Clipping.

Paris [Point Ephémère] - vendredi 07 novembre 2014

 Clipping.
Il y a beaucoup de très bonnes raisons d'être en retard pour un concert. Non, être Parisien n'en est pas une en soi. Devoir trouver une occupation à sa copine, de passage sur la capitale, pendant le temps du concert est une excuse qui en vaut une autre ; c'était la mienne en ce vendredi soir frisquet. Et bordel, que ce MK2 était bien caché... Il est 20h, heure supposée du show, me voilà enfin au Point Éphémère et je suis déjà essoufflé. Grand naïf, je me présente au videur qui m'annonce que le concert ne commencera certainement pas avant 20h30, par conséquent inutile de rentrer déjà dans la salle. Faut croire que je ne fais pas assez de concert, pourtant c'est pas la ponctualité qui m'étouffe. M'enfin, je me débrouille quand même pour entrer dans l'enceinte du FMR afin de ne pas rester à grelotter sur le Quai de Valmy. Je suis donc le premier dans la salle, je me chope une place assise pépère en attendant mon contact XSilencieux et son pote. Leur arrivée sonne le glas de l'ennui et le début d'une discussion animée avec ceux qui s'avèrent être deux joyeuses encyclopédies musicales sur pattes. Je note mentalement les références d'abstract hip-hop qui fusent, discute de la dernière horreur en date de Scott Walker, découvre une belle vision des nineties par des vétérans...

Il me semble que l'échange vient à peine de débuter lorsque débarque le premier showman de la soirée. Open Mike Eagle, dont je n'avais écouté que deux ou trois morceaux, a la réputation d'un rappeur intelligent et sympathique, du genre à avoir les poches pleines d'aiguilles à dégonfler les chevilles, rejetant les concours d'égo et les sujets clichés du rap (gangsta shit mothafuckah). Loin d'être excellent techniquement en tant que MC, Mike assure le show sans mal ; ses compos sont plaisantes, sa bonne humeur contamine sa prestation et son DJ se trémousse comme un taré derrière ses platines. Le set passe très vite - bon signe - et nous sommes près à affronter la vrai star de la soirée : clipping.

Le trio monte sur scène. Les deux DJs, côte à côte derrière leurs machines, en imposent déjà dans le paysage : l'un taillé comme une armoire à glace et l'autre arborant une impressionnante barbe rousse. Mais lorsque Diggs prend la parole, il est clair que le centre d'attention : c'est lui. Chevelure hirsute explosée, charisme immédiat, le mec a un style, cette espèce de petit sourire qui te donne l'impression qu'il est soit ton meilleur pote, soit le leader magnétique de la plus cool des sectes. Quoi qu'il en soit, dès les premières minutes il semble que clipping. est en territoire conquis. Mon pauvre cœur soumis, en tout cas, leur appartient déjà. Et ce malgré une intro en demi-teinte, où Diggs ne cesse de demander à avoir un retour plus fort. On peut presque discerner les gouttes de sueur dégouliner sur les tempes préoccupées de Snipes et Hudson derrière leurs machines de guerre. Cependant que le show commence pour de bon, tout est oublié ; clipping. est lancé et il ne s'arrêtera plus. Le crew entame le concert avec des morceaux de son premier album avant de passer à son petit dernier chroniqué en ces pages. Sachant que je n'ai jamais encore posé les oreilles sur leur premier opus, la façon dont ils m'entrainent malgré tout comme si je les avais connu toute ma vie est suffisamment parlante.

Le direct est une véritable consécration à mes yeux : clipping. est fait pour le live. Je les aime sur scène et sur disque, à chaque fois pour différentes raisons. A l'écoute de CLPPNG, ce qui retient mon attention sont les samples incroyables des DJs : minimalistes, étouffants, ils posent les bases d'une atmosphère unique, ménageant de grands espaces au sein desquels Diggs déclame ses textes. Ce dernier, si impressionnant qu'il puisse être lorsqu'il s'agit de rapper à la vitesse du son, ne m'apparait pas être l'acteur principal du crew, tant la moelle de leur musique réside dans ce décor musical si particulier. Pourtant sur scène... les DJs s'effacent complètement derrière Diggs, bien conscients des capacités de showman de celui-ci. Magnétique, comme je le disais auparavant, il capte la foule et lui fait rugir ses refrains rageurs. Tiens, je n'avais pas réalisé jusqu'alors que clipping. avait des refrains si entêtants... Pourtant formellement identique sur scène et sur disque, le ressenti est foncièrement différent !

Ceci étant dit, il ne s'agit pas d'oublier le travail des DJs, qui demeurent la pièce maîtresse de clipping. Ils ne manquent d'ailleurs pas de rappeler leur savoir-faire lors d'un morceau dans lequel Diggs s'enfuit de la scène pour laisser le duo nous mettre face à un mur de son impressionnant et enivrant... Un des grands moments du concert sans aucune doute, avec la descente dans le public du MC, venu rapper parmi nous pour nous conter la première "Story" avant de remonter sur scène nous achever avec "Story 2" et le rappel enflammé de "Ends". Enfin... je vais m'arrêter là car ici le track-by-track est tentant, tant tout était excellent.

Je ne taris pas d'éloge sur cette prestation de clipping. ; le disque CLPPNG était déjà une belle claque, le live est une révélation. Il nous a montré un jeune groupe sûr de sa force et conscient de ses nombreux atouts : une bête de scène à la prestation enivrante et deux artilleurs délivrant des jets de précision mortels. Et ce n'est pas Zara qui viendra dire le contraire n'est-ce pas ? Morale de l'histoire : si vous avez aussi une copine de passage qui n'a pas d'atomes crochus particuliers avec l'alt hip-hop et que clipping. passe dans le coin... Trouvez un ciné et pointez-vous en retard. Faites-le pour moi.


Excellent !   18/20
par X_Wazoo


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