Carlo Barbagallo

9

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 Label :     Noja 
 Sortie :    vendredi 05 mai 2017 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

[Chronique en aveugle #15] Le rédacteur ne savait rien de l'identité de l'artiste dont il a chroniqué le présent album.

Quand je travaillais en radio et que maisons de disque et labels indés m'envoyaient leurs dernières signatures, je pouvais toujours compter sur un communiqué de presse vantant leurs mérites à base d'hyperboles et de comparaisons hasardeuses, sur un nom à la mode ou un visuel qui en jette. J'avais des repères et, grâce à ces repères, une méthode. L'exercice proposé par la rédaction d'X-Silence est bien plus périlleux, il demande une écoute sans filets et un jugement sans préjugés. Je ne peux donc compter que sur mes oreilles parce que, bien qu'aveugle, je ne suis pas (encore) sourd.

Le hasard (ou un petit malin dont je retrouverais l'adresse) a cru bon de m'envoyer ces dix pistes anonymes, ce voyage prog-rock d'une heure avec qui j'ai passé trois heures car, consciencieux, je me le suis enfilé trois fois. Je dis prog-rock mais j'en sais rien. C'est un domaine auquel je me frotte peu et qui, selon moi mais arrêtez-moi si j'abuse de clichés, englobe des trucs vaguement expérimentaux, vaguement fusion de rock jazz et impros et souvent vachement trop long. Des trucs du genre Pink Floyd (l'ennui) ou Zappa (me faudrait une seconde vie). Si l'objectif était de me tester, de me faire sortir de mes sentiers battus, le tour est joué.

Au début pourtant, j'étais confiant. Quand je dis au début, je veux dire pendant les quinze premières secondes où une mélodie jazz ensoleillée est venu me caresser comme une douce brise un jour de canicule - ça tombe bien, c'était un jour de canicule. Après, ça se gâte : l'instru prend de l'ampleur, se pare d'une emphase que ne fera qu'accentuer la voix du chanteur que j'identifie immédiatement - mais je me trompe sûrement - comme un français bien qu'il chante en anglais. Son accent est très bon mais on me la fait pas, j'ai fait assez de fête de la musique pour reconnaître une grenouille qui se prend pour un rosbiff même quand l'imitation est d'aussi bonne qualité. Le monsieur est donc irréprochable : il chante bien, a un bon accent et flotte sur une orchestration chargée en retombant toujours sur ses pattes. Son seul défaut, c'est de ne pas appartenir aux trois catégories de voix que j'aime bien.
#1 Les crooners (ex : Adam Green, Bill Callahan, Elvis)
#2 Les inimitables (ex : Karen Dalton, Tom Waits, Dave Van Ronk)
#3 Bob Dylan (et ses héritiers, de Kevin Morby à Kurt Vile)
Non, ce mystérieux me fait plutôt penser à des voix que je fuis, celles qui sont trop puissantes pour être honnêtes ou trop techniques pour m'émouvoir, la catégorie dont le parrain officiel, maintenant que Chris Cornell nous a quitté, est cette plaie d'Eddie Vedder. C'est particulièrement flagrant sur la piste 3, dix minutes de torture car je n'aime ni les musiciens trop doués (j'ai besoin d'avoir l'impression, juste l'impression, d'être capable d'en faire autant), ni les chanteurs trop à fond (il me faut un minimum de détachement branleur à la Lou Reed) (ce qui me fait penser à une 4ème catégorie que j'adore, les faux branleurs du genre Mac Demarco, Julian Casablancas ou Stephen Malkmus). Me voilà donc prêt à capituler au bout de vingt-quatre longues minutes où tu sens que les gars font du bon boulot mais que t'es pas le bon client.

Le groupe change alors de stratégie commercial. Ayant bien compris que je crève de chaud, ils font semblant d'ouvrir une canette de soda au début de la piste 4 (autre truc relou de ce que je crois être du prog-rock : l'abus de samples et bruitages pour créer une "atmosphère"). Je crache pas sur le rafraîchissement. Dommage qu'il soit suivi d'une longue (9 MINUTES !) ballade torturée entre le "Exit Music" de Radiohead et le "I'm So Tired" de Lennon avec un texte qui emprunte aux deux mais ne fait que dire tout haut ce que je ressens tout bas lors de cette écoute : "feeling tired, wasting my time". N'empêche, ce que fait le pianiste est joli. En gros novice du jazz, c'est souvent ce que fait le pianiste ou le trompettiste ce que je préfère car c'est souvent le plus accessible (j'aime beaucoup Chet Baker par exemple) (je préférerais écouter Chet Baker par exemple). Je maudis les deux pistes suivantes mais, bizarrement, retrouve l'espoir au détour de la piste 7. Bizarrement, malgré tout le mal que j'ai pu dire des bruitages et de la longueur des morceaux, c'est le morceau avec le plus de bruitages et qui est le plus long (treize minutes) que je préfère. D'abord parce que le chanteur y est quasi-absent (peut-être que j'aurais aimé le reste de l'album si ça avait le cas tout du long) et ensuite parce que la fameuse "atmosphère" est suffisamment chill et lancinante pour que je la savoure comme un bon petit morceau sorti par une playlist aléatoire de FIP sur l'autoradio sur la route des vacances. Une réussite qu'il faut que je pense à mettre de côté lorsque je ferais "clique droit/suppr" sur le reste. Satisfait, je laisse les trois dernières pistes se dérouler alors que je m'endors car je m'endors quand je suis satisfait, désolé les filles.

Et désolé à ce groupe qui n'a rien demandé et se retrouve malmené par un mec qui n'aurait jamais dû les écouter mais qui, sachez-le les gars, à vraiment faire de son mieux pour garder un esprit ouvert dans des conditions difficiles (aveuglement et canicule donc). Y a un public pour ce que vous faîtes sûrement très bien et ça, ce public en question saura l'apprécier. Je ne suis pas ce public. Sans rancune et merci pour la piste 7.


Passable   11/20
par Dylanesque


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