous un lampadaire dont le néon bleu électrique est légèrement fissuré) que dans les paroles douces-amères, qui parlent de retourner dans le cinéma de son enfance, à revisiter des lieux qui semblent ne jamais vraiment changer, et dont on sort sans savoir clairement si c'est une bonne ou une mauvaise chose. La composition elle-même, sous ses airs de ne pas y toucher, est l'une des plus sophistiquées qu'on ait pu trouver chez KKB ; derrière le beat métronomique la suite d'accords est d'une classe folle et empreinte parfois au jazz, et l'espèce de pont "instrumental" est un condensé d'inventivité. Tout ça pourrait durer, et durer... mais ça ne dure pas. Au bout de 2'06 minutes ça s'arrête, alors que ça pourrait s'envoler.
Et finalement c'est ce qui reste de cet EP si plein de promesses : une promesse, justement. L'impression qu'avec ses 11 toutes petites minutes, ses fins abrupte et sa production rêche, TOTEP est un superbe teaser pour l'album à venir. C'est frustrant, atrocement frustrant même, après une trentaine d'écoutes j'en suis encore à m'habituer doucement à cette brièveté assassine. Ce qu'annonce ce teaser, c'est un changement certain, de l'insouciance à la mélancolie, même si les deux restent des parts essentielles du groupe. Un changement dont il nous reste encore à peser le poids, car finalement derrière ce vernis nouveau le trio devenu quatuor se pose toujours en champions d'une pop extrêmement catchy et faussement naïve. Simplement la naïveté en a pris pour son grade, et les quelques larmes qui ont perlé de cette défloraison sont d'une beauté confondante. Vivement l'Océan.
Très bon 16/20 | par X_Wazoo |
En écoute : https://kerokerobonito.bandcamp.com/album/totep
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